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Date : 20040426

Dossier : T-599-03

Référence : 2004 CF 617

Montréal (Québec), le 26 avril 2004

Présente :      Madame le juge Danièle Tremblay-Lamer

ENTRE :

                                                     ECLIPSE INTERNATIONAL

                                                      FASHIONS CANADA INC.

                                                                                                                                demanderesse

                                                                            et

                                                             SHAPIRO COHEN

                                                                                                                                  défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'un appel d'une décision du registraire des marques de commerce (le « registraire » ) datée du 27 février 2003 radiant l'enregistrement de la marque de commerce de la demanderesse.


[2]                Le 24 juillet 2000, à la demande de la défenderesse, le registraire a envoyé à la demanderesse une demande écrite conformément au paragraphe 45(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1984, c. T-13 (la « Loi » ), lui enjoignant de fournir une preuve de son usage de la marque de commerce enregistrée ECLIPSE en association avec des vêtements de sport pour femmes, notamment des chemises, t-shirts, blouses, vestes, pantalons, shorts, jupes, robes et vestons durant la période s'écoulant entre le 24 juillet 1997 et le 24 juillet 2000.

[3]                L'audition eut lieu le 10 octobre 2002. Subséquemment, le registraire a ordonné la radiation de la marque de commerce ECLIPSE au motif que, bien que la preuve présentée par la demanderesse avait démontré que la marque avait été utilisée en association avec des vêtements de sport, elle était insuffisante pour démontrer que c'était en association avec des vêtements de sport pour femmes.

ANALYSE

[4]                Selon la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Molson Breweries, a Partnership c. John Labatt Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 180, la norme de contrôle applicable à une décision du registraire des marques de commerce est celle de la décision raisonnable, à moins qu'il n'y ait de la nouvelle preuve déposée devant la Cour qui pourrait affecter de façon appréciable la décision du registraire; dans un tel cas, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

[5]                En l'espèce, la demanderesse a produit de nouvelles preuves au soutien de sa demande d'appel soit l'affidavit de M. Subhash Khanna, responsable des achats chez la demanderesse, auquel elle a joint comme pièces des factures, dessins et photos, et l'affidavit de Mme Tannis Taylor, acheteuse pour la chaîne de magasins SAAN Stores Ltd., durant la période pertinente.

[6]                Cette nouvelle preuve aurait-elle affecté la décision du registraire de manière appréciable ?

[7]                Dans l'arrêt Plough (Canada) Ltd. c. Aérosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62, le juge Thurlow de la Cour d'appel fédérale a décidé que de simples affirmations qu'une marque est utilisée au Canada sont insuffisantes pour faire preuve de son usage. Il a écrit à la page 66 :

What s-s. 44(1) requires is an affidavit or statutory declaration not merely stating but "showing", that is to say, describing the use being made of the trade mark within the meaning of the definition of trade mark in s. 2 and of use in s. 4 of the Act. The subsection makes this plain by requiring the declaration to show with respect to each of the wares and services specified in the registration whether the trade mark is in use in Canada and if not the date when it was last used and the reason for the absence of such use since that date. The purpose is not merely to tell the Registrar that the registered owner does not want to give up the registration but to inform the Registrar in detail of the situation prevailing with respect to the use of the trade mark so that he, and the Court on appeal, can form an opinion and apply the substantive rule set out in s- s. 44(3).

[8]                À mon avis, l'affidavit de M. Khanna ne contient pas de preuve démontrant que la marque de commerce ECLIPSE était en usage au Canada en association avec des vêtements de sport pour femmes durant la période déterminée.


[9]                Celui-ci affirme que la marque est en usage au Canada en association avec des vêtements de sport pour femmes. Il affirme également que la demanderesse a vendu de tels vêtements à deux distributeurs, mais les factures déposées au soutien de ces affirmations ne contiennent aucune indication que les styles vendus étaient des vêtements de sport pour femmes, ni que ceux-ci portaient la marque de commerce ECLIPSE. La mention du nom ECLIPSE sur ces factures fait référence au nom de la demanderesse, et non à la marque des vêtements.

[10]            La demanderesse soumet que selon l'arrêt Anissimoff & Associates c. Ewa Trading International Inc. (2001), 16 C.P.R. (4th) 404, il n'est pas nécessaire que les factures fassent mention de la marque de commerce. Or, dans cette affaire, le propriétaire de la marque avait également produit des exemples d'emballages qui affichaient la marque.

[11]            Dans la présente affaire, aucune autre preuve n'est déposée par la demanderesse indiquant ou illustrant qu'elle avait fait usage de la marque ECLIPSE en association avec des vêtements de sport pour femmes.


[12]            Les factures réfèrent à des styles de vêtements dont les dessins sont produits au dossier, mais aucun des dessins n'indique que la marque ECLIPSE devait se retrouver sur le vêtement. Par surcroît, rien n'indique que ces dessins utilisés par le manufacturier pour confectionner les vêtements aient été vus par quelqu'un d'autre que le propriétaire enregistré.

[13]            De plus, les vêtements portés par la femme sur les photos produites au soutien de l'affidavit ne portent pas les mêmes numéros de style que ceux mentionnés sur les factures. Il n'y a donc aucune preuve que ces styles étaient sur le marché durant la période pertinente.

[14]            Également, l'affirmation par M. Khanna que de 1997 à 2000, la demanderesse vendait des vêtements de sport dans son magasin Yaar est trop vague pour faire preuve d'usage car il n'indique pas qu'elle vendait spécifiquement des vêtements de sport pour femmes. Son affirmation quant au fait que 75 % des clients du magasin étaient des femmes est non pertinente à la question d'usage puisque plusieurs femmes achètent des vêtements pour les hommes.

[15]            L'affidavit de M. Khanna fait référence à un contrat de licence daté du 30 octobre 1994, conclu entre la demanderesse et Trio Selection Inc. comme preuve que la marque est en usage au Canada en association avec des vêtements de sport pour femmes. Selon M. Khanna, la compagnie Trio Selection Inc. vendait les vêtements de sport pour femmes de la demanderesse à Provigo Distribution Inc. en vertu de cette licence.

[16]            L'article 50 de la Loi stipule que ce n'est que si, selon le contrat de licence, le propriétaire retient le contrôle, directement ou indirectement, sur les caractéristiques ou la qualité des marchandises, l'emploi, la publicité ou l'exposition de la marque au Canada que l'usage fait par le détenteur de licence sera réputé avoir le même effet que l'usage de la marque par le propriétaire au Canada.

[17]            Or, il n'y a aucune clause prévoyant le contrôle sur la qualité de la marchandise ni sur l'emploi de la marque par la demanderesse dans son contrat de licence avec Trio Selection Inc. De plus, elle n'a déposé aucune preuve à l'effet qu'elle aurait exercé un contrôle direct ou indirect sur l'usage de la marque par le détenteur de licence.

[18]            En outre, la demanderesse ne peut se prévaloir de la présomption de contrôle retrouvée au paragraphe 50(2) de la Loi car elle n'a déposé aucune preuve qu'un avis public ait été donné qu'elle est le propriétaire de la marque et que l'usage de la marque par Trio Selection Inc. avait fait l'objet d'une licence.

[19]            La vente par Trio Selection Inc. de marchandises portant la marque de commerce de la demanderesse ne peut donc servir de preuve d'usage de la marque par la demanderesse au Canada.


[20]            De même, l'affirmation à l'affidavit de l'acheteuse Mme Taylor ne fait que démontrer qu'elle aurait acheté des vêtements de marque ECLIPSE directement de la demanderesse et qu'elle aurait vendu ces vêtements à des femmes. Il ne s'ensuit pas qu'il s'agissait de vêtements pour femmes.

[21]            En somme, la preuve déposée par la demanderesse devant la Cour et devant le registraire ne fait ni plus ni moins qu'affirmer plutôt que démontrer qu'elle a fait usage de la marque de commerce ECLIPSE en association avec des vêtements de sport pour femmes au Canada. Selon Plough, précité, ceci n'est pas suffisant pour faire preuve d'usage d'une marque.

[22]            Je conclus que la nouvelle preuve au dossier n'est pas de nature à affecter la décision du registraire; la norme de contrôle applicable est donc celle de la décision raisonnable.

[23]            Je suis satisfaite que la décision du régistraire était raisonnable. Je suis en désaccord avec la demanderesse qui suggère que le registraire a erré en fait. Elle soumet qu'il aurait dûsavoir que les vêtements de sport pour hommes et femmes sont souvent les mêmes, et donc unisexes. La jurisprudence à ce sujet est claire, le registraire n'a pas connaissance d'office de ce qui constitue le cours normal des affaires. Il est donc nécessaire que le propriétaire de la marque explique ce qu'est le cours normal des affaires dans son domaine (S.C. Johnson & Son Inc. c. Registraire des Marques de Commerce (1981), 55 C.P.R. (2d) 34 (C.F.)).

[24]            Je considère également qu'il était raisonnable pour le registraire de considérer l'absence de lien entre l'usage de la marque et les items identifiés sur les factures comme un élément de preuve pertinent. Je conclus que d'après la preuve devant cette Cour et le registraire, il est entièrement possible que ces factures soient reliées à des ventes de vêtements pour hommes.

[25]            Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que l'appel soit rejeté.

                  « Danièle Tremblay-Lamer »                

J.C.F.


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :               T-599-03

INTITULÉ:               ECLIPSE INTERNATIONAL

FASHIONS CANADA INC.

                                                                                demanderesse

et

SHAPIRO COHEN

                                                                                  défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 20 avril 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE:

                                  LE JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                                  Le 26 avril 2004

COMPARUTIONS:

Me Claudette Dagenais                                            POUR LA DEMANDERESSE

Me Chantal Bertosa

Me Teresa Martin                                           POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Dagenais & Associés                                                POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Shapiro Cohen                                               POUR LA DÉFENDERESSE


Ottawa (Ontario)


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