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Date : 20000724


Dossier : IMM-6428-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 JUILLET 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE ROULEAU


ENTRE :

     AMIR HOMAN KAZEMIAN

     demandeur

ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     ORDONNANCE


[1]          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                                 « P. Rouleau »


                                 JUGE

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.







Date : 20000724


Dossier : IMM-6428-98



ENTRE :

     AMIR HOMAN KAZEMIAN

     demandeur

ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision, datée du 23 novembre 1998, dans laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]          Le demandeur, âgé de 33 ans, est citoyen de l'Iran. Il craint d'être persécuté en raison de sa religion, de ses convictions politiques et de son appartenance à un groupe social particulier, celui de sa famille.

[3]          Il a quitté l'Iran le 7 juillet 1997 en possession d'un visa de visiteur canadien obtenu le 2 juin 1997. Il est arrivé au Canada le 10 juillet 1997 et a revendiqué le statut de réfugié le 25 août 1997.

[4]          Le demandeur affirme que sa famille est la cible de persécution parce que son père est en faveur d'un régime fédéré en Iran. De plus, il a lui-même été emprisonné et maltraité pour ses opinions anti-islamiques. Il craint également d'être persécuté parce qu'il serait perçu comme un apostat, s'étant converti au christianisme depuis son arrivée au Canada.

[5]          La section du statut a jugé que le demandeur n'était pas un témoin crédible. Il a omis d'inclure des éléments importants dans son formulaire de renseignements personnels. Les explications qu'il a données à l'audience n'étaient pas satisfaisantes. Certaines parties de son récit n'étaient pas plausibles, d'autres n'étaient pas crédibles.

[6]          La section du statut a décidé que le retard mis par le demandeur à revendiquer le statut de réfugié avait nui à sa demande et qu'il n'était pas crédible lorsqu'il prétendait avoir peur d'être persécuté pour la raison qu'il se serait converti au christianisme.

[7]          Il s'agit donc de déterminer si la section du statut n'a pas respecté un principe de justice naturelle, d'équité procédurale ou autre qu'elle était légalement tenue de respecter et si elle a commis une erreur de droit dans sa décision.

[8]          Le demandeur soutient que l'exactitude de l'interprétation fournie à l'audience est contestable pour trois motifs principaux. Une erreur a été commise sur la question de savoir si le demandeur avait une soeur qu'il n'avait pas mentionnée dans son formulaire de renseignements personnels. Le demandeur soutient que cet aspect a gravement nui à sa crédibilité, jusqu'à ce que cette question soit éclaircie par l'interprète après l'audience.

[9]          Le demandeur soulève également la question des enregistrements effectués à l'audience. Il semble qu'il n'ait pu vérifier correctement les bandes d'enregistrement parce qu'il y avait des blancs dus à une panne de l'appareil d'enregistrement. Selon le demandeur, [TRADUCTION] « de nombreuses questions ont été soulevées au sujet de la crédibilité du demandeur. Un certain nombre de ces questions ne figuraient pas sur les enregistrements et n'ont donc pas pu être vérifiées. Même lorsque ces questions y figuraient, les bandes ne comprenaient pas les réponses fournies par l'avocate » .

[10]          Le demandeur souligne le fait qu'il y a eu de nombreuses omissions concernant la conversion des dates selon le calendrier iranien au cours de l'audience. Étant donné que la décision de la section du statut mentionne l'existence de contradictions au sujet des dates, le demandeur demande si ces contradictions ne s'expliquent pas par le fait que les dates n'ont pas été converties de la façon qu'il avait souhaitée. Il demande également si on aurait pu éviter ces contradictions et si celles-ci ont compromis sa crédibilité devant la section du statut. Le demandeur estime qu'il devrait bénéficier de tout doute sur la qualité générale de l'interprétation effectuée à l'audience.

[11]          Le défendeur soutient qu'il est bien établi que la section du statut a le droit de conclure au manque de crédibilité d'un demandeur en se fondant sur les contradictions et les incohérences de son récit ou en se fondant sur le fait que l'histoire du demandeur n'est tout simplement pas plausible. La Cour n'intervient que si elle est convaincue que la conclusion du tribunal se fonde sur des éléments non pertinents ou si celui-ci n'a pas tenu compte d'éléments de preuve importants. Le défendeur soutient qu'il ne s'agit clairement pas d'un cas où le tribunal a fondé sa décision sur des considérations non pertinentes ou n'a pas tenu compte d'éléments de preuve importants.

[12]          Le défendeur soutient également que la conclusion de la section du statut selon laquelle le demandeur n'est pas crédible est basée sur un examen approfondi des éléments de preuve produits, tant ceux de nature documentaire qu'orale. Il affirme que la section du statut a fourni des motifs très clairs pour justifier sa conclusion au manque de crédibilité du demandeur de sorte qu'il n'existe aucun motif pouvant justifier une intervention de la Cour sur ce point.

[13]          Le défendeur note que le demandeur n'a produit aucun élément de preuve indiquant que la qualité de l'interprétation fournie à l'audience lui a causé un préjudice. Il n'a pas non plus fourni de preuve expliquant quels étaient, d'après lui, les problèmes qui sont survenus au cours des parties de l'audience qui n'ont pas été enregistrées. Ni le demandeur, ni son avocate n'ont soulevé la question de l'interprétation au cours de l'audience. D'après le défendeur, le témoignage du demandeur n'indique pas que celui-ci aurait subi un préjudice en raison des prétendues erreurs d'interprétation. Aucune de ces erreurs n'a eu une incidence déterminante sur la décision de la section du statut puisque cette décision se fondait en l'espèce sur le manque de crédibilité du demandeur, cette conclusion défavorable étant fondée principalement sur les invraisemblances et les omissions du témoignage du demandeur (entre le FRP du demandeur et son témoignage), le fait que la section du statut a estimé que le demandeur ne s'était pas converti au christianisme comme il le prétendait, ainsi que le retard mis par le demandeur à présenter sa demande de statut.

[14]          Le défendeur soutient en outre que la Cour ne dispose d'aucune preuve établissant que si l'interprète n'avait pas commis les erreurs alléguées lorsqu'il a interprété les débats, la décision de la section du statut aurait été différente.

[15]          Je suis d'accord avec le défendeur que l'élément déterminant de la décision de la section du statut selon laquelle il n'est pas un réfugié au sens de la Convention était sa crédibilité. La plus grande partie de la décision de la section du statut porte sur « les problèmes que soulève le témoignage [du demandeur] mais certainement pas tous » .

[16]          Le principe suivant est bien établi :

     « Il appartient à la formation de jugement de la section du statut d'apprécier la crédibilité et la force probante des preuves et témoignages, dans son instruction des revendications du statut de réfugié. C'est ainsi qu'elle peut rejeter des preuves non réfutées si elles ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l'affaire prise dans son ensemble, si elle relève des contradictions dans le témoignage ou si elle juge celui-ci invraisemblable. Dans le cas où il y a eu une audience de vive voix et que l'appréciation de la formation de jugement est, comme en l'espèce, clairement subordonnée, du moins en partie, au fait qu'elle voit et entend le témoin, la cour n'interviendra pas à moins de conclure que la formation de jugement fonde sa décision sur des considérations étrangères à l'affaire ou ignore des preuves dignes d'attention. En bref, la cour n'interviendra que si elle juge la décision manifestement déraisonnable au regard des éléments de preuve produits.
     Dans le cas où la décision de la formation de jugement est centrée en dernière analyse sur son appréciation de la crédibilité, la charge de la preuve qui incombe à celui qui se pourvoit en contrôle judiciaire est bien lourde, puisque la cour doit être persuadée que la décision de la formation de jugement est abusive ou arbitraire, ou rendue au mépris des éléments de preuve dont elle dispose. Ainsi donc, dans le cas même où la cour pourrait tirer une conclusion différente des preuves produites, elle n'interviendra pas à moins que le requérant n'arrive à prouver que la décision de la formation de jugement n'est fondée sur aucune preuve. » (Akinlolu c. M.E.I. (14 mars 1997), Imm-551-96 (C.F. 1re inst.), pages 5 et 6. Voir également Sun c. M.E.I. (23 juin 1993), 92-A-7176 (C.F. 1re inst.), p. 3 et Leung c. M.E.I. (8 juillet 1993), A-7456-91 (C.A.F.), p. 1 et 2)



[17]          En l'espèce, j'estime que le demandeur n'a pas établi que la décision de la section du statut n'est « essentiellement fondée sur aucune preuve » . La décision de la section du statut selon laquelle le demandeur n'est pas crédible est fondée sur un examen détaillé des éléments de preuve, documentaires et oraux, qui lui ont été présentés. La section du statut a fourni des motifs clairs et non ambigus pour étayer sa conclusion au sujet du manque de crédibilité du demandeur. (Voir Hilo c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.), dans laquelle il a été établi que la section du statut était tenue de le faire).

[18]          Certaines parties de l'enregistrement des débats à l'audience tenue par la section du statut sont absentes. Le demandeur conteste l'exactitude de l'interprétation effectuée à l'audience. Pour obtenir gain de cause, le demandeur doit, selon la jurisprudence, démontrer qu'il a subi un préjudice ou du moins qu'il a risqué d'en subir un. (Tung c. M.E.I. (1991), 124 N.R. 388 (C.F. 1re inst.) et Mosa c. M.E.I. (1993), 154 N.R. 200 (C.F. 1re inst.)).

[19]          Après avoir lu l'affidavit préparé par l'interprète du demandeur, je ne peux que souscrire à l'affirmation du défendeur selon laquelle les éléments de preuve ne démontrent pas que le demandeur ait subi un préjudice en raison des erreurs d'interprétation alléguées. Aucune de ces erreurs ne peut être considérée comme ayant eu une incidence déterminante sur la décision de la section du statut puisque celle-ci est fondée sur le manque général de crédibilité du demandeur. La section du statut a fourni plusieurs exemples d'incohérences et de difficultés que soulevait le témoignage du demandeur. Cette liste était étoffée. Pour ce qui est des dates qui n'ont pas été converties au calendrier iranien, il est peu probable que cela ait pu troubler le demandeur au cours de l'audience. La section du statut a expressément déclaré que le demandeur avait [TRADUCTION] « l'habitude des voyages internationaux » .

[20]          Pour ce qui est des lacunes de l'enregistrement de l'audience, je ne pense pas que les parties manquantes auraient été très utiles pour le demandeur en l'espèce. Madame le juge L'Heureux-Dubé a déclaré dans l'arrêt de la Cour suprême intitulé SCFP, section 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793 :

     Dans l'arrêt Kandiah [Kandiah c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 321 (C.A.F.)], la Cour d'appel fédérale a reconnu la préoccupation sous-tendant l'arrêt Tung [précité], à savoir qu'un requérant puisse être dépouillé de ses moyens de révision ou d'appel dans le cas où il n'existe pas de transcription des délibérations de l'audition en litige. Cependant, la cour a statué que si la décision que la cour devait rendre pouvait être rendue sur la foi d'autres éléments de preuve, les principes de justice naturelle ne seraient pas enfreints.



[21]          Les parties de la transcription qui étaient disponibles n'ont pas été déposées devant la Cour, mais il ressort de la décision de la section du statut que celle-ci s'est fondée sur le manque général de crédibilité du demandeur.

[22]          La Cour ne dispose d'aucun élément de preuve qui permette de penser que si l'interprète n'avait pas fait les erreurs alléguées, la décision de la section du statut aurait été différente. J'estime qu'elle n'aurait pas été différente puisqu'elle est fondée sur le manque général de crédibilité du demandeur. J'estime que le demandeur n'a pas établi que la décision de la section du statut était déraisonnable compte tenu des preuves présentées. Le fait que la transcription de l'audience soit incomplète ne porte pas atteinte aux principes de la justice naturelle. Le demandeur n'a pas fourni d'affidavit indiquant que les parties manquantes de l'enregistrement sont pertinentes ou qu'elles portaient sur la question de la crédibilité et auraient permis de réfuter la conclusion de la section sur ce point si l'enregistrement avait été complet. Les allégations portant sur les débats de la section ne permettent pas d'annuler les nombreuses conclusions de celles-ci au sujet du manque de crédibilité du demandeur.

[23]          La demande est rejetée.

                                 « P. Rouleau »

                                 JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 24 juillet 2000

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              IMM-3457-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          AMIR HOMAN KAZEMIAN c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 14 JUILLET 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              24 JUILLET 2000

ONT COMPARU :             
LINDA MARK              POUR LE DEMANDEUR
RAMA SOOD              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

LINDA MARK              POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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