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Date: 19980216


Dossier: IMM-878-97

IMM-1649-97

Entre :

     IMM-878-97

     ABDELMAJID EL ALLETI,

     Requérant,

     - et -

     MINISTRE DE CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION,

     Intimé.

     IMM-1649-97

Entre :

     YASSIR EL ALLETI,

     Requérant,

     - et -

     MINISTRE DE CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION,

     Intimé.

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ :

[1]      Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de deux décisions rendues par la Section d'immigration de l'Ambassade du Canada à Paris: la première décision de la part de l'agent des visas Éloi Arsenault relativement au père Abdelmajid El Alleti ("le requérant"); la deuxième de la part de l'agente Jacqueline Roby relativement à la demande du fils Yassir El Alleti. Les deux demandes ont été jointes en vertu des dispositions de la Règle 1620 de la Cour fédérale.

[2]      Il faut souligner au départ que l'intimé ("le Ministre") admet que les décisions en question sont erronées et consent à ce qu'elles soient infirmées. Il est entendu que la décision relative au fils suivra le même sort que celle du père. En conséquence de l'admission du Ministre, le requérant prie la Cour de rendre une ordonnance cassant la décision de l'agent Éloi Arsenault datée du 6 février 1997; octroyant des visas d'immigrants pour le requérant et les personnes à charge incluses dans sa demande de résidence permanente; ou, alternativement, ordonnant la réouverture et révision de son dossier par un agent des visas différent, à condition que l'exigence de la fiche anthropométrique ne soit plus exigée.

[3]      Pour sa part, le Ministre demande de casser la décision en question et de remettre l'affaire à un agent des visas différent, mais sans émettre de directives.

     1. Les faits

[4]      Le requérant a fait une demande de certificat de sélection auprès du Gouvernement du Québec afin de s'établir au Québec à titre d'immigrant entrepreneur. Cette demande incluait des extraits de casier judiciaire pour son épouse et lui-même en date du 24 octobre 1994 et du 8 décembre 1994 respectivement. Suite à une entrevue de sélection avec le service d'immigration du Québec, des certificats ont été émis dans la catégorie "Entrepreneur".

[5]      Le 14 août 1995, l'agent d'immigration décidait que la sélection avait été faite par erreur et qu'il y avait lieu de convoquer le requérant à une entrevue. Par après, le requérant a été convoqué à nouveau à une entrevue le 18 décembre 1995 et on lui a demandé d'apporter de nouveaux "extraits de casier judiciaire". En février 1996, l'agent a décidé qu'il y avait lieu d'exiger de nouveaux examens médicaux pour le requérant et ses personnes à charge. Par après, l'agent a exigé un "extrait de la fiche anthropométrique".

[6]      Selon la lettre de l'agent Éloi Arsenault en date du 4 novembre 1996, cette fiche est "le document que nous exigeons maintenant pour nos requérants du Maroc. Ce document, d'une validité de trois mois, est délivré par la Direction Générale de la Sureté Nationale, Ministère de l'Intérieur du Royaume du Maroc". D'après un document attaché à une lettre postérieure de l'Ambassade du Canada à Paris pour les résidants du Maroc "il faut la fiche anthropométrique que l'on obtient au poste de police locale".

[7]      En dépit des demandes répétées de la part de l'agent Éloi Arsenault, cette fiche anthropométrique n'a jamais été produite par le requérant. C'est donc que le 6 février 1997 l'agent Éloi Arsenault avisait le requérant que sa demande était refusée au motif qu'il n'avait pas produit cette pièce conformément au paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration ("la Loi")1:

     9. (3) Toute personne doit répondre franchement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

     2. Les prétentions des parties

[8]      La partie requérante soumet que cette Cour a compétence pour ordonner à l'agent d'immigration de remettre au requérant et à son fils les deux visas qu'ils détiennent déjà mais qu'ils refusent de lui remettre pour des considérations non pertinentes. Le requérant a déjà fourni son casier judiciaire, il n'a pas de dossier pénal, pas de problème de santé. Il a déjà été accepté par la Province de Québec à titre d'entrepreneur. Il ne reste donc qu'à l'agent d'immigration de remettre les visas aux intéressés. De plus, ayant déjà rempli toutes les procédures exigées de lui, le requérant a donc une expectative légitime à l'effet que les visas déjà émis lui soient remis2.

[9]      Pour sa part, le Ministre a admis que la décision en question était erronée au sens que l'agent aurait dû faire part de ses inquiétudes relativement aux antécédents judiciaires du requérant afin de lui permettre de réagir avec plus d'efficacité. Le Ministre soutient qu'en vertu des dispositions de l'article 8 de la Loi, il incombe au demandeur d'un visa de démontrer à l'agent que son admission au Canada serait légale et respecterait les dispositions applicables.

[10]      De plus, afin de rendre sa décision l'agent des visas peut exiger du demandeur tous les documents qu'il estime nécessaires à l'étude complète de la demande. C'est même le droit et le devoir de l'agent d'insister pour obtenir une preuve convenable3. Il demeure en l'espèce des questions de fait qui doivent être tranchées par l'agent des visas. Il ne serait donc pas approprié que cette Cour, sur la base de l'alinéa 18.1(3)(b) de la Loi sur la Cour fédérale4, ordonne à l'agent des visas d'accorder un visa au requérant et encore moins qu'elle-même accorde directement un visa au requérant.

[11]      Dans son affidavit, l'agent Éloi Arsenault indique qu'il a appris de la part même du requérant que ce dernier avait une nouvelle adresse au Pays-Bas, ensuite une autre en France et que, finalement, il se trouvait au Canada avec un statut de visiteur depuis le 2 avril 1996. L'agent Éloi Arsenault constate également que "les extraits de casier judiciaire fournis antérieurement dataient de plus de six mois et qu'en outre ils n'étaient pas du type exigé". Il remarque que les fiches anthropométriques en question sont des documents qui sont "de manière générale facilement et rapidement obtenus par tous nos requérants et nous nous étonnons que M. El Allati ne puisse ou refuse de nous les fournir".

     3. Dispositions

[12]      Par conséquent, je suis d'accord avec l'intimé qu'il appartiendra à un autre agent des visas d'évaluer le dossier tel que nouvellement constitué, et, sur la base de ce dossier, de décider s'il est suffisamment complet pour rendre une décision. L'agent rendra la décision qui s'impose, compte tenu des faits apportés en preuve par le requérant.

[13]      Quant à l'étendue des pouvoirs dévolus à cette Cour en vertu de l'alinéa 18.1(3)(b) de la Loi sur la Cour fédérale, il est clair que cette Cour ne peut octroyer elle-même un visa au requérant. Elle peut, bien sûr, infirmer la décision de l'agent des visas et la retourner pour jugement conformément à certaines instructions. Elle ne peut cependant émettre des instructions précises et déterminantes quant à la décision que l'agent doit prendre, à moins que la conclusion soit simple, évidente et inéluctable5. Les directions que cette Cour est autorisée à émettre en vertu des dispositions de l'alinéa 18.1(3)(b) varient selon les circonstances de l'espèce. S'il y a encore des faits à déterminer, ce sera à l'agent de les résoudre. S'il s'agit d'une erreur de droit indiquée par la Cour, il ne restera plus à l'agent des visas que de se conduire en conséquence6.

[14]      En l'espèce, il n'est pas clair et évident qu'il ne reste plus qu'à remettre les visas aux intéressés. Il appartiendra à un autre agent des visas de déterminer si vraiment la fiche anthropométrique est nécessaire et à s'assurer que le casier judiciare du requérant soit mis à date. Il pourra exiger tout autre document qu'il juge approprié dans les circonstances.

[15]      Il en résulte donc que la demande de contrôle judiciaire du requérant est accordée, que les décisions rendues le 6 février 1997 (dans le cas du père) et le 26 mars 1997 (dans le cas du fils) par l'agent des visas sont annulées, et que la demande de visa du requérant est retournée devant un nouvel agent des visas pour être considérée à nouveau.

[16]      Les parties sont d'accord qu'il n'y a pas de question sérieuse d'importance générale à certifier.

    

     Juge

OTTAWA, Ontario

le 16 février 1998

__________________

1      R.S.C. 1985, c. I-2.

2      Re Bendahmane et M.E.I., 61 D.L.R. (4th) 313, aux pp. 326-327.

3      Voir Vadsaria c. M.E.I., (1986), 7 F.T.R. 299 (C.F.).

4      R.S.C. 1985, c. F-7 ajouté par S.C. 1990, c. 8, s. 5:      18.1(3)      Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :
         . . .
         (b)      déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, prodécure ou tout autre acte de l'office fédéral.

5      Voir Xie v. M.E.I. (1994), 75 F.T.R. 125 (p. 130).

6      Voir M.C.I. c. Turanskaya, A-713-95, 4 mars 1997.

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