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     IMM-3837-96

ENTRE:

     LEV MENAKER,

     Partie requérante,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Partie intimée.

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ:

     Le requérant, originaire de Russie et maintenant citoyen d'Israël, demande le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du Statut de Réfugié ("le Tribunal") en date du 3 octobre 1996 statuant qu'il n'est pas un réfugié au Canada au sens de la Convention.

     Il allègue avoir été victime de discrimination et d'abus physique lors de son séjour en Israël et que la police israélienne n'a pas agi suite aux plaintes qu'il a déposées relativement aux actes d'agression dont il a été la victime. Le moment culminant causant son départ d'Israël est survenu en novembre 1994 alors qu'il a été "attaqué par une foule de juifs qui l'ont battu jusqu'à ce qu'il perde connaissance".

     Dans un premier temps, le Tribunal a décidé que le témoignage du requérant n'était pas crédible. Deuxièmement, une volumineuse documentation décrivant la situation politique et sociale en Israël, contrairement à la preuve testimoniale du requérant, indique qu'il n'y a aucune forme de persécution organisée contre les immigrants d'origine Russe dans ce pays. Troisièmement, le Tribunal a déterminé que le requérant n'avait pas démontré l'incapacité de l'état d'Israël à assurer sa protection.

     Le requérant argumente que le Tribunal a erré en se basant sur la preuve documentaire générale sans tenir compte de son propre témoignage et de la preuve qu'il a soumise au soutien de sa revendication. À ce chef, il faut souligner qu'il est parfaitement loisible au Tribunal d'appuyer sa décision sur la preuve documentaire plutôt que sur la preuve testimoniale (voir l'affaire Zhou)1. L'évaluation de la valeur probante de la preuve relève de la compétence du Tribunal de sorte que seule une conclusion déraisonnable permettrait l'intervention de cette Cour. En l'espèce, l'évaluation du Tribunal a été raisonnable compte tenu de la nature contradictoire entre la preuve documentaire et testimoniale.

     Pour ce qui a trait à la protection de l'état, le Tribunal a noté que le demandeur s'est plaint de ne pas avoir été protégé par la police malgré les plaintes qu'il a formulées. Le Tribunal a plutôt retenu que la documentation est à l'effet que la police israélienne fait son travail de façon professionnelle. S'il arrive qu'un citoyen n'est pas satisfait du travail d'un policier, il peut porter plainte au niveau supérieur et ultimement s'adresser à la Cour suprême d'Israël pour obtenir le redressement recherché.

     Selon une décision récente de la Cour d'appel fédérale, Kadenko c. M.C.I.2, relativement à un requérant qui, comme en l'espèce, alléguait l'incapacité de l'état d'Israël d'assurer sa protection au motif que certains policiers avaient refusé de donner suite à ses plaintes, la Cour a décrété qu'un état démocratique moderne est présumé capable de protéger ses citoyens. La Cour a ajouté que le fardeau de la preuve incombe au requérant. Celui-ci doit démontrer, de façon proportionnelle au niveau de développement démocratique de l'état en question, que cet état se trouve dans l'incapacité de le protéger. Le requérant doit épuiser tous les moyens légaux à sa disposition avant de prétendre qu'un état ne peut, ou ne veut, le protéger. Il n'est pas suffisant d'aborder un constable au coin de la rue ou de se rendre au poste de police. Comme le dit le juge La Forest de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Ward3, à la p. 725:

     En l'absence d'une preuve de circonstances exceptionnelles faite par le revendicateur, il me semble que lors de l'audition d'une revendication du statut de réfugié, comme dans une requête en extradition, les tribunaux canadiens doivent tenir pour acquis qu'il existe un processus judiciaire équitable et impartial dans le pays étranger.         

     En conséquence, cette demande en recours judiciaire ne peut être accueillie.

O T T A W A

le 27 octobre 1997

    

     Juge

__________________

1      A-492-91, (1994), C.A.F.

2      A-388-95, 15 octobre 1996.

3      [1993] 2 R.C.S. 689.


COUR FEDERALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR : IMM-3837-96

INTITULE : LEV MENAKER c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE : MONTREAL

DATE DE L'AUDIENCE : 20 OCTOBRE 1997 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE DUBE EN DATE DU 27 OCTOBRE 1997

COMPARUTIONS

Me Michelle Langelier POUR LA PARTIE REQUERANTE

Me Sebastien DaSylva POUR LA PARTIE INTIMEE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Michelle Langelier POUR LA PARTIE REQUERANTE Montreal Quebec

M. George Thomson POUR LA PARTIE INTIMEE Sous-procureur general du Canada

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