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Date : 20000620

Dossier : IMM-3182-99

           

Toronto (Ontario), le mardi 20 juin 2000

EN PRÉSENCE DE Madame le juge Reed

ENTRE :

RAMPIYARI LINDA RAMKISSOON,

                                                                                                                                   demanderesse,

                                                                          - et -

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                          défendeur.

                                                                             

                                                                ORDONNANCE

La demande est rejetée.

                     « B. Reed »

                                                                                                                                               J.C.F.C                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


Date : 20000620

Dossier : IMM-3182-99

ENTRE :

                                             RAMPIYARI LINDA RAMKISSOON,

                                                                                                                                   demanderesse,

                                                                          - et -

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                          défendeur.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]                Les présents motifs concernent le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section d'appel de l'immigration a conclu que la demanderesse avait obtenu le droit d'établissement au Canada par suite d'une fausse indication sur un fait important. Plus particulièrement, la Section d'appel a jugé que la demanderesse a marié Simon Pasad dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de résidente permanente et dont dans l'intention de vivre avec lui en tant que conjointe.

[2]                La demanderesse a épousé Seeraj Ramkissoon le 1er décembre 1976 à Trinidad. Les époux ont eu deux enfants. Ils sont venus tous ensemble au Canada en 1988. Seeraj a revendiqué le statut de réfugié, la demanderesse étant inscrite à titre de personne à charge dans la revendication. La demande a été rejetée et des mesures d'exclusion ont été prises contre les intéressés en 1991. La demanderesse et son mari se sont séparés en 1991, et la preuve dont a été saisie la Commission indiquait que la demanderesse a commencé à fréquenter M. Pasad, qui était lui-même marié à l'époque. M. Pasad et sa femme ont divorcé cette même année. La demanderesse et ses filles ont été expulsées à Trinidad en octobre 1992; Seeraj a été expulsé à Trinidad en novembre 1992.

[3]                La demanderesse a affirmé que ses seuls rapports avec Seeraj au cours des années qui ont suivi sont ceux qu'elle a eus avec lui lorsqu'il lui rendait visite pour ne pas perdre contact avec ses enfants.


[4]                M. Pasad a rendu visite à la demanderesse à Trinidad et ils se sont mariés le 24 mars 1993. M. Pasad a ensuite parrainé la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse et de ses filles. Celles-ci sont arrivées au Canada le 28 juillet 1995; elles sont allées vivre avec M. Pasad dans sa maison située à Scarborough. La preuve était contradictoire à cet égard mais, environ deux semaines plus tard, la demanderesse et ses filles ont quitté cette maison pour s'installer chez elles. M. Pasad affirme que c'est la demanderesse qui est à l'origine de cette séparation. La demanderesse prétend que c'est plutôt M. Pasad qui est à l'origine de la séparation. Selon la preuve, l'épouse divorcée de M. Pasad habitait dans la maison à cette époque.

[5]                La demanderesse et M. Pasad ont engagé des procédures de divorce en novembre 1995 et ont obtenu le divorce le 16 février 1996. M. Pasad était inscrit comme le demandeur dans l'action en divorce. En décembre 1995, la demanderesse a rendu visite à son ex-mari Seeraj, à New York, où il vivait illégalement. Ils se sont remariés le 7 juin 1996. La demanderesse a ensuite parrainé la demande d'admission au Canada de Seeraj à titre de résident permanent. En août 1996, M. Pasad a écrit à Immigration Canada en alléguant que la demanderesse s'était servie de lui pour obtenir le statut de résidente permanente au Canada.

[6]                L'avocate de la demanderesse soutient que l'arbitre a appliqué le mauvais critère lorsqu'il a évalué les témoignages contradictoires de M. Pasad et de la demanderesse. Elle soutient que la SAI a perpétué cette erreur en adoptant et en confirmant celle-ci. L'avocate affirme que l'arbitre a appliqué le critère consistant à déterminer « qui a le plus à gagner » lorsqu'il a évalué la preuve de M. Pasad et celle de la demanderesse, au lieu d'appliquer le critère formulé dans la décision Horbas c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 359 (1re inst.) et de se demander si la demanderesse (1) s'était mariée principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada, et (2) non dans l'intention de vivre en permanence avec M. Pasad.

[7]                Il ressort d'un examen du raisonnement de l'arbitre et de la SAI que le critère consistant à déterminer « qui a le plus à gagner » n'était que l'un des nombreux autres facteurs pris en considération pour évaluer l'ensemble de la preuve. L'arbitre a notamment signalé les éléments suivants : la courte période qui s'est écoulée entre l'établissement de la demanderesse et sa séparation d'avec M. Pasad; la courte période qui s'est écoulée entre cette séparation et le début des procédures en divorce; la courte période qui s'est écoulée entre le début de ces procédures et la rencontre de la demanderesse et de son mari à New York; la courte période qui s'est écoulée entre le divorce et le remariage de la demanderesse avec son premier mari.

[8]                De plus, le critère qu'a appliqué la SAI et qu'elle devait appliquer n'était pas celui qui a été formulé dans la décision Horbas. La SAI n'examinait pas l'authenticité d'une demande de parrainage d'un conjoint. La question à laquelle la SAI devait répondre était celle de savoir si la demanderesse avait donné une fausse indication sur un fait important lorsqu'elle a demandé le droit d'établissement à titre d'épouse de M. Pasad. Cela exige, indirectement bien sûr, une évaluation de l'authenticité du mariage et de la question de savoir si la demanderesse s'est mariée dans l'intention de vivre en permanence avec M. Pasad en qualité d'épouse. Par ailleurs, l'analyse de la preuve est différente et la SAI peut tenir compte, comme elle doit le faire, d'événements postérieurs à ceux qui ont été examinés par l'agent des visas à Port of Spain lorsque la demande d'établissement de la demanderesse parrainée par M. Pasad a été approuvée.

[9]                L'avocate soutient qu'on ne devrait pas croire le témoignage de M. Pasad qui a affirmé que la demanderesse était à l'origine de la séparation : il a payé le divorce; il était nommé à titre de demandeur; il a menti, affirmant que lui-même et la demanderesse étaient séparés depuis plus longtemps que cela n'était le cas en réalité, afin d'obtenir plus rapidement le divorce; le témoignage du consultant étayerait la version des faits de la demanderesse. Tant l'arbitre que la SAI ont reconnu les problèmes posés par le témoignage de M. Pasad et ont considéré qu'il était complice dans l'admission de la demanderesse au Canada. La décision de la SAI contient notamment ce qui suit :

[TRADUCTION]

Une grande attention a été portée à l'enquête et à l'audience à la question de savoir qui de l'appelante ou de M. Pasad était à l'origine du divorce, qui a payé le divorce et pourquoi la demande de M. Pasad indique une fausse date quant à leur séparation. J'estime que la valeur probante de cette preuve est faible. J'accorde beaucoup de poids au témoignage du consultant en divorce qui a affirmé qu'il s'était auparavant occupé des divorces précédents des deux parties et que celles-ci étaient arrivées ensemble à son bureau pour engager les procédures de leur divorce. Il est incontesté que l'appelante n'a pas contesté le divorce malgré le fait que M. Pasad avait indiqué dans sa demande une date erronée quant à la séparation. Cet élément de preuve permet raisonnablement de conclure, comme l'a fait l'arbitre, que les deux parties se sont entendues sur un divorce rapide.

En résumé, je suis convaincu que M. Pasad a aidé l'appelante dans ses efforts pour demeurer au Canada avec ses enfants, indépendamment de leur statut juridique, depuis au moins le début de leur relation en 1990. Compte tenu de la preuve qui indique qu'ils se sont entendus sur un divorce rapide reposant sur des renseignements frauduleux et qu'ils sont restés en assez bons termes depuis leur séparation en août 1995 jusqu'au moins à l'envoi de la lettre de dénonciation en août 1996, je suis convaincu qu'ils s'étaient mariés principalement dans le but de faciliter l'immigration de l'appelante au Canada.

La mesure d'expulsion est valide en droit.

Cette évaluation de la preuve est largement étayée par le dossier.


[10]            Enfin, l'avocate de la demanderesse soutient que la SAI n'a pas correctement évalué les facteurs qui auraient dû l'amener à exercer sa compétence spéciale en équité et à autoriser la demanderesse à demeurer au Canada malgré la mesure d'expulsion valide qui avait été prise contre elle. L'argument voulant que des considérations d'équité exigent un tel résultat repose sur la présence des filles de la demanderesse dans ce pays et leur dépendance émotionnelle à l'égard de la demanderesse. Au moment de l'audience, les filles étaient âgées de 20 et 21 ans. L'une d'elles était sur le point d'aller poursuivre ses études aux États-Unis. L'autre, qui avait terminé ses études, espérait trouver un emploi en marketing au Canada.

[11]            La SAI a expliqué les raisons de son refus d'exercer sa compétence spéciale en équité :

[TRADUCTION]

En ce qui concerne les circonstances qui pourraient justifier l'octroi d'une mesure spéciale en l'espèce, je fais les remarques suivantes. L'acte qui est à l'origine de la mesure d'expulsion est très grave. La fausse indication qu'elle a donnée sur son mariage avec M. Pasad est le seul élément qui a facilité son immigration au Canada à titre d'épouse de son répondant en 1995. Cette fausse indication a aussi facilité indirectement l'immigration en 1995 de ses deux filles qui l'accompagnaient à titre de personnes à charge.

L'appelante a nié tout au long de l'enquête et de l'audience qu'elle n'avait pas l'intention de vivre en qualité d'épouse avec M. Pasad au Canada. À cet égard, rien dans la preuve n'indique la présence de remords eu égard à cette fausse indication. L'appelante a déclaré qu'elle n'avait pas eu l'intention de ramener ses enfants à Trinidad après que sa revendication du statut de réfugié eût été refusée en 1989 ou 1990. Cela montre que cela faisait longtemps que l'appelante ne respectait pas les règles d'immigration au Canada pour atteindre ses propres fins. Une telle preuve dénote l'absence de réadaptation et laisse croire à une tendance à abuser encore une fois de la procédure applicable en matière d'immigration au Canada si l'occasion se présente dans l'avenir.

Les filles de l'appelante sont maintenant âgées de 20 et 21 ans respectivement. Je ne suis pas convaincu qu'elles sont innocentes ou qu'elles ne sont pas au courant de la fausse indication qui a facilité l'obtention de la résidence permanente au Canada. Elles étaient âgées de 9 et 10 ans lorsqu'elles sont arrivées au Canada et qu'elles ont commencé à avoir des liens avec leur parent par alliance, M. Pasad. À mesure qu'elles ont grandi au cours des dix dernières années, elles ont été les témoins directs de l'évolution des rapports entre leur mère et M. Pasad. Elles n'ont jamais perdu le contact direct avec leur père, Seeraj. À l'audience, elles ont corroboré le témoignage de leur mère qui avait affirmé que M. Pasad était le seul responsable de la rupture du mariage - ce qui n'a pas été jugé crédible. Même si les filles pourraient éprouver des difficultés émotives du fait du renvoi de leur mère du Canada, elles étaient au courant depuis quelques années des motifs à l'origine de ce renvoi. Ceux-ci ont pris naissance dans l'intimité du domicile qu'elles partageaient avec leur mère. Ces circonstances ne justifient pas l'octroi d'une mesure spéciale.

Le mari de l'appelante, Seeraj, vit actuellement aux États-Unis sans y avoir de statut. L'appelante l'a épousé en juin 1996 alors qu'il se trouvait dans la même situation. Il est raisonnable de présumer que Seeraj sait à tout le moins maintenant que l'appelante a obtenu son droit d'établissement au Canada en donnant une fausse indication au sujet de son mariage avec M. Pasad. De telles circonstances n'entraînent pas un préjudice pour Seeraj si l'appelante est renvoyée du Canada.

[12]            Je ne constate aucune erreur dans cette analyse.


[13]            Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée.

   « B. Reed »                                                         

      J.C.F.C.

TORONTO (ONTARIO)

Le 20 juin 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                          Avocats et avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :                                                       IMM-3182-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                       RAMPIYARI LINDA RAMKISSOON

                                                                             

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                       

DATE DE L'AUDIENCE :                                         LE MARDI 20 JUIN 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :                                           TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Madame le juge Reed prononcés le mardi 20 juin 2000

ONT COMPARU :

Robin Seligman                                                         pour la demanderesse

Godwin Friday                                                            pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Robin L. Seligman

Avocate

1000-33 Bloor Street East

Toronto (Ontario)

M4W 3H1

pour la demanderesse

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           Date : 20000620

                                                                                                        Dossier : IMM-3182-99

Entre :

RAMPIYARI LINDA RAMKISSOON,

                                                                                                                                 demanderesse,

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                          défendeur.

                                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                 


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