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Date : 20041119

Dossiers : T-1340-03

                                                                                                                                          T-1624-03

                                                                                                               Référence : 2004 CF 1609

ENTRE :

                                    THE DEAN ISLAND COTTAGE ASSOCIATION

                                                                                                                                demanderesse

                                                                             et

                                       LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire des ordres de la Garde côtière canadienne (la GCC) portant que le pont reliant lle Dean à la terre ferme (parcelles des lots 2 et 3, concession 6 et 7, canton de South Crosby, comté de Leeds, province de l'Ontario) (le pont) soit modifié conformément à certaines exigences précises au motif qu'il constitue un « ouvrage non autorisé » au sens de la Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. 1985, ch. N-22 (la Loi) et que la demanderesse se conforme à l'article 6 de la Loi.

Les faits

[2]         Le pont est érigé sur lle Dean et plus précisément sur des parcelles des lots 2 et 3, concession 6 et 7, canton de South Crosby, comté de Leeds, province de l'Ontario.


[3]         En 1995, Roney Engineering Limited a été chargée par la demanderesse de procéder à une analyse structurelle du pont. Elle a recommandé que des travaux de remise en état soient entrepris sans délai. Le 17 juin 1996, l'avocat qui représentait alors la demanderesse a présenté une demande d'autorisation de travaux de réparation du pont au motif que la construction du pont était antérieure à 1882 et qu'en raison de l'article 8 de la Loi, le pont échappait aux articles 5, 6 et 7 de la Loi.

[4]         Le 12 février 1997, la GCC a écrit à la demanderesse pour l'informer qu'elle avait constaté que deux des conditions prévues à l'article 8 de la Loi n'avaient pas été respectées. En ce qui concerne la première condition, la lettre expliquait que la GCC était incapable [TRADUCTION] « de conclure avec une certitude absolue » sur la foi des renseignements fournis, que le pont avait été construit avant 1882. En ce qui a trait à la deuxième condition, la lettre portait ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] En ce qui a trait à la deuxième condition, nous sommes d'avis que le pont gêne davantage la navigation que lorsqu'il a été construit. Cette situation n'est pas imputable à une modification physique de la structure (bien qu'on nous ait informés que le pont original était peut-être une structure à double travée), mais plutôt à lcoulement du temps, aux changements apportés aux modèles de navigation et aux conditions propres au site. En conclusion, nous sommes donc d'avis que l'article 8 de la Loi ne s'applique pas au cas qui nous occupe.

[5]         Tout au long des années 1997 et 1998, la GCC a répondu à diverses demandes de renseignements adressées par des députés au nom de la demanderesse. Les députés ont été informés des intérêts divergents des propriétaires fonciers, du droit de navigation du public et de la façon dont la Loi s'appliquait à la demanderesse. Au cours de 1998 et jusqu'en 1999, la demanderesse, la GCC et les propriétaires fonciers ont continué leur échange de correspondance au sujet du pont.


[6]         À l'automne 2001, des réparations ont été effectuées au pont. On a ajoutédes poutres en acier et du platelage métallique à la structure du pont. La GCC a ordonné l'arrêt des travaux le 19 octobre 2001. Le 5 novembre 2001, la GCC a adressé à la demanderesse une lettre lui rappelant l'ordre d'arrêt des travaux ainsi que les exigences de la Loi en ce qui concerne le gabarit de passage.

[7]         Le 21 décembre 2001 et le 10 janvier 2002, la GCC a envoyé à la demanderesse des lettres l'invitant à soumettre tout élément de preuve complémentaire dont elle voulait qu'il soit tenu compte pour établir lge du pont. Entre décembre 2001 et la date d'introduction des demandes de contrôle judiciaire, la GCC n'a reçu aucun élément de preuve complémentaire au sujet de lge du pont et la demanderesse n'a pas soumis de proposition en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi.

[8]         Le 12 juin 2003, la GCC a sommé la demanderesse, par lettre, de modifier le pont de manière à ce qu'il offre le gabarit de passage horizontal et vertical minimal. Le premier paragraphe de cette lettre portait :

[TRADUCTION] Nous appelons votre attention sur le fait que le pont susmentionné constitue un ouvrage non autorisé au sens de la Loi sur la protection des eaux navigables. Il a été construit et érigé sans l'autorisation du ministre et il porte sérieusement atteinte au droit du public à la navigation.

La demanderesse était expressément sommée d'informer la GCC au plus tard le 7 juillet 2003 de la façon dont elle entendait procéder pour modifier le pont. Les travaux de modification devaient être achevés au plus tard le 28 juillet 2003. La demanderesse a informé la GCC, le 7 juillet 2003, qu'elle ntait pas en mesure à ce moment-là de soumettre des plans en vue de la modification du pont, mais qu'elle ferait trancher la question par la Cour fédérale.


[9]         Dans une lettre subséquente du 7 août 2003, qui comprenait un premier paragraphe identique au premier paragraphe de la lettre précédente du 12 juin 2003, la GCC enjoignait à la demanderesse de modifier le pont pour qu'il comporte le gabarit de passage horizontal et vertical minimal. Les travaux devaient être achevés au plus tard le 8 septembre 2003, à défaut de quoi d'autres mesures seraient prises en vertu de l'article 6 de la Loi.

[10]       Un avis de demande de contrôle judiciaire (T-1340-03) a été déposé le 30 juillet 2003. La demanderesse y réclamait les réparations suivantes :

[TRADUCTION]

1.             Une ordonnance interdisant au ministre de donner l'un des ordres prévus aux articles 5, 6 et 7 de la Loi sur la protection des eaux navigables en ce qui concerne le pont.

2.             Un jugement déclarant invalide ou illicite l'ordre d'arrêt des travaux donné le 19 octobre 2001 ainsi que la directive du Service de la protection des eaux navigables de la Garde côtière donnée le 12 juin 2003;

3.             Un jugement déclarant que les articles 5, 6 et 7 de la Loi sur la protection des eaux navigables ne s'appliquent pas au pont reliant la terre ferme à lle Dean, située dans le canton de South Crosby, comté de Leeds et Grenville, province de l'Ontario.

[11]       Une autre demande (T-1624-03) a été déposée le 5 septembre 2003 en vue d'obtenir les réparations suivantes :

1.             Une ordonnance interdisant au ministre de donner l'un des ordres prévus aux articles 5, 6 et 7 de la Loi sur la protection des eaux navigables en ce qui concerne le pont;

2.             Un jugement déclarant invalide ou illicite l'ordre donné dans la lettre du 7 août 2003;

3.             Un jugement déclarant que les articles 5, 6 et 7 de la Loi sur la protection des eaux navigables ne s'appliquent pas au pont reliant la terre ferme à lle Dean, située dans le canton de South Crosby, comté de Leeds et Grenville, province de l'Ontario.

[12]       Les deux demandes ont été réunies aux termes d'une ordonnance prononcée par notre Cour le 5 décembre 2003.


Dispositions législatives

3. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

« ouvrage légalement construit » Ouvrage non contraire aux règles de droit en vigueur à l'endroit en cause lors de la construction.

« ouvrages » Sont compris parmi les ouvrages :

a) les ponts, estacades, barrages, quais, docks, jetées, tunnels ou conduites ainsi que les abords ou autres ouvrages nécessaires ou accessoires;

b) les déversements de remblais ou excavations de matériaux tirés du lit d'eaux navigables;

c) les câbles ou fils de télégraphe ou de transport dnergie;

d) les constructions, appareils ou objets similaires ou non à ceux mentionnés à la présente définition et susceptibles de nuire à la navigation.

« propriétaire » Le propriétaire véritable ou apparent d'un ouvrage. Est également visé par la présente définition quiconque est en possession d'un ouvrage, en revendique la propriété, en autorise la construction ou l'entretien ou en est chargé à un autre titre.

   [. . .]

3. In this Part,

"lawful work" means any work not contrary to the law in force at the place of construction of the work at the time of its construction;

"owner" includes a person authorizing or otherwise responsible for the erection or maintenance of any work and an actual or reputed owner or person in possession or claiming ownership thereof for the time being;

"work" includes

(a) any bridge, boom, dam, wharf, dock, pier, tunnel or pipe and the approaches or other works necessary or appurtenant thereto,

(b) any dumping of fill or excavation of materials from the bed of a navigable water,

(c) any telegraph or power cable or wire, or

(d) any structure, device or thing, whether similar in character to anything referred to in this definition or not, that may interfere with navigation.

   [. . .]   



   5. (1) Il est interdit de construire ou de placer un ouvrage dans des eaux navigables ou sur, sous, au-dessus ou à travers de telles eaux à moins que :

a) préalablement au début des travaux, l'ouvrage, ainsi que son emplacement et ses plans, n'aient été approuvés par le ministre selon les modalités qu'il juge à propos;

b) la construction de l'ouvrage ne soit commencée dans les six mois et terminée dans les trois ans qui suivent l'approbation visée à l'alinéa a) ou dans le délai supplémentaire que peut fixer le ministre;

c) la construction, l'emplacement ou l'entretien de l'ouvrage ne soit conforme aux plans, aux règlements et aux modalités que renferme l'approbation visée à l'alinéa a).

   (2) Sauf dans le cas d'un pont, d'une estacade, d'un barrage ou d'une chaussée, le présent article ne s'applique pas à un ouvrage qui, de l'avis du ministre, ne gêne pas sérieusement la navigation.

   6. (1) Dans les cas où un ouvrage visé par la présente partie est construit ou placé sans avoir été approuvé par le ministre ou est construit ou placé sur un emplacement non approuvé par le ministre ou n'est pas construit ou placé conformément à des plans ainsi approuvés ou, après avoir été ainsi construit ou placé, n'est pas entretenu conformément à ces plans et aux règlements, le ministre peut :

a) ordonner au propriétaire de l'ouvrage de l'enlever ou de le modifier;

b) lorsque le propriétaire de l'ouvrage n'obtempère pas à un ordre donné sous le régime de l'alinéa a), enlever et détruire l'ouvrage et aliéner - notamment par vente ou don - les matériaux qui le composent;

c) enjoindre à quiconque d'arrêter la construction de l'ouvrage lorsqu'il est d'avis qu'il gène ou gênerait la navigation ou que sa construction est en contravention avec la présente loi.

   5. (1) No work shall be built or placed in, on, over, under, through or across any navigable water unless

(a) the work and the site and plans thereof have been approved by the Minister, on such terms and conditions as the Minister deems fit, prior to commencement of construction;

(b) the construction of the work is commenced within six months and completed within three years after the approval referred to in paragraph (a) or within such further period as the Minister may fix; and

(c) the work is built, placed and maintained in accordance with the plans, the regulations and the terms and conditions set out in the approval referred to in paragraph (a).

   (2) Except in the case of a bridge, boom, dam or causeway, this section does not apply to any work that, in the opinion of the Minister, does not interfere substantially with navigation.

   6. (1) Where any work to which this Part applies is built or placed without having been approved by the Minister, is built or placed on a site not approved by the Minister, is not built or placed in accordance with plans so approved or, having been so built or placed, is not maintained in accordance with those plans and the regulations, the Minister may

(a) order the owner of the work to remove or alter the work;

(b) where the owner of the work fails forthwith to comply with an order made pursuant to paragraph (a), remove and destroy the work and sell, give away or otherwise dispose of the materials contained in the work; and                 (c) order any person to refrain from proceeding with the construction of the work where, in the opinion of the Minister, the work interferes or would interfere with navigation or is being constructed contrary to this Act.

(2) Quiconque n'obtempère pas à un ordre donné sous le régime de l'alinéa (1)a) ou c) commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de cinq mille dollars.

   (3) Les frais entraînés par l'enlèvement, la destruction ou l'aliénation d'un ouvrage par le ministre en application de l'alinéa (1)b) sont, après déduction du montant qui peut être réalisé notamment par vente, recouvrables du propriétaire, ainsi que les frais de recouvrement, au nom de Sa Majesté.

(4) Le ministre peut, sous réserve de dépôt et d'annonce comme dans le cas d'un ouvrage projeté, approuver un ouvrage, ainsi que ses plans et son emplacement, après le début de sa construction; l'approbation a alors le même effet que si elle avait été donnée avant le début des travaux.

   [. . .]

   (2) Any owner or person who fails to comply with an order given to that owner or person pursuant to paragraph (1)(a) or (c) is guilty of an offence and liable on summary conviction to a fine not exceeding five thousand dollars.

   (3) Where the Minister removes, destroys or disposes of a work pursuant to paragraph (1)(b), the costs of and incidental to the operation of removal, destruction or disposal, after deducting therefrom any sum that may be realized by sale or otherwise, are recoverable with costs in the name of Her Majesty from the owner.

   (4) The Minister may, subject to deposit and advertisement as in the case of a proposed work, approve a work and the plans and site of the work after the commencement of its construction and the approval has the same effect as if given prior to commencement of the construction of the work.

   [. . .]

   8. Les articles 5 à 7 ne s'appliquent pas aux ponts dont la construction est antérieure au 17 mai 1882 et qui doivent être reconstruits ou réparés pourvu que, les travaux achevés, les ponts ne gênent pas plus la navigation qu'auparavant.

   [. . .]

   10. Un ouvrage légalement construit peut être reconstruit ou réparé si, de l'avis du ministre, la reconstruction ou réparation ne gêne pas la navigation davantage.

   (2) Un ouvrage légalement construit peut être modifié si les conditions suivantes sont respectées :

a) les plans de la modification projetée sont déposés au bureau du ministre et approuvés par ce dernier;

b) de l'avis du ministre, la modification ne gêne pas la navigation davantage.

   (3) Pour l'application des articles 5, 6 et 12, les plans de l'ouvrage s'entendent également des plans de la modification.

   (4) La reconstruction, réparation ou modification d'un ouvrage existant et légalement construit qui, de l'avis du ministre, est devenu un danger ou un obstacle pour la navigation en raison du temps écoulé et de lvolution des conditions de la navigation dans les eaux navigables en cause est considérée comme un nouvel ouvrage.

   8. Sections 5 to 7 do not affect any bridge constructed before May 17, 1882 that, after that date, requires to be rebuilt or repaired, if the bridge, when so rebuilt or repaired, does not interfere to a greater extent with navigation than on or before that date.

   [. . .]

   10. (1) Any lawful work may be rebuilt or repaired if, in the opinion of the Minister, interference with navigation is not increased by the rebuilding or repairing.

   (2) Any lawful work may be altered if

(a) plans of the proposed alteration are deposited with and approved by the Minister; and

(b) in the opinion of the Minister, interference with navigation is not increased by the alteration.

   (3) For the purposes of sections 5, 6 and 12, a reference to the plans of a work shall be construed as including the plans of the alteration thereof referred to in subsection (2).

   (4) Where, in the opinion of the Minister, an existing lawful work has become a danger to or an interference with navigation by reason of the passage of time and changing conditions in navigation of the navigable waters concerned, any rebuilding, repair or alteration of the work shall be treated in the same manner as a new work.

Analyse

[13]       Il est évident que, d'après les éléments de preuve portés à sa connaissance à lpoque, la GCC a finalement estimé que le pont avait été construit après le 17 mai 1882 et qu'il était donc assujetti aux articles 5 et 6 de la Loi. Les éléments d'information dont la GCC disposait pour évaluer si le pont avait été construit avant ou après le 17 mai 1882 étaient la lettre de la demanderesse et les annexes du 17 juin 1996. Aucun autre renseignement n'a été porté à l'attention de la GCC entre cette date et celle de l'introduction des présentes demandes.


[14]       La demanderesse a annexé à sa demande de juin 1996 une copie d'extraits du répertoire par lot du bureau d'enregistrement concernant certaines parcelles de terrain sur lesquelles le pont est présentement situé. Le répertoire montre qu'en 1880, il existait un droit de passage entre la terre ferme et lle Dean. La demanderesse explique également dans sa demande qu'il est inconcevable qu'en 1860, le propriétaire d'un terrain aurait toléré l'inconvénient de ne pas avoir de pont pour transporter jusqu lle son bétail, son matériel et ses produits. La preuve contredit cette affirmation. En effet, le rapport technique de 1995 de Roney indique que [TRADUCTION] « la présente analyse est effectuée [...] en partant du principe que le pont a été construit au cours des vingt-cinq dernières années. »

[15]       Compte tenu de ces éléments de preuve, la GCC affirme, dans la lettre susmentionnée du 12 février 1997, qu'elle est [TRADUCTION] « incapable de conclure avec une certitude absolue » et, dans une lettre datée du 22 août 2002, qu'il n'y a [TRADUCTION] « aucune preuve concluante » que le pont a été construit avant le 17 mai 1882, appliquant ainsi une norme de preuve plus élevée que celle qui est exigée, en l'occurrence la norme civile de la prépondérance de la preuve. En appliquant une norme de preuve incorrecte, le défendeur a commis une erreur de droit donnant ouverture au contrôle judiciaire (voir, par exemple, la décision Canadian Civil Liberties Association c. Ontario (Civilian Commission on Police Services) (2002), 61 O.R. (3d) 649)).

[16]       Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de décider si l'avis formulé dans l'affidavit de M. Osborne soumis par la demanderesse, qui traite de faits qui n'avaient pas été portés à la connaissance de la GCC, constitue un élément de preuve admissible.


[17]       J'estime que le moyen que le défendeur tire du paragraphe 10(4) de la Loi est mal fondé, étant donné que, dans les ordres en question, la GCC déclare explicitement que le pont « constitue un ouvrage non autorisé au sens de la Loi sur la protection des eaux navigables » , étant donné qu'il a été « construit et érigé sans l'autorisation du ministre » , ce qui s'accorde avec une lettre en date du 27 février 2002 dans laquelle la GCC déclare :

[TRADUCTION] Pour le moment, le pont n'est pas considéré comme une structure légalement construite et la Garde côtière canadienne a l'intention de prendre les mesures légales nécessaires pour corriger la situation.

(Non souligné dans l'original.)

La GCC ne considérait donc pas le pont comme un « ouvrage légalement construit » visé par l'article 10 de la Loi, et notamment par le paragraphe 10(4). Dans ces conditions, comme les ordres contestés ne mentionnent pas expressément l'avis du ministre prévu au paragraphe 10(4) de la Loi, j'estime que le défendeur n'a pas établi l'existence d'un tel avis.


[18]       Le fait que le texte de la lettre du 12 février 1997 de la GCC reprend le libellé du paragraphe 10(4) de la Loi ne permet pas de conclure à l'existence d'un avis du ministre qui serait fondé sur cette disposition. Il ressort à lvidence d'une simple lecture du texte intégral de la lettre que la GCC a par erreur employé le libellé du paragraphe 10(4) pour étayer à ce moment-là sa conclusion que la demanderesse n'avait pas rempli la deuxième condition prévue à l'article 8 de la Loi. Toutefois, les ordres contestés subséquents contenus dans les lettres du 12 juin 2003 et du 7 août 2003 ne semblent pas reposer sur le défaut de la demanderesse de remplir cette seconde condition et ce, même s'il est précisé dans ces lettres que le pont « porte sérieusement atteinte au droit du public à la navigation » . Si on les replace dans le contexte de l'ensemble de la preuve, on constate que ces deux lettres semblent présumer que le pont n'a pas été construit avant le 17 mai 1882. J'estime donc que la seconde condition prévue à l'article 8 de la Loi n'est pas pertinente, car elle ne s'applique qu'aux ponts construits avant le 17 mai 1882. En tout état de cause, pour que la seconde condition puisse s'appliquer, en supposant que le pont ait été construit avant le 17 mai 1882, la GCC devait tenir compte des réparations complètes proposées par la demanderesse ou pour son compte pour évaluer l'ampleur de l'obstacle à la navigation du pont « ainsi réparé » , ce qui n'a pas été fait.

[19]       Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. Les ordres donnés par la GCC le 12 juin 2003 et le 7 août 2003, et l' « ordre d'arrêt des travaux » sous-jacent du 19 octobre 2001, sont annulés et l'affaire est renvoyée à la Garde côtière canadienne pour réexamen par un autre fonctionnaire agissant pour le compte du ministre des Pêches et Océans, conformément aux présents motifs d'ordonnance. Toutefois, dans la mesure uniquement où elle concerne l' « ordre d'arrêt des travaux » du 19 octobre 2001, la présente ordonnance ne prendra effet qu'après l'expiration du délai d'appel dans la présente affaire. Les dépens sont adjugés à la demanderesse.

                       « Yvon Pinard »                                                                                      

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 19 novembre 2004

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                       T-1340-03 et T-1624-03

INTITULÉ :                                           DEAN ISLAND COTTAGE ASSOCIATION c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                   HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 13 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                       LE 19 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Duncan R. Beveridge, c.r.                                         POUR LA DEMANDERESSE

Darlene M. Lamey                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Beveridge, MacPherson & Duncan                                     POUR LA DEMANDERESSE

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Morris Rosenberg                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

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