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Date : 20011120

Dossier : IMM-345-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1272

ENTRE :

                                                                        GUANG LIN

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire relative à une décision en date du 26 juin 2000 par laquelle l'agente des visas a rejeté la demande de résidence permanente au Canada du demandeur à titre de chef autonome (CNP 6141.3).


[2]                 Les deux principales questions à trancher consistent à savoir si l'agente des visas a évalué correctement l'avoir du demandeur et si la portée de l'évaluation était satisfaisante. Il y a également des questions accessoires, notamment celles de savoir si l'agente était functus officio lorsqu'elle a refusé la demande du demandeur, si elle était tenue d'évaluer le demandeur dans la catégorie des entrepreneurs alors que celui-ci n'avait pas mentionné cette catégorie ni dans sa demande ni au cours de l'entrevue et si elle a commis une erreur en attribuant deux points seulement au demandeur au titre de la personnalité.

[3]                 L'obligation de l'agent des visas est énoncée au paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration, dont voici des extraits pertinents :


... afin de déterminer si un immigrant et ... pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant

...

b) dans le cas d'un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, autre que le facteur visé à l'article 5 de cette annexe;

... for the purpose of determining whether an immigrant ... will be able to become successfully established in Canada, a visa officer shall assess that immigrant

...

(b) in the case of an immigrant who intends to be a self-employed person in Canada, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factor set out in item 5 thereof;             


Les facteurs énumérés à la colonne 1 sont les suivants : 1. Études, 2. Études et formation, 3. Expérience, 4. Facteur professionnel et 6. Facteur démographique. De plus, comme l'a souligné l'agente des visas, selon le paragraphe 8(4) du Règlement :


Lorsqu'un agent des visas apprécie un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, il doit, outre tout autre point d'appréciation accordé à l'immigrant, lui attribuer 30 points supplémentaires s'il est d'avis que l'immigrant sera en mesure d'exercer sa profession ou d'exploiter son entreprise avec succès au Canada.

Where a visa officer assesses an immigrant who intends to be a self-employed person in Canada, he shall, in addition to any other units of assessment awarded to that immigrant, award 30 units of assessment to the immigrant if, in the opinion of the visa officer, the immigrant will be able to become successfully established in his occupation or business in Canada.



[4]                 Même si je conviens avec l'avocat du demandeur que le paragraphe 8(1) vise principalement à savoir si l'immigrant pourra réussir son installation au Canada, cela ne signifie pas que l'agent des visas doit l'évaluer dans chaque catégorie possible. C'est ce qui ressort du paragraphe 8(4), qui concerne l'évaluation que doit faire l'agent des visas à l'égard d'un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada. La seule personne qui peut informer l'agent des visas à ce sujet est l'immigrant lui-même.

[5]                 Ce n'est qu'après l'entrevue du demandeur qui a eu lieu le 2 décembre 1999 que l'avocat de celui-ci a fait parvenir une lettre afin de demander que son client soit évalué dans la catégorie des entrepreneurs plutôt que comme « chef autonome » . Cependant, même l'avocat a admis que les dirigeants ont généralement besoin d'un montant supérieur à la somme de 150 000 $ que M. Lin possède pour être admissibles à ce titre. Exception faite de cette mention de la catégorie des entrepreneurs, il ne s'agit pas d'un cas où le demandeur a demandé d'être évalué dans plus d'une catégorie.

[6]                 En ce qui a trait à la question de l'actif, le demandeur a présenté à l'agente des visas un certificat de dépôt de la Banque de Chine qui représentait l'équivalent d'une somme de 71 000 $ US. L'agente a commenté comme suit ce dépôt dans sa décision :

[TRADUCTION] Vous avez également soutenu que vous possédiez en Chine une somme de 400 000 RMB qui représentait les sommes que vous avez économisées pendant toutes les années au cours desquelles vous avez travaillé aux États-Unis. Lorsque je vous ai demandé une preuve du fait que ce montant provenait de vos économies aux États-Unis, vous m'avez dit que vous aviez perdu les documents appuyant vos allégations. En raison de cette absence de preuve, je doute que cet argent provienne de vos gains et que vous soyez en mesure d'acheter une entreprise au Canada.


[7]                 Il était sans doute loisible à l'agente de dire qu'elle doutait que l'argent provienne des gains du demandeur en raison des réponses que celui-ci avait données, mais je ne crois pas que cette lacune nuise à la capacité du demandeur d'acheter une entreprise au Canada. La condition importante à respecter relativement à l'achat d'une entreprise est celle de posséder des fonds. Toutefois, pour qu'une personne soit admise en qualité de chef autonome, il ne suffit pas qu'elle soit en mesure d'acheter une entreprise. Elle doit pouvoir prouver qu'elle peut réussir son installation au Canada. L'agente s'est exprimée comme suit à ce sujet :

[TRADUCTION] Vous avez soutenu que vous aviez l'intention d'ouvrir un restaurant-minute dans un centre commercial situé à Toronto ou dans les environs. Lorsque je vous ai posé des questions comme celles de savoir comment vous vous comporteriez à l'endroit de vos concurrents et qui étaient vos concurrents, quels sont les facteurs dont vous tenez compte pour établir le coût de vos produits, de quelle façon vous établiriez un prix de vente pour faire un bénéfice, vos réponses sont demeurées imprécises et ont démontré que vous n'aviez ni les connaissances ni les aptitudes nécessaires pour réussir votre installation au Canada à titre de travailleur autonome. Vous avez mentionné que vous aviez songé à fixer un prix de 6 $ par mets et que vous vous attendiez à desservir environ 150 clients par mois. Je ne puis conclure que vos gains seraient suffisants pour vous permettre d'exercer votre profession ou d'exploiter votre entreprise avec succès ainsi que de subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille au Canada.

[8]                 Il était loisible à l'agente de conclure, en se fondant sur les réponses du demandeur, que cette entreprise ne générerait pas suffisamment de recettes pour qu'il puisse l'exploiter avec succès au Canada. De plus, l'agente pouvait certainement conclure que le certificat de dépôt de 400 000 RMB ne provenait pas des sommes que le demandeur avait économisées aux États-Unis.


[9]                 Le demandeur a soutenu que son salaire maximal s'élevait à 3 833 $ par mois, mais il n'avait aucun talon de chèque de paie ou formulaire d'impôt et a expliqué qu'il était rémunéré en espèces. Tel qu'il est mentionné plus haut, il était loisible à l'agente de conclure que cet argent ne provenait pas des sommes que le demandeur a économisées pendant qu'il travaillait aux États-Unis. Je souligne que c'est le demandeur qui a soulevé la question de la provenance du montant qui se trouve en Chine. Par conséquent, l'agente n'a pas appliqué le paragraphe 8(1) de façon erronée lorsqu'elle a conclu que le demandeur ne serait pas en mesure d'exploiter son entreprise avec succès au Canada.

[10]            Le demandeur a fait valoir que l'agente des visas aurait dû exercer le pouvoir discrétionnaire dont elle dispose en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement :


L'agent des visas peut

a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou

...

s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier ... de réussir leur installation au Canada ...

A visa officer may

(a) issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10 or who does not meet the requirements of subsection (1) or (2), or

...

if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant ... of becoming successfully established in Canada ...


[11]            Toutefois, l'agente des visas a conclu qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur serait en mesure d'exploiter son entreprise avec succès au Canada. De plus, comme l'a dit le juge Evans dans Han Qing Chen c. M.C.I., [1999] A.C.F. no 528 :

... je crois que le pouvoir en question est de nature résiduelle et qu'il ne peut être exercé pour emporter une décision que lorsque les faits d'une affaire sont très particuliers ou lorsque le demandeur a presque atteint les 70 points d'appréciation.

[12]            Dans l'affaire dont je suis saisi, l'agente des visas n'a attribué que 52 points, ce qui est bien loin des 70 points d'appréciation nécessaires. Elle n'a donc pas commis d'erreur en omettant de se demander s'il y avait lieu d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'acceptation.


[13]            Le demandeur a ajouté qu'étant donné qu'elle avait signé un formulaire dans lequel il était décrit comme une personne [TRADUCTION] « choisie dans la catégorie des immigrants indépendants/gens d'affaires » , l'agente était tenue de lui délivrer un visa et ne pouvait revenir sur son approbation. Ce formulaire est en usage au bureau de New York seulement et il est évident que le demandeur a été avisé qu'il devait signer une déclaration à titre de formalité administrative jusqu'à ce que la décision de l'agente soit rendue. Aucun élément de preuve n'indique que le demandeur a compris à la lumière de sa déclaration que sa demande de résidence permanente avait été approuvée. De plus, le demandeur n'a pas souligné ce fait à son avocat lorsqu'il a appris que sa demande était refusée à l'entrevue. Je souscris aux remarques suivantes que Madame le juge Tremblay-Lamer a formulées dans l'arrêt Chen c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.J. no 261, au paragaphe 10 :

La déclaration sous serment signée par l'agente des visas et par le demandeur est un formulaire type dans lequel il est déclaré que le demandeur dispose de certaines sommes en vue de s'établir au Canada. À coup sûr, la signature de ce document ne règle pas l'affaire conformément à la Loi.

[14]            Contrairement à ce que le demandeur soutient, je ne crois pas que l'agente des visas estimait que celui-ci était tenu d'ouvrir un restaurant dès son arrivée afin d'être admissible à titre de demandeur autonome. L'agente des visas a simplement dit que les demandeurs admis comme travailleurs autonomes entreprendront leurs démarches à leur arrivée afin d'atteindre cet objectif et de travailler à ce titre. Tel qu'il est mentionné plus haut, l'agente des visas n'a commis aucune erreur lorsqu'elle a interrogé le demandeur au sujet de la façon dont il a obtenu son avoir et lorsqu'elle a tiré des conclusions défavorables fondées sur l'absence de preuve quant à la provenance des fonds en question. De plus, l'agente n'a pas commis d'erreur en tenant compte de l'absence de plan et de l'absence d'expérience du demandeur en matière de gestion d'entreprise. Ces deux lacunes sont manifestement pertinentes quant à la capacité du demandeur d'exploiter son entreprise avec succès au Canada.


[15]            De plus, le demandeur a allégué que l'agente avait commis une erreur en attribuant deux points seulement pour le facteur de la personnalité. Voici comment l'agente s'exprime dans son affidavit :

[TRADUCTION] Pour évaluer la personnalité, je pose généralement un certain nombre de questions afin de permettre aux demandeurs de décrire comment ils prévoient s'établir, pourquoi ils ont choisi cet endroit précis, quelles sont les connaissances qu'ils ont du marché du travail et comment ils comptent s'établir avec succès au Canada. C'est en fonction de ces réponses que j'évalue les aptitudes personnelles du demandeur. Le demandeur n'a pas fait la preuve qu'il avait pris des mesures pour se préparer en vue de réussir son installation au Canada avec sa famille. J'ai tenu compte des circonstances suivantes : les raisons qu'il a invoquées au soutien de son choix de la ville de Toronto sont faibles et n'étaient appuyées par aucun document. Le demandeur n'a mentionné aucune autre raison, hormis le fait que Toronto compte une importante collectivité chinoise. Dans l'ensemble, il n'a pas prouvé qu'il avait un plan d'établissement sérieux. Le demandeur a affiché un faible degré d'esprit d'initiative, d'adaptabilité, d'ingéniosité ou de motivation. J'ai attribué deux points d'appréciation pour le facteur de la personnalité.

Cette évaluation n'est nullement déraisonnable.

[16]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le demandeur m'a demandé de certifier la question de savoir si l'agente des visas avait commis une erreur en examinant la provenance plutôt que la possession de l'avoir. Cependant, cette question ne permet pas de sceller l'issue du litige en l'espèce et, par conséquent, je ne certifie aucune question.

                                                                                   « W.P. McKeown »

                                                                                                                   

                                                                                                           JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 20 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              IMM-345-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Guang Lin c. M.E.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 6 novembre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                 le juge McKeown

DATE DES MOTIFS :                                     le 20 novembre 2001

ONT COMPARU :

M. Timothy Leahy                                                             POUR LE DEMANDEUR

Mme Rhonda Marquis                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Timothy Leahy

Toronto (Ontario)                                                              POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LE DÉFENDEUR


Date : 20011120

Dossier : IMM-345-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 20 NOVEMBRE 2001

EN PRÉSENCE DU JUGE W.P. McKEOWN

ENTRE :

                                              GUANG LIN

                                                                                                  demandeur

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

                                           ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                   « W.P. McKeown »

                                                                                                           JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

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