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Date : 19981218

Dossier : IMM-3636-97

ENTRE :           EDUARDO MANUEL MELO,

demandeur,

ET :                    LE MINISTRE de la CITOYENNETÉ et de l'IMMIGRATION,

défendeur.

O R D O N N A N C E

LE JUGE DENAULT :

            La présente demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel de l'immigration datée du 20 août 1997 est rejetée.

     PIERRE DENAULT     

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19981218

Dossier : IMM-3636-97

ENTRE :           EDUARDO MANUEL MELO,

demandeur,

ET :                    LE MINISTRE de la CITOYENNETÉ et de l'IMMIGRATION,

défendeur.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT :

[1]         Il s'agit de la demande de contrôle judiciaire d'une décision dans laquelle la Section d'appel de l'immigration (la Section d'appel) a rejeté l'appel que le demandeur avait interjeté contre la mesure d'expulsion prise contre lui. Le demandeur, qui a la citoyenneté portugaise, est un résident permanent du Canada qui est arrivé au pays il y a 30 ans, à l'âge de six ans. Une mesure d'expulsion a été prise contre lui après qu'il a été reconnu coupable de voies de fait graves en janvier 1991.

[2]         À la suite d'une audition devant la Section d'appel qui a duré trois jours, le président de l'audience a conclu que [TRADUCTION] « compte tenu de l'ensemble des circonstances de la présente affaire, l'annulation de la mesure d'expulsion et l'accueil de l'appel ne sauraient être justifiés, contrairement à ce qu'a soutenu l'avocate de l'appelant » [1].

[3]         Bien que l'avocate du demandeur n'ait pas demandé qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion de façon subsidiaire à l'annulation de celle-ci, le président de l'audience a néanmoins examiné cette possibilité. Après avoir systématiquement examiné la preuve dont il disposait, le président de l'audience a conclu que l'appel interjeté par le demandeur devait être rejeté. Voici comment il a formulé cette conclusion :

[TRADUCTION] Malgré la quantité importante d'éléments de preuve produits qui, en temps normal, auraient justifié un sursis (sous probation), la présente formation agirait de façon irresponsable en accordant un sursis qui n'interdirait pas à l'appelant de fréquenter certaines personnes. Les liens étroits qui existent entre l'appelant et plusieurs personnes qui ont un casier judiciaire militent contre l'inclusion d'une telle interdiction.

            En conséquence, c'est l'appelant lui-même qui, par ses propos, actions et choix, a restreint le nombre de solutions de rechange qui s'offraient à lui et n'a laissé d'autre choix à la Cour d'appel, qui a été forcée de rejeter l'appel qu'il avait interjeté[2].

[4]         En l'espèce, le demandeur soutient que la formation a commis une erreur de droit de la façon suivante : 1) lorsqu'elle a lié son pouvoir discrétionnaire en concluant qu'une interdiction de fréquenter certaines personnes devait être imposée au demandeur pour qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion prise contre lui; 2) lorsqu'elle a supposé, sans lui poser la question directement, que le demandeur ne respecterait pas une telle interdiction si elle lui était imposée; 3) lorsqu'elle a violé la liberté d'association du demandeur prévue à l'alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés en lui imposant une interdiction de fréquenter certaines personnes; 4) lorsqu'elle a omis de tenir compte des éléments de preuve pertinents en ce qui concerne les enfants issus de son premier mariage et l'effet potentiel de son expulsion sur l'enfant qu'il a eu avec sa conjointe de fait; et 5) lorsqu'elle a tenu compte d'éléments de preuve non pertinents ou non admissibles, en l'occurrence des rapports de surveillance produits par des policiers non identifiés.

[5]         Le fait que le demandeur n'a pas contesté la validité de la mesure d'expulsion est révélateur. Le demandeur a plutôt cherché à obtenir une réparation discrétionnaire en appel, sur le fondement de l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration, en invoquant le moyen suivant : « le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il[...] ne devra[it] pas être renvoyé[...] du Canada » .

[6]         Ayant soigneusement examiné le dossier et lu la décision de la Section d'appel de l'immigration, je suis d'avis que le demandeur a omis d'établir que la Section d'appel a soit exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inconvenable, soit commis une erreur en appréciant la preuve.

[7]         Malgré le fait que l'avocate de l'appelant n'a cherché qu'à obtenir l'annulation de la mesure d'expulsion devant la Section d'appel sans demander, de façon subsidiaire, qu'il soit sursis à l'exécution de celle-ci, le président de l'audience, bien conscient de la réparation potentielle qui consistait à accorder un sursis conditionnel, a entrepris un examen méticuleux de la preuve. Il a examiné le témoignage de nombreux témoins produits par l'appelant, ses antécédents en tant que boxeur, son casier judiciaire, et le lien et l'amitié qui existaient depuis longtemps entre lui et des personnes qui ont un casier judiciaire et qui entretiennent des liens avec le crime organisé, sa situation financière, les efforts qu'il a déployés pour contrôler son tempérament à l'aide de counselling et de médicaments, et les bouleversements que le demandeur et les membres de sa famille subiraient s'il était renvoyé du Canada. Le président de l'audience a tenu compte de nombreux facteurs, tant favorables que défavorables à l'appelant, avant de conclure que [TRADUCTION] « il est clair qu'il ne serait pas approprié dans la présente affaire d'annuler carrément la mesure d'expulsion et d'accueillir l'appel » [3].

[8]         Après avoir souligné que l'avocate de l'appelant n'a pas demandé le sursis de l'exécution de la mesure d'expulsion en guise de réparation subsidiaire évidente, le président de l'audience a expliqué que l'interdiction habituelle de fréquenter certaines personnes qui était imposée dans des affaires impliquant de la criminalité, soit que la personne évite de fréquenter sciemment des personnes qui ont un casier judiciaire ou s'adonnent à des activités criminelles, serait « parfaitement futile » , vu les circonstances de l'affaire[4]. En tirant une telle conclusion, la Section d'appel n'a pas lié son pouvoir discrétionnaire. Au contraire, la Commission pouvait, après avoir apprécié les éléments de preuve produits dans le cadre de la présente affaire, exercé son pouvoir discrétionnaire en concluant, comme elle l'a fait en définitive, que [TRADUCTION] « [elle] agirait de façon irresponsable en accordant un sursis qui n'interdirait pas à l'appelant de fréquenter certaines personnes » [5].

[9]         En ce qui concerne la possibilité que soit violée la liberté d'association que l'alinéa 2d) de la Charte garantit au demandeur, cette question ne se pose pas en l'espèce car aucune interdiction de fréquenter certaines personnes n'a été imposée au demandeur. En conséquence, l'existence d'une telle violation n'est que spéculation.

[10]       L'argument du demandeur selon lequel la Commission a omis de tenir compte d'éléments de preuve pertinents en ce qui concerne l'incidence potentielle de son expulsion sur les enfants issus de son mariage antérieur et sur celui qu'il a eu avec sa conjointe de fait est trompeur. La Commission a effectivement examiné cette question[6]. Le fait que la Commission a décidé de traiter succinctement de cette question dans ses motifs ne veut pas dire qu'elle a omis d'en tenir compte.

[11]       Vu les motifs qui précèdent, la présente affaire ne saurait justifier l'intervention de la Cour. En conséquence, la présente demande doit être rejetée.

[12]       L'avocate du demandeur a proposé que quatre questions soient certifiées. Elles peuvent être résumées de la façon suivante :

            QUESTION 1. La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a supposé qu'une interdiction de fréquenter certaines personnes était une condition habituelle d'un sursis dans le cas d'un résident permanent contre lequel une mesure d'expulsion a été prise sur le fondement qu'il a été condamné au criminel?

            QUESTION 2. La liberté d'association au sens de l'al. 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés impose-t-elle une obligation à la Commission de déterminer s'il est nécessaire d'imposer une interdiction de fréquenter certaines personnes compte tenu des circonstances de chaque affaire, lorsqu'elle se demande si une telle interdiction doit être imposée?

            QUESTION 3. La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a accepté le témoignage de personnes qui n'ont pas été contre-interrogées, et ce malgré le fait qu'elles étaient disponibles à cette fin?

            QUESTION 4. En l'absence d'une demande de l'avocate du demandeur visant à obtenir qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion, la Commission est-elle tenue d'examiner la possibilité qu'un sursis soit accordé? Dans l'affirmative, l'obligation de la Commission d'agir de façon équitable l'oblige-t-elle à sonder la personne visée avant d'imposer des conditions afin de s'assurer que cette personne a la volonté et/ou la capacité de respecter les conditions que la Commission entend imposer?


[13]       Voici comment il peut être répondu à ces questions.

            RÉPONSES 1 et 2. Il s'agit de questions purement théoriques vu qu'en l'espèce, l'avocate du demandeur n'a pas cherché à obtenir, que ce soit en guise de réparation principale ou de réparation subsidiaire, qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion. Pour être certifiée, la question doit dépasser l'intérêt des parties, traiter de questions de grande importance ou de portée générale, et permettre de trancher l'appel[7]. Il ne s'agit pas de questions de cette nature.

            RÉPONSE 3. La question proposée est purement théorique du fait que la Commission a conclu que la preuve portant sur la surveillance à laquelle elle renvoie est, en définitive, favorable au demandeur[8].

            RÉPONSE 4. L'alinéa 73(1)c) de la Loi sur l'immigration n'impose pas à la Section d'appel l'obligation d'ordonner un sursis dans le cas d'un appel fondé sur l'alinéa 70(1)b) de la Loi. En exerçant son pouvoir discrétionnaire, la Section d'appel peut, cependant, examiner la question de savoir s'il doit être sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion. La question proposée est purement théorique, en l'espèce, étant donné que la Section d'appel s'est effectivement penchée sur cette question. Ses conclusions relatives à la question de savoir s'il doit être sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion constituent des remarques incidentes qu'elle a faites en rendant sa décision, étant donné que l'avocate du demandeur n'a pas demandé un tel sursis. Aucune question découlant des remarques incidentes ne sera certifiée.


[14]       La présente affaire ne soulevant aucune question grave de portée générale au sens de l'art. 83 de la Loi sur l'immigration, aucune question ne sera certifiée.

     PIERRE DENAULT     

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                              IMM-3636-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Eduardo Manuel Melo c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 2 décembre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE DENAULT

EN DATE DU :                                                 18 décembre 1998

ONT COMPARU:

Mme Barbara Jackman

Jackman, Waldman and Associates

mandataires de Green and Spiegel                                                              pour le demandeur

Mme Marianne Zoric                                                                                    pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Green and Spiegel

Toronto (Ontario)                                                                                        pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                                            pour le défendeur



           [1]                  20 août 1997, décision de la Section d'appel (dossier no T94-07953), à la page 28.

           [2]                  Décision de la Section d'appel, aux pages 28 et 29.

           [3]                  Décision de la Section d'appel, à la page 24.

           [4]                  Décision de la Section d'appel, à la page 24.

           [5]                  Décision de la Section d'appel, à la page 28.

           [6]                  Décision de la Section d'appel, aux pages 21 et 22.

           [7]                  Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1994) 176 N.R. 4 (C.A.F.).

           [8]                 Voir la page 21 de la décision de la Section d'appel.

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