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Date : 19980819


Dossier : IMM-4271-97

ENTRE :

    

     HASSAN SAMANI

TAHEREH NADERI,


demandeurs,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DU JUGEMENT

(exposé à l'audience de Toronto (Ontario)

le mardi 18 août 1998)

LE JUGE HUGESSEN

[1]      Par la présente demande de contrôle judiciaire, il est demandé à la Cour d'infirmer une décision par laquelle une formation de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a estimé que le demandeur principal, et aussi la demanderesse son épouse, ne sont pas de réfugiés au sens de la Convention.

[2]      Si le tribunal en a décidé ainsi, c'est parce qu'il a jugé que le témoignage livré par le demandeur principal n'était pas crédible. Dans sa décision, le tribunal a, me semble-t-il, donné quatre raisons de conclure au manque de crédibilité. Le tribunal affirme, en premier lieu, que lors de son témoignage, le demandeur s'est montré plutôt réticent et évasif dans sa manière de répondre aux questions qui lui étaient posées. Il est, bien sûr, presqu'entièrement impossible pour la Cour de revenir sur cette conclusion. Elle est fondée en effet sur l'appréciation que le tribunal a formée de ce qu'il a vu et entendu le demandeur dire et faire en sa présence. Mais, comme c'est souvent le cas, et comme c'est effectivement le cas en l'espèce, le tribunal explicite sa conclusion concernant le manque de crédibilité du témoignage en question et cite trois raisons précises de ne pas avoir cru le demandeur. Je considère en l'occurrence que les trois paragraphes qui se trouvent immédiatement après la conclusion sur la manière évasive et réticente dont le demandeur s'est exprimé forment l'explication des points précis où le tribunal a estimé que le demandeur s'était montré réticent et évasif. Cela doit être particulièrement vrai en l'espèce puisque la décision écrite du tribunal n'a été rendue que neuf mois après l'audience, et doit donc, à l'évidence, se fonder sur les notes prises par les membres du tribunal, et peut-être aussi sur un examen de la transcription de l'audience, plutôt que sur l'impression immédiate que les membres du tribunal auraient pu avoir de l'attitude et du comportement du demandeur à la barre des témoins.

[3]      Voyons les trois occasions où le tribunal a relevé les lacunes du témoignage livré par le demandeur. Le premier cas survint à l'occasion d'une question concernant d'autres organisations monarchistes en Iran. Le tribunal note que le demandeur a été incapable de citer les noms d'organismes monarchistes ou de leurs dirigeants. Je me rapporte ici à la page 37 de la transcription (page 301 du dossier du tribunal) la question étant posée au demandeur, qui y répond. Dans sa réponse, le demandeur cite les noms de trois organisations monarchistes, Certes, il ne cite pas le nom de leurs dirigeants, mais il me semble clair que le tribunal a fait erreur et qu'il a soit mal compris, soit mal interprété les preuves qui lui étaient présentées. Il est tout à fait incorrect de dire que le demandeur a été incapable de citer les noms de ces organisations. Il les a bien citées.

[4]      Deuxièmement, le tribunal estime qu'il était invraisemblable et [traduction] " contraire au bon sens " que le demandeur ait reçu une photocopieuse et des tracts monarchistes d'un petit groupe de monarchistes auprès duquel il militait puisqu'il avait, plus tôt, été arrêté, condamné et, en fait, mis en liberté surveillée sous l'oeil de la police. Le dossier ne contient aucun élément concernant les antécédents des autres membres de ce groupe très restreint (ils n'étaient que cinq). Cela étant, je peux simplement dire que la conclusion à laquelle la Commission est parvenue sur la question de l'invraisemblance n'est pas des plus solide. L'argument voulant qu'une action soit invraisemblable simplement parce qu'elle peut se révéler dangereuse pour celui qui la commet par engagement politique, n'a jamais été particulièrement convaincante.

[5]      Et enfin, la Commission a conclu que le demandeur s'était contredit, lors de son témoignage, au sujet des mesures de sécurité - si tant est qu'on puisse les appeler ainsi - prises par ce petit groupe auprès duquel le demandeur militait. La contradiction ainsi relevée découle entièrement d'un passage de la transcription, reproduit ici dans son intégralité :

         [Traduction]                 
         L'AVOCAT :      Et, enfin, le père de Babak, lui, connaissait tout de même votre nom au complet?                 
         LE DEMANDEUR No 1 :      Connaissait-il mon nom, oui il le connaissait.                 
         L'AVOCAT :      Et savait-il où vous habitiez?                 
         LE DEMANDEUR No 1 :Oui.                 
         L'AVOCAT :      Ces cinq compagnons que vous avez recrutés pour vous aider dans votre action, dans votre formulaire de renseignements personnels, il est écrit qu'ils distribuaient des tracts. Connaissaient-ils votre nom complet et votre adresse?                 
         LE DEMANDEUR No 1 :      Mon non complet et mon adresse? Non.                 
         L'AVOCAT :      Que savaient-ils?                 
         LE DEMANDEUR No 1 :      Pour des raisons de sécurité, il ne fallait pas qu'ils le sachent.                 
         L'AVOCAT :      Que savaient-ils de vos amis?                 
         LE DEMANDEUR No 1 :      Nous étions amis et, en réalité, ils connaissaient bien mon nom et mon adresse, mais pour des raisons de sécurité, s'il se passait quelque chose, ils devaient affirmer qu'ils l'ignoraient.                 
         L'AVOCAT :      Je vous demande de répondre à la question. Ces cinq amis connaissaient-ils votre nom et votre adresse?                 
         LE DEMANDEUR No 1 :      Mon nom et mon adresse, oui; c'était mes amis.                 

[6]      Je ne trouve pas, dans ce passage, la contradiction qu'a relevée la Commission. Le fait de dire que les autres membres du groupe ne connaissaient pas son nom " en entier " et son adresse n'est pas en contradiction avec le fait de dire, tout de suite après, que c'étaient ses amis et qu'ils connaissaient effectivement son nom et son adresse. Il a bien dit " en entier " et, en l'occurrence, je pense que c'était de propos délibéré. De plus, même s'il n'avait pas utilisé le qualificatif " en entier " l'explication ou la contradiction suit de si près le propos initial, qu'on devrait y voir une correction plutôt qu'une contradiction. J'estime que la Commission ne pouvait pas se fonder sur cela pour conclure à l'absence de crédibilité.

[7]      Cela étant, j'estime que la décision de la Commission est déraisonnable et qu'elle n'est pas fondée sur la preuve qui lui était présentée. En conséquence, je me propose de rendre une ordonnance infirmant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire pour nouvelle décision. Avant de ce faire, je demande aux avocats de présenter les arguments qu'ils entendraient faire valoir concernant la certification d'une question grave.

     " James K. Hugessen "

     juge

Toronto (Ontario)

le 19 août 1998

Traduction certifiée conforme

Christiane Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

    

     Avocats et avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :      IMM-4271-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      HASSAN SAMANI

     TAHEREH NADERI

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ      ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :      LE MARDI 18 AOÛT 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE HUGESSEN

DATE :      LE MERCREDI 19 AOÛT 1998

ONT COMPARU :      Me Micheal T. Crane

         pour les demandeurs

     Me Brian Frimeth

         pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Micheal T. Crane

     Barrister & Solicitor

     200-166, rue Pearl

     Toronto (Ontario)

     M5H 1L3

         pour les demandeurs

     Morris Rosenberg

     Sous-procureur général

     du Canada

         pour le défendeur

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

    


Date : 19980819


Dossier : IMM-4271-97

ENTRE :

    

HASSAN SAMANI

TAHEREH NADERI,

     demandeurs,

- et -

    

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

    

     MOTIFS DU JUGEMENT

    


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