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     Date : 19980505

     Dossier : IMM-2623-97

Entre :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     - et -

     JAVIER EDUARDO ARANCIBIA,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée par le ministre demandeur contre une décision de la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la section d'appel) en date du 2 juin 1997. Par cette décision, la section d'appel refusait au demandeur sa requête en vue de rejeter l'appel du défendeur.


Les faits

[2]      Le défendeur, qui est résident permanent, a obtenu le droit d'établissement le 19 février 1986. Le 15 mai 1996, il a été reconnu coupable de vol qualifié à Toronto, Ontario, et aux termes de l'article 344 du Code criminel, il a été condamné à 21 mois d'emprisonnement1.

[3]      Le 18 décembre 1996, le délégué du ministre a exprimé l'avis fondé sur le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration selon lequel l'intimé constituait un danger pour le public au Canada (avis de danger). Le 5 février 1997, une mesure d'expulsion a été prise aux termes de l'alinéa 27(1)d) de la Loi sur l'immigration. L'arbitre qui a pris la mesure d'expulsion n'a pas expressément conclu que l'intimé avait été reconnu coupable d'une infraction punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. Ce fait est un élément important dans la présente demande. Le 12 février 1997, le défendeur a déposé un appel à la section d'appel. Il semble que cet appel soit contraire aux dispositions du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration. La section d'appel a conclu que le défendeur n'avait pas perdu son droit d'appel et a suivi la décision du juge Dubé dans Athwal c. Canada (M.C.I.). Toutefois, le membre de la section d'appel a fait observer que, s'il avait été au courant de la décision du juge Muldoon dans Gonsalves c. Canada (M.C.I.)2, sa décision aurait été différente.

La question en litige

[4]      Il s'agit de savoir si l'arbitre est tenu de conclure expressément qu'une personne a été reconnue coupable d'une infraction punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans avant que le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration ait pour effet de priver cette personne de son droit d'appel à la section d'appel.

Analyse

[5]      L'alinéa 70(5)c) de la Loi sur l'immigration est rédigé dans les termes suivants :

             (5) Ne peuvent faire appel devant la section d'appel les personnes, visées au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)a) ou b), qui, selon la décision d'un arbitre :                 
             [...]                 
         c)      relèvent, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada.                 

La question énoncée ci-dessus s'est posée en raison des jugements de la Section de première instance dans Athwal c. Canada (M.C.I.)3 et dans Gonsalves, cité précédemment. Après que la section d'appel eut rendu sa décision en l'espèce, la Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel interjeté dans l'affaire Athwal. Le juge Robertson, s'exprimant au nom de la Cour d'appel, a indiqué ce qui suit :

         a) rien dans la Loi [sur l'immigration] n'autorise expressément l'arbitre présidant une enquête à tirer des conclusions factuelles à l'exception de celles requises aux fins de l'article 27 de la Loi ;                 
         b) par conséquent, l'arbitre n'a pas compétence pour tirer la conclusion qu'il serait tenu de tirer, selon l'intimé, avant que l'alinéa 70(5)c) puisse s'appliquer.                 

[6]      La Cour d'appel fédérale a donné un deuxième motif pour parvenir à sa conclusion concernant l'alinéa 70(5)c). Ce paragraphe s'accompagnait d'une disposition transitoire [le paragraphe 13(4) du projet de loi C-44] quand il est entré en vigueur le 10 juillet 1995. L'interprétation proposée par le défendeur au sujet de l'alinéa 70(5)c), conduit à une absurdité si l'on examine la disposition transitoire. Cette disposition rend l'alinéa 70(5)c) rétroactif. Par conséquent, une telle interprétation préserverait le droit d'appel, contrairement à la disposition transitoire, simplement parce que l'arbitre n'a pas tiré une conclusion de fait particulière à un moment où la disposition législative pertinente n'était même pas en vigueur. À partir de ce fondement, la Cour d'appel fédérale a conclu que la section d'appel de l'immigration, et non l'arbitre, était autorisée à conclure aux fins de l'alinéa 70(5)c) qu'une personne a été reconnue coupable d'une infraction punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. C'est pour ce motif supplémentaire que je conclus que la section d'appel de l'immigration a commis une erreur de droit en refusant de rejeter l'appel du défendeur.

[7]      Le défendeur fait aussi valoir que le principe functus officio empêche la contestation de la décision de la section d'appel en raison de la décision de la Cour d'appel fédérale dans Athwal. Je ne suis pas d'accord. Le principe du caractère définitif des procédures ne s'applique pas à la décision d'un tribunal de révision portant sur la question de savoir si la Cour ou le tribunal a commis une erreur. Il est donc nécessaire d'examiner la jurisprudence ultérieure lorsqu'elle a été établie avant que le tribunal de révision fasse connaître sa décision.

Conclusion

[8]      Pour les motifs précités, je conclus que la décision de la section d'appel est erronée en droit et qu'elle doit être infirmée. L'appel est accueilli, la décision de la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 2 juin 1997 est infirmée et la question est renvoyée à la section d'appel pour une nouvelle décision par un autre membre de la section d'appel.


Certification

[9]      Aucun des avocats n'a proposé de question grave de portée générale aux fins de la certification prévue à l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je conviens qu'il n'y a pas lieu de certifier de question.

                     " Darrel V. Heald "

                     ___________________________________         

                         Juge suppléant

Toronto (Ontario)

le 5 mai 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                  IMM-2623-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          LE MINISTRE DE LA
                         CITOYENNETÉ ET DE
                         L'IMMIGRATION

                         - et -

                         JAVIER EDUARDO ARANCIBIA

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 4 MAI 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

DATE :                      LE 5 MAI 1998

ONT COMPARU :

                         Leena Jaakkimainen

                             pour le demandeur

                         John J. Somjen

                             pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                         George Thomson

                         Sous-procureur général du Canada

                             pour le demandeur

                         Somjen & Peterson

                         810-1240, rue Bay

                         Toronto (Ontario)

                         M5R 2A7

                             pour le défendeur

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19980505

     Dossier : IMM-2623-97

Entre :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

- et -

JAVIER EDUARDO ARANCIBIA,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


__________________

1      En vertu de cet article, la peine maximale pour une telle condamnation est l'emprisonnement à perpétuité.

2      Gonsalves c. Canada (M.C.I.), le 23 janvier 1997, IMM-1458-96, C.F. 1re inst.

3      Athwal c. Canada (M.C.I.), le 9 mai 1997, IMM-1992-96, C.F. 1re inst.

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