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Date : 19990331


Dossier : T-1680-98

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


demandeur,


et


MING CHEUNG YAU,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté par le ministre à l'égard d'une décision d'un juge de la citoyenneté qui a accordé la citoyenneté au défendeur malgré le fait qu'il avait été absent du Canada pendant 911 jours au cours des quatre années précédant la date de sa demande de citoyenneté.

[2]      L'avocate du ministre soutient que le critère à appliquer pour déterminer si le demandeur a satisfait aux conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté est la présence physique au Canada. À titre subsidiaire, elle fait valoir également le critère énoncé dans Re Koo, [1993] l C.F. 286 (1re inst.). Elle cite les décisions du juge Pinard qui a déclaré que les périodes d'absence du Canada ne devraient être considérées comme des périodes de présence au pays que dans des cas exceptionnels et que lorsque la personne a presque atteint les 1 095 jours de résidence requis. Voir Re Chow, [1997] Can. Rep. Nat. 38, Re Mui (1996), 105 F.T.R. 158, Re Chan (1995), 28 Imm. L.R. (2d) 203.

[3]      En l'espèce, la décision du juge de la citoyenneté contient une erreur à première vue. Il déclare que le défendeur a établi sa résidence et le centre de son mode de vie au Canada au 5 de la promenade Hornshill, à Scarborough, le 27 novembre 1993. C'est à cette date qu'il a obtenu le droit de s'établir au Canada, mais il a quitté le pays peu de temps après pour n'y revenir que le 16 avril 1994. Il a acheté la résidence située au 5 de la promenade Hornshill seulement le 20 juin 1994 et il n'y a emménagé avec sa famille que le 5 août 1994. Jusqu'à cette date, le défendeur et sa famille étaient demeurés chez sa sa soeur au Canada.

[4]      Le juge de la citoyenneté a signalé que pendant l'absence du défendeur, son épouse et sa fille étaient demeurées au Canada. Cela n'est pas tout à fait exact, même si les deux ont rempli les conditions de résidence et ont obtenu la citoyenneté. Au cours de la période pertinente, l'épouse travaillait au Canada et la fille était étudiante.

[5]      Le défendeur a dû s'absenter du Canada à maintes reprises pour retourner à Hong Kong afin de s'occuper de ses parents âgés, son père ayant 82 ans et sa mère, 69 ans. Il a subi deux entrevues menées par le juge de la citoyenneté, une en avril 1998 en l'autre en juin 1998. Lors de la première entrevue, le juge de la citoyenneté a apparemment émis certaines réserves au sujet de la demande de citoyenneté du défendeur à cause de ses absences prolongées du Canada. Le défendeur n'a jamais travaillé au Canada. Il a occupé brièvement un emploi auprès d'une société canadienne, J.C. Lam & Associates, qui l'a chargé de recruter à Hong Kong des immigrants éventuels. Il est revenu au Canada à diverses occasions, telles l'anniversaire de naissance de son épouse et leur anniversaire de mariage.

[6]      Le défendeur détient les indices habituels de résidence, notamment numéro d'assurance sociale, carte de santé, permis de conduire et compte bancaire, qui donnent peu de renseignements sur la qualité des liens d'une personne avec le Canada.

[7]      À la suite de la première entrevue menée par le juge de la citoyenneté, le défendeur a obtenu des lettres des médecins de ses parents à Hong Kong. La lettre concernant son père n'établit pas qu'il était malade durant la période considérée. La lettre concernant sa mère indique qu'elle avait des problèmes de santé, mais n'appuie pas la conclusion qu'elle avait besoin de la présence constante de son fils pour des raisons de maladie.

[8]      Toutefois, je conclus des prétentions du défendeur qu'il est retourné à Hong Kong pour prendre soin de ses parents parce que c'était son devoir de fils. Le devoir filial revêt une grande importance dans la culture du défendeur. Il a aussi mentionné à plusieurs reprises qu'il continuait d'espérer que sa soeur, qui travaillait dans la Chine continentale dans le cadre d'un contrat de deux ans, deviendrait disponible pour s'occuper de ses parents et qu'il pourrait alors retourner au Canada. Or, le contrat de travail de sa soeur a été renouvelé.

[9]      Il s'agit d'un cas qui n'est pas facile à trancher. Le juge de la citoyenneté a manifestement été influencé par les circonstances du défendeur qui suscitent la compassion. D'un autre côté, les éléments de preuve n'établissent pas que le défendeur a transféré au Canada son lieu de résidence principal. Bien qu'il ait produit des déclarations d'impôt, il n'a jamais payé d'impôt. Comme je l'ai indiqué plus tôt, il n'a jamais travaillé au Canada et ses absences étaient de longue durée.

[10]      Le juge de la citoyenneté aurait appliqué la décision rendue dans Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), à la situation du défendeur. Dans cette décision, le juge en chef adjoint Thurlow a déclaré que l'évaluation dépend :

         [TRADUCTION] essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question.         

[11]      Or, il est regrettable que le défendeur n'ait pas encore satisfait à ce critère. Pour ces motifs, l'appel du ministre est accueilli.

[12]      Lors de l'audience, à laquelle le défendeur a agi pour son propre compte, il est devenu évident qu'il pouvait y avoir un autre moyen d'appel. L'avocate du ministre a tenté de modifier sa demande pour y mentionmer que le juge de la citoyenneté avait commis une erreur en déterminant que le défendeur avait une connaissance suffisante de l'une des deux langues officielles du Canada, en l'occurrence l'anglais, pour l'obtention de la citoyenneté. Or, étant donné la décision énoncée plus haut, il n'est pas nécessaire que je statue sur la modification proposée. Je souligne toutefois que la citoyenneté donne le droit de voter, de se porter candidat aux élections et de participer pleinement à la vie politique du pays. C'est dans cet esprit que l'on exige d'avoir une connaissance suffisante de l'une des deux langues officielles. Une connaissance rudimentaire ne semblerait pas suffire à ces fins. Quoi qu'il en soit, comme je l'ai mentionné, je n'ai rendu aucune décision à cet égard.


" B. Reed "

                                         JUGE

TORONTO (ONTARIO)

Le 31 mars 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1680-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE
                     L"IMMIGRATION
                     - c.-
                     MING CHEUNG YAU
DATE DE L"AUDIENCE :          LE MERCREDI 17 MARS 1999
LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE REED

EN DATE DU :              MERCREDI 31 MARS 1999

ONT COMPARU :

Mme Marianne Zoric                      POUR LE DEMANDEUR
M. Ming Cheung Yau                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général

du Canada

Ming Cheung Yau                      POUR LE DÉFENDEUR

5, promenade Hornshill

Scarborough (Ontario)

M1S 2Y1

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date: 19990331

                        

         Dossier : T-1680-98

                             Entre :

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

                             - et -

                             MING CHEUNG YAU,

                    

     défendeur.

                    

                            

            

                                                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                            

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