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                                                                                                                                            Date : 20010316

                                                                                                                                Dossier : IMM-1760-00

                                                                                                               Référence neutre : 2001 CFPI 187

Entre :

                                                       BINTOU KEITA

                                                                                                                Demanderesse

                                                               - et -

                                       MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     Défendeur

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 21 février 2000 par la Section du statut de réfugié (la « SSR » ) statuant que la demanderesse, une citoyenne de la Guinée, n'est pas une réfugiée au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.


[2]         La décision en cause est fondée sur le défaut de la demanderesse d'établir son identité. Le tribunal a accepté la véracité de son excision, cependant il a jugé qu'elle n'avait pu prouver à sa satisfaction ni son identité, ni sa citoyenneté. La demanderesse a déposé un extrait d'acte de naissance et une carte d'identiténationale, pièces qui ont fait l'objet d'une expertise. Les résultats ont déterminé que les documents étaient apocryphes, sans autrement formuler de conclusion quant à leur authenticité. La demanderesse n'ayant pu « apporter d'éclaircissements satisfaisants » , la SSR a rejeté sa demande.

[3]         Une personne revendiquant le statut de réfugié a l'obligation fondamentale d'établir, devant la SSR, son identité sur la prépondérance de la preuve (voir Yip c. M.E.I. (1993), 70 F.T.R. 175, au paragraphe [7]).

[4]         Dans l'affaire Adar c. M.C.I. (1997), 132 F.T.R. 35, le juge Cullen a souligné la norme de contrôle applicable à l'appréciation par la SSR de preuves documentaires, telles les pièces d'identité, au paragraphe [15] :

[TRADUCTION]

Dans l'arrêt Sivasamboo c. M.C.I., [1995] 1 C.F. 741, le juge Richard a conclu que la SSR est un tribunal expert. Cela signifie donc que la norme de contrôle de la SSR au sujet des conclusions de fait est le caractère déraisonnable flagrant [ce à quoi a souscrit la présente Cour dans les arrêts De Connick c. M.C.I. (1996), 110 F.T.R. 207; Chen c. M.C.I. (1995), 102 F.T.R. 203; Acosta c. Canada, IMM-805-95 (28 septembre 1995)]. Pour ce qui est de déterminer la validité de passeports et d'autres pièces d'identité, cette norme est soulignée. La SSR dispose de toutes les preuves d'expert, ainsi que des documents en question eux-mêmes. Elle apprécie la crédibilité de la déposition des témoins et la soupèse en conséquence. Il n'est pas nécessaire que le tribunal examine chacun des documents qui lui sont soumis. Cependant, il lui faut néanmoins justifier ses conclusions en faisant référence de manière convenable aux éléments de preuve à sa disposition.

[5]         En l'espèce, la SSR avait devant elle les deux documents suivants :

P-1 :      Un extrait d'acte de naissance, numéro 0023628;

P-2 :      Une carte d'identiténationale, numéro 3199805, comprenant une photographie.

[6]         Les rapports d'expertise obtenus par la SSR comportent les observations et les conclusions suivantes :

Le document suivant nous a été soumis pour expertise . . . Il s'agit d'un extrait de naissance de Guinée portant le numéro 0023628, émis(e) au nom de (KEITA) Bintou, ci-après désignée(e) comme étant la pièce E-99333.

[. . .]


Observations sous microscope: nous observons que la mise en page et le texte générique sont le résultat d'une reproduction électrostatique (photocopie); caractéristique généralement associées (sic) à la contrefaçon. Des données biographiques ont été ajoutées à l'encre bleue.

La date de déclaration du 04 février 1980 nous indique un document datant de 19 ans: un jaunissement du papier devrait se voir alors qu'ici le support est d'un blanc immaculé: caractéristique généralement associées (sic) à la contrefaçon.

L'absence de pointillés à quelques endroits nous indique qu'il y à (sic) peut-être eu des effacements de données sur le document original.

[. . .]

CONCLUSIONS:

À notre avis, la pièce E-99333 est apocryphe.

Le document suivant nous a été soumis pour expertise . . .. Il s'agit d'une carte d'identité nationale de la République de Guinée portant le numéro 3199805, émis(e) au nom de (KÉITA) Bintou, ci-après désigné(e) comme étant la pièce E-99334.

[. . .]

Observations sous microscope: le timbre fiscal au verso de la pièce E-99334 est une reproduction électrostatique (photocopie) auquel on a coupé la bordure artisanalement pour simuler la dentelure d'un timbre; caractéristique généralement associée à la contrefaçon.

Notons que le sceau humide au recto et au verso comporte des caractéristiques de fabrication artisanale: les lettres sont difformes et inégales entre elles.

Notons également que le lamina se décolle facilement, ainsi le support et la photo sont accessibles.

[. . .]

CONCLUSIONS:

À notre avis, la pièce E-99334 est probablement authentique, toutefois certains éléments énumérés dans nos observations rendent ce document très apocryphe.

[7]         Bien que je trouve plutôt paradoxale la conclusion voulant que la pièce P-2 soit « probablement authentique » , mais qu'elle soit « très apocryphe » , il n'en demeure pas moins que les deux documents étaient entachés de nombreuses caractéristiques reliées à la contrefaçon. Vu cette preuve, il n'était donc pas manifestement déraisonnable pour le tribunal de conclure comme il l'a fait.


[8]         Dans l'arrêt Mohanarajan v. Minister of Citizenship and Immigration (6 novembre 2000), IMM-5482-99, le juge Simpson de cette Cour a refusé d'accorder une révision judiciaire dans une situation similaire pour les motifs suivants :

[32]      Given all the problems which were identified in connection with the documents, it is my view that the Board's finding was open to it. The Board is entitled, given its expertise, to reach conclusions about the reliability of a document even though the RCMP had not determined whether it was or was not authentic.

[9]         Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 16 mars 2001

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