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Date : 20000926

Dossier : T-2213-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 26 SEPTEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE : M. LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

IGOR A. KOVARSKY

                                                                                           défendeur

ORDONNANCE

L'appel est rejeté.

                 « J. E. DUBÉ »                 

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20000926

Dossier : T-2213-99

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

IGOR A. KOVARSKY

                                                                                           défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]         Le ministre de la Citoyenneté et de l'immigration (le « Ministre » ) fait appel d'une décision du juge de la Citoyenneté qui a conféré la citoyenneté au défendeur ( « M. Kovarsky » ).


1. Les faits

[2] M. Kovarsky a d'abord été admis au Canada le 27 février 1996 à la faveur d'un permis de travail et il a été admis comme résident permanent le 24 novembre 1996. Le 11 janvier 1999, il a présenté une demande de citoyenneté. L'audience a eu lieu le 21 octobre 1999, et le juge de la Citoyenneté a estimé que M. Kovarsky répondait à toutes les conditions de la citoyenneté. Il a reconnu qu'il manquait à M. Kovarsky 585 jours par rapport à l'exigence minimale de trois ans de résidence au Canada sur les quatre années antérieures à la demande.

[3] Après examen de la preuve, le juge de la Citoyenneté a conclu que M. Kovarsky avait établi son lieu de résidence à Saskatoon (Saskatchewan) et qu'il avait fait du Canada le centre de son mode de vie. Le juge de la Citoyenneté a noté que M. Kovarsky travaille pour Cameco Corporation, une société qui l'envoie à intervalles réguliers au Kirghizistan. Lorsqu'il se trouve dans ce pays, il séjourne avec d'autres Canadiens dans une pension de famille appartenant à l'entreprise.

2. Les conclusions du Ministre


[4]         Le Ministre note que le juge de la Citoyenneté s'est appuyé sur le précédent classique Papadogiorgakis[1] pour rendre sa décision, plutôt que sur l'approche utilisée dans l'affaire Re : Pourghasemi[2], qui applique une interprétation plus stricte du mot « résidence » . Le Ministre se fonde aussi sur le jugement Koo (Re)[3], dans lequel Mme le juge Reed énonce six conditions à remplir dans l'examen de telles demandes. Le Ministre affirme que M. Kovarsky ne répond pas à la cinquième condition : ses absences ne constituent pas une situation temporaire.

3. Les conclusions du défendeur

[5]         M. Kovarsky est né dans la ville de Taganrog, en Russie. Il a commencé à travailler pour Cameco Corporation en 1992. Cameco Corporation, une société canadienne dont le siège social est à Saskatoon, en Saskatchewan, recherche de l'uranium et de l'or dans diverses régions du Canada et dans d'autres pays. M. Kovarsky a travaillé pour Cameco de 1992 à 1998 comme conseiller principal du président de Kumtor Operating Company ( « KOC » ), une société qui développe une mine d'or au Kirghizistan, ancienne république de l'Union soviétique. Depuis 1998, il agit pour KOC comme directeur des relations avec le gouvernement, le Parlement et les institutions publiques.


[6]         M. Korvasky, son épouse et leurs deux enfants se sont réinstallés à Saskatoon, en Saskatchewan, en 1995, et c'est là qu'il a établi son domicile. Son épouse et ses enfants sont maintenant citoyens canadiens. Le juge de la Citoyenneté a estimé que, malgré ses absences, il répondait aux conditions de la citoyenneté, eu égard à la décision Papadogiorgakis.

[7]         M. Kovarsky affirme qu'il a manifestement et parfaitement répondu aux critères Papadogiorgakis en établissant des liens véritables avec le Canada, malgré ses déplacements à l'étranger. Ses absences étaient uniquement et directement rattachées à son emploi. Il n'a aucune attache familiale ou matérielle en Russie, où il est né, ni au Kirghizistan, où il séjourne dans une pension de famille de l'entreprise.

4. Analyse

[8]         Il est admis qu'il existe deux écoles de pensée en ce qui a trait aux exigences de résidence énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. L'interprétation judiciaire donnée dans l'espèce Papadogiorgakis est qu'une présence physique continue n'est pas essentielle, pour autant que le requérant ait abandonné tout lieu de résidence dans son ancien pays et qu'il ait clairement établi son mode de vie ici au Canada. Par ailleurs, l'interprétation stricte du mot « résidence » appelle une présence physique continue. À l'évidence, le texte législatif n'est pas tout à fait clair. Si le Parlement modifiait la Loi sur la citoyenneté et ajoutait les mots « physiquement présent » , la question serait réglée. Mais il ne l'a pas encore fait.


[9]         En l'espèce, les deux parties s'accordent pour dire que M. Kovarsky serait un fort bon sujet pour le Canada. Dans une lettre en date du 11 janvier 1999 adressée à Citoyenneté et Immigration Canada, le premier dirigeant de Cameco Corporation décrivait avec force détails l'apport de M. Kovarsky à son entreprise. Il concluait que « M. Kovarsky est un employé très estimé, qui apporte à Cameco un excellent agencement d'éducation, d'expérience et de connaissances » .

[10]       Le premier secrétaire et consul de l'ambassade du Canada à Almaty, au Kazakhstan, décrivait dans une lettre du 16 juillet 1996 le rôle joué par M. Kovarsky, et il concluait par le paragraphe suivant :

[TRADUCTION]

   Au cours des 12 derniers mois, M. Kovarsky a réparti son travail de consultant entre le bureau de Kumtor à Bishkek et le siège social de Cameco à Saskatoon, où sa famille habite maintenant. L'Ambassade croit comprendre qu'il a demandé le droit de résider en permanence au Canada, et l'Ambassade voudrait militer en faveur de cette demande, en raison de l'engagement de M. Kovarsky envers le Canada et de son rôle actuel dans la promotion d'activités canadiennes à l'étranger.

[11]       J'ai à plusieurs reprises exprimé mes vues sur des demandes semblables de citoyenneté, et je ne puis faire mieux que répéter ce que j'ai dit dans l'affaire Siu Chung Hung[4] :


   Comme je l'ai indiqué à maintes occasions, pour les besoins de la citoyenneté le fait de résider au Canada ne veut pas dire qu'il faut y être présent physiquement à plein temps. Le lieu où réside une personne n'est pas celui où elle travaille, mais celui où elle retourne après avoir travaillé. Un demandeur de la citoyenneté qui élit domicile de façon évidente et définitive au Canada dans l'intention bien claire d'avoir des racines permanentes dans ce pays ne devrait donc pas être privé de la citoyenneté juste parce qu'il doit gagner sa vie et celle de sa famille en faisant des affaires à l'étranger. Le critère de résidence le plus éloquent est l'établissement permanent d'une personne et de sa famille au sein du pays.

[12]       Je ne saurais donc reprocher au juge de la Citoyenneté d'avoir suivi le critère de résidence établi dans l'affaire Papadogiorgakis. En conséquence, l'appel est rejeté. L'avocat de M. Kovarsky a demandé des dépens. Les dépens sont très rarement accordés dans les appels en matière de citoyenneté. Le présent appel n'est pas particulièrement différent de la plupart des appels portant sur la notion de résidence.

                 « J.E. DUBÉ »                 

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 26 septembre 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                               T-2213-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             M.C.I. c. IGOR A. KOVARSKY

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Regina (Saskatchewan)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 20 septembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE DUBÉ

EN DATE DU                                     26 septembre 2000

ONT COMPARU :

Glennys Bembridge                               pour le demandeur

Scott Wickenden                                   pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                   pour le demandeur

Gauley & Company

Saskatoon (Saskatchewan)                    pour le défendeur



     [1] [1978] 2 C.F. 208 (C.F., 1re inst.).

     [2] (11 mars 1993), T-80-92 (C.F., 1re inst.).

     [3] (3 décembre 1992), Vancouver, F.C.J. No. 1107, T-20-92 (C.F., 1re inst.), page 9.

     [4] T-384-95, 26 janvier 1996 (C.F., 1re inst.).

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