Dossier : T‑448‑17
Référence : 2020 CF 860
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 27 août 2020
En présence de monsieur le juge McHaffie
ENTRE :
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GUEST TEK INTERACTIVE
ENTERTAINMENT LTD.
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demanderesse
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et
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NOMADIX, INC.
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défenderesse
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ORDONNANCE ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
Selon la procédure habituelle, l’instruction d’une affaire se déroule en présence des parties, des avocats et des témoins qui comparaissent en personne devant la Cour. En raison de la pandémie de COVID‑19, il est devenu évident que ce mode d’instruction ne pourra pas être utilisé pendant la plus grande partie de l’instruction de la présente action en contrefaçon de brevet si l’audience doit se tenir à la date prévue, soit le 28 septembre 2020. Nomadix, Inc. a donc demandé un ajournement afin que l’audience se tienne en personne à une date ultérieure. Guest Tek Interactive Entertainment Ltd. s’oppose à cette demande et soutient que l’instruction de l’action peut et doit se dérouler par vidéoconférence.
[2]
Je reconnais les préoccupations raisonnables qui ont été soulevées par Nomadix. L’enjeu est important pour Nomadix, et l’instruction de l’affaire par vidéoconférence sera différente de la tenue d’une audience en personne. Toutefois, je suis convaincu qu’une instruction équitable où les intérêts des parties sont respectés et où les parties peuvent présenter tous leurs arguments et en débattre pourra se dérouler par vidéoconférence. Je ne suis donc pas disposé à ajourner l’instruction de l’affaire pour l’instant.
[3]
L’instruction de l’affaire, qui durera 14 jours, aura lieu comme prévu le 28 septembre 2020 et se déroulera par vidéoconférence. D’autres aspects du déroulement de l’instruction sont exposés ci‑dessous et seront abordés dans le cadre d’une conférence de gestion de l’instruction (CGI) ultérieure.
II.
Historique des procédures
[4]
La présente action en contrefaçon de brevet a été déposée au début de 2017. Il s’agit d’une instance à gestion spéciale dont la responsabilité a été confiée à la juge Tabib au début de 2018. En juillet 2019, il a été convenu que l’instruction de cette action aurait lieu à Calgary du 1er au 20 juin 2020.
[5]
Le 17 mars 2020, la Cour a rendu sa première Directive sur la procédure et ordonnance (COVID‑19), qui prévoyait l’annulation de la plupart des audiences qui devaient être tenues pendant la période de suspension, qui devait prendre fin le 17 avril 2020. La période de suspension a finalement été prolongée jusqu’au 15 juin 2020 dans le Canada atlantique et l’Ouest du Canada, et jusqu’au 29 juin 2020 dans les autres régions du pays. Le 18 mars 2020, la défenderesse a instamment demandé que l’instruction de l’affaire soit ajournée indéfiniment en raison de la pandémie.
[6]
Le juge LeBlanc, qui était alors juge de notre Cour, devait instruire l’affaire. Il a tenu une CGI les 20 et 24 avril 2020 afin de discuter de la possibilité d’ajourner l’instruction de l’affaire. Dans une directive rendue le 24 avril 2020, le juge LeBlanc a annulé les dates d’audience du mois de juin et a reporté provisoirement l’instruction de l’affaire au 28 septembre 2020. Il a également ajourné au 12 juin 2020 la CGI pour s’assurer [traduction] « qu’une audience publique pourra, de façon réaliste, être tenue aux nouvelles dates d’instruction prévues et, dans le cas contraire, déterminer les autres modes d’instruction qui pourront être utilisés, dont un mode virtuel, pour instruire comme prévu la présente affaire aux nouvelles dates fixées »
.
[7]
Avant la reprise de la CGI le 12 juin 2020, le juge LeBlanc a été nommé à la Cour d’appel fédérale. Je suis actuellement saisi de la présente affaire.
[8]
J’ai tenu comme prévu une CGI avec les parties le 12 juin 2020 afin de discuter des dates d’instruction. À ce moment‑là, le principal problème était l’existence d’un possible conflit d’horaire. En effet, la Cour supérieure du Québec avait proposé des dates d’audience pour une affaire sans lien avec la présente affaire et à laquelle les avocats de Nomadix participaient, et ces dates d’audience chevauchaient celles qui avaient été fixées provisoirement par le juge LeBlanc. Plusieurs possibilités ont été étudiées lors de cette CGI, dont la tenue d’au moins une partie de l’instance par vidéoconférence.
[9]
Le 19 juin 2020, les avocats de Guest Tek ont écrit à la Cour avec le consentement des parties pour l’informer : a) qu’il n’y avait plus de conflit d’horaire avec la date d’audience de la Cour supérieure du Québec et que rien n’empêchait donc d’instruire la présente affaire le 28 septembre 2020; b) que les deux témoins de Nomadix témoigneront en personne et pourront être présents si les restrictions sur les déplacements et les exigences en matière de mise en quarantaine sont levées; c) que Guest Tek souhaite que l’affaire soit instruite en partie ou en tout par vidéoconférence, au besoin, et d) que les parties demandent qu’une autre CGI soit convoquée en août compte tenu des incertitudes qui planent en ce qui a trait au mode de témoignage des témoins. À ce moment‑là, Nomadix n’a pas soulevé de préoccupations quant au déroulement de l’ensemble de l’instance par vidéoconférence, au besoin, et n’a pas indiqué que l’audience devrait être uniquement instruite le 28 septembre 2020, mais seulement si elle peut se tenir en personne.
[10]
Le 29 juin 2020, j’ai statué que l’instruction de la présente affaire commencerait le 28 septembre 2020 et durerait 14 jours. J’ai également statué que la Cour choisirait ultérieurement le mode d’instruction, que ce soit par vidéoconférence ou en personne à Calgary, en fonction de l’état de la pandémie, des restrictions sur les déplacements, des exigences en matière de mise en quarantaine, d’autres problèmes de sécurité connexes, et de toute directive sur la procédure et ordonnance rendues par la Cour. J’ai en outre ordonné qu’une autre CGI se tienne le 25 août 2020, et j’ai demandé aux parties de produire une lettre deux jours avant la tenue de cette CGI afin d’informer la Cour de toute question autre que celle du mode d’instruction dont il faudra discuter ou sur laquelle il faudra trancher.
[11]
Le 21 août 2020, Nomadix a envoyé une lettre à la Cour afin de demander l’ajournement de l’instance. Dans cette lettre, Nomadix soulignait que les restrictions sur les déplacements non essentiels entre les États‑Unis et le Canada ont été prolongées jusqu’au 21 septembre 2020 et demandait l’ajournement de l’instance, étant donné que l’audience ne pourra pas se tenir en personne. Nomadix a également formulé d’autres arguments pour appuyer sa demande lors de la CGI du 25 août 2020. Guest Tek a répondu en présentant des observations écrites et orales dans le cadre de cette CGI.
[12]
Tous les témoins dans la présente instance habitent aux États‑Unis, sauf un, qui vit à Calgary. Bien que les restrictions actuelles sur les déplacements entre les États‑Unis et le Canada doivent prendre fin le 21 septembre 2020, les parties conviennent, comme moi, qu’aucun témoin des États‑Unis ne pourra se rendre à Calgary, ou ne devrait être tenu de s’y rendre, pour témoigner dans le cadre de la présente affaire si l’instruction de celle‑ci doit commencer le 28 septembre 2020. Étant donné que les parties n’ont exprimé aucune préoccupation réelle quant à la présentation des plaidoiries par vidéoconférence, et que Guest Tek n’a pas laissé entendre que son seul témoin canadien devrait témoigner en personne alors que tous les autres témoins témoigneront par vidéoconférence, la seule question à trancher est celle de savoir si l’instruction de la présente affaire doit se dérouler entièrement par vidéoconférence ou si elle doit être reportée à une date ultérieure en espérant que l’audience pourra se tenir en personne.
[13]
Je dis « en espérant que »
, parce que Nomadix reconnaît qu’il est impossible de prédire de manière fiable quand se tiendra une audience en personne à laquelle les témoins des États‑Unis pourront assister. Nomadix propose d’ajourner l’instruction de l’affaire jusqu’à mars 2021, qui est la date la plus rapprochée où les avocats et les témoins seront disponibles. Nomadix affirme que si une audience en personne ne peut toujours pas avoir lieu en mars 2021, la Cour pourra alors ordonner que l’affaire soit instruite par vidéoconférence.
III.
Analyse
A.
Question préliminaire : Moment choisi pour la présentation de la présente demande
[14]
Il est clair que l’instruction de la présente action sous forme virtuelle était déjà envisagée lorsque le juge LeBlanc a rendu sa directive le 24 avril 2020. Cette possibilité a également été débattue dans le cadre de la CGI de juin, où Nomadix s’est dite en accord avec la tenue d’une bonne partie de l’audience par vidéoconférence. Certes, Nomadix soutient qu’elle n’a jamais envisagé que l’ensemble de l’affaire serait instruite sous forme virtuelle, mais, dans sa directive, le juge LeBlanc a ajourné au 12 juin 2020 la CGI pour s’assurer qu’une audience publique pourra se tenir en septembre [traduction] « et, dans le cas contraire, déterminer les autres modes d’instruction qui pourront être utilisés, dont le mode virtuel, pour instruire comme prévu la présente affaire aux nouvelles dates fixées »
. De plus, dans l’ordonnance que j’ai rendue le 29 juin 2020, où je fixais la date de l’audience au 28 septembre 2020, j’ai également déclaré que le [traduction] « mode d’instruction, que ce soit par vidéoconférence ou en personne, »
serait choisi ultérieurement.
[15]
Toutefois, ce n’est que le 21 août 2020 que Nomadix a demandé de nouveau l’ajournement de l’instance au motif que l’audience devrait se tenir sous forme virtuelle. À mon avis, si Nomadix s’opposait à la tenue de l’audience sous forme virtuelle, il lui incombait de soulever ses objections dès que possible afin de permettre aux parties et à la Cour d’évaluer la situation et d’agir en conséquence. Le fait que Nomadix demande un ajournement seulement cinq semaines avant l’instruction de la présente affaire, qui s’échelonnera sur 14 jours, alors qu’elle avait des préoccupations à cet égard depuis au moins quatre mois, nuit aux parties, à la Cour et aux autres justiciables qui souhaitent obtenir une audience. Bien que Nomadix soutienne que la récente prolongation des restrictions sur les déplacements entre les États‑Unis et le Canada est à l’origine de sa demande, la possibilité de tenir une audience virtuelle était déjà envisagée bien avant la prolongation de ces restrictions.
[16]
Je pourrais rejeter la demande d’ajournement pour ce seul motif, mais je ne le ferai pas. J’examinerai plutôt cette demande sur le fond en tenant compte du fait que la pandémie et ses répercussions sur le règlement des litiges évoluent rapidement et du fait que les parties et leurs avocats ont dû étudier un certain nombre d’options dont les objectifs pourraient à juste titre être qualifiés de changeants, ou du moins d’incertains. Comme il est mentionné dans la Directive sur la procédure consolidée – COVID‑19 (25 juin 2020) rendue par la Cour, le mode d’audience pour les actions sera déterminé après que les parties et leurs avocats auront eu l’occasion de formuler des observations à cet égard. Il convient, à mon avis, d’adopter une approche similaire pour trancher la question de savoir si l’instruction d’une affaire doit se dérouler sous forme virtuelle ou si elle doit être ajournée du fait qu’il n’est pas raisonnable de procéder en personne.
[17]
Cette question doit être tranchée en tenant compte des circonstances et des faits particuliers de l’affaire, dont la durée de l’ajournement qui serait nécessaire, les questions particulières qui se posent et les préoccupations qui ont été soulevées en ce qui concerne la tenue de l’audience par vidéoconférence.
B.
Durée de l’ajournement proposé
[18]
Comme il a déjà été mentionné, Nomadix demande un ajournement de près de six mois, ce qui nous amènerait en mars 2021, soit la date la plus rapprochée où tous les participants à l’instance seront disponibles. Tout le monde, y compris la Cour, espère clairement que la pandémie de COVID‑19 sera suffisamment sous contrôle en mars 2021 pour que les restrictions sur les déplacements soient levées et que les témoins des États‑Unis puissent témoigner en personne sans problème. Si l’on pouvait affirmer avec certitude qu’il en sera ainsi, cet argument pèserait beaucoup plus lourd dans la balance et favoriserait l’octroi du long ajournement de six mois qui est proposé. Cependant, il existe une possibilité réelle que les parties et la Cour se trouveront tout simplement dans la même situation dans six mois si l’ajournement demandé est accordé. Entre‑temps, les autres parties dans d’autres affaires souhaiteront également fixer une audience compte tenu particulièrement des retards occasionnés par la pandémie.
[19]
Je tiens à souligner que je souscris à la déclaration qu’a faite le juge LeBlanc dans sa directive selon laquelle il est important d’envisager de tenir des audiences virtuelles pour que la Cour puisse continuer de servir l’intérêt public et l’administration de la justice avec rigueur. Cette déclaration est ainsi formulée :
[traduction]
ET ATTENDU que l’administration de la justice est un service essentiel du gouvernement et que la Cour doit trouver des moyens, malgré les circonstances exceptionnelles auxquelles toute la population fait actuellement face, pour continuer d’offrir ses services et apporter une solution à chaque litige dont elle est saisie qui soit juste et la plus expéditive et économique possible;
[20]
Nomadix, contrairement à ce qu’elle a laissé entendre, ne sera pas désavantagée du simple fait que Guest Tek souhaite tenir l’audience à une date plus rapprochée que celle demandée par Nomadix. Selon le principe général qui est énoncé à l’article 3 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, ces règles doivent être « interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible »
. À mon avis, la nécessité d’apporter une solution au litige qui soit juste ne veut pas dire que les parties doivent invariablement obtenir le mode d’instruction qu’elles préfèrent ou que l’audience doit se tenir en personne en dépit des exigences établies en raison d’une pandémie. En effet, l’article 282 des Règles précise que « [s]auf ordonnance contraire de la Cour »
, les témoins à l’instruction sont interrogés oralement, en séance publique, alors que l’article 32 des Règles porte que la Cour peut ordonner qu’une audience soit tenue en tout ou en partie par voie de vidéoconférence : Rovi Guides, Inc. c Vidéotron Ltée, 2020 CF 596 [Rovi Guides I], au para 18; Farzam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1453, aux para 26‑28. Lorsqu’il est possible d’apporter une solution à un litige qui soit juste en utilisant d’autres modes d’instruction, la nécessité que la solution soit la plus expéditive possible devient un facteur d’autant plus important dans l’administration de la justice.
[21]
Je suis donc d’avis que la durée de l’ajournement proposé, de même que le fait qu’un tel ajournement ne permettrait pas nécessairement d’atteindre l’objectif escompté, soit que l’audience puisse se tenir ultérieurement en personne, militent à l’encontre de l’octroi de l’ajournement demandé.
C.
Les principales questions soulevées par Nomadix concernant la tenue de l’audience par vidéoconférence
(1)
Confidentialité
[22]
Nomadix est, à juste titre, très préoccupée par la préservation de la confidentialité de ses secrets industriels, dont le code source de ses logiciels, de ses documents techniques et de ses secrets commerciaux. La Cour ne prend pas à la légère ce type de préoccupations, qui sont importantes. Compte tenu de l’importance de tels secrets industriels, et des codes sources en particulier, la Cour reconnaît qu’il est nécessaire de veiller à ce que des renseignements confidentiels ne soient pas divulgués de façon inappropriée, et ce, quel que soit le mode d’instruction choisi.
[23]
Le juge Lafrenière s’est penché récemment sur la question du traitement des renseignements confidentiels dans le contexte d’audiences tenues par voie de vidéoconférence dans l’affaire Rovi Guides I. Reconnaissant que des préoccupations ont été soulevées quant à la sécurité de l’application Zoom, le juge Lafrenière a fait remarquer que la grande majorité de ces problèmes ont été corrigés par Zoom et que la Cour continue de surveiller la sécurité de cette plateforme et d’autres applications. Jusqu’à maintenant, la Cour utilisait la Trousse de procès électroniques de FileMaker Pro dans le cadre des audiences virtuelles où la coordination de nombreux documents était nécessaire : voir Rovi Guides I, aux para 13, 24. L’utilisation de cette technologie améliore la sécurité, car les documents confidentiels sont stockés sur les serveurs de la Cour et ne sont pas transmis par l’intermédiaire de la plateforme de vidéoconférence.
[24]
Nomadix n’a pas mentionné que l’instruction de l’affaire sous forme virtuelle pourrait occasionner des problèmes techniques ou autres en particulier en ce qui concerne la confidentialité. Nomadix a simplement affirmé qu’elle est très préoccupée par la confidentialité et qu’elle est convaincue qu’il est [traduction] « plus facile et plus sécuritaire »
de gérer la confidentialité dans une salle d’audience traditionnelle. À mon avis, cet argument n’est pas suffisant pour justifier l’octroi d’un long ajournement dans les circonstances, alors que la date de l’instruction a déjà été fixée. Si des problèmes de confidentialité liés à l’utilisation de la vidéoconférence en général, ou une plateforme de vidéoconférence en particulier, sont suffisamment importants pour justifier un ajournement, je m’attendrais à ce que Nomadix soit en mesure de décrire ces problèmes et de produire des éléments de preuve qui démontrent l’existence de ces problèmes. Le simple fait de réitérer de vagues préoccupations à l’égard de la préservation de la confidentialité dans le cadre d’une audience tenue par vidéoconférence n’est pas suffisant pour ajourner l’instruction de la présente affaire.
(2)
Complexité
[25]
Nomadix soutient que les technologies en cause en l’espèce, notamment le traitement des paquets de données IP et les problèmes de gestion de la bande passante ainsi que des éléments et éléments techniques et nuancés de matériel et de logiciels informatiques, ne se prêtent pas facilement à la transmission par vidéoconférence. Nomadix souligne que des [traduction] « défaillances technologiques »
pourraient réduire la qualité vidéo et empêcher la Cour de comprendre le témoignage d’experts sur ces problèmes techniques complexes.
[26]
Je ne suis pas convaincu que la complexité et la technicité de l’objet de la présente instance constituent un obstacle de taille à la tenue de l’instruction par vidéoconférence. Certes, la Cour a déjà éprouvé des problèmes liés à l’utilisation de la vidéoconférence qui ont donné lieu à de brèves interruptions des audiences. Cependant, la nature et la fréquence de ces problèmes n’ont pas été telles qu’ils auraient pu empêcher la Cour ou l’une des parties de comprendre les éléments de preuve et les questions présentés ou d’apprécier le témoignage de témoins ordinaires et experts. La Cour fédérale a instruit avec succès des procès en matière de brevets portant sur d’autres sujets complexes en utilisant la vidéoconférence sans que des problèmes technologiques ou le fait que les témoins ne soient pas dans la même pièce ne constituent un obstacle de taille.
[27]
La Cour reconnaît que la tenue d’une audience par vidéoconférence est une solution de rechange qui ne remplace pas et ne peut pas remplacer la procédure habituelle selon laquelle tous les participants à l’instance se trouvent dans la même pièce. Toutefois, je ne crois pas que les différences entre une audience en personne et une audience par vidéoconférence – lesquelles différences auront des incidences sur les deux parties – seront telles que l’affaire devrait être ajournée pour permettre la tenue d’une possible audience en personne.
[28]
Les deux parties connaissent bien les moyens de communication technologiques. Dans le cas peu probable où il deviendrait évident que la technologie empêche la Cour d’instruire l’affaire, la situation serait alors réévaluée. Cependant, le risque que des problèmes technologiques surviennent peut être réduit si toutes les parties se préparent adéquatement, et ce risque ne justifie pas l’ajournement de l’instruction afin d’éviter que l’audience se tienne par vidéoconférence.
(3)
Le témoin de Nomadix
[29]
Nomadix mentionne que son principal témoin ordinaire, qui est un représentant de l’entreprise, présentera un témoignage détaillé. Ce témoin parle anglais, mais avec un accent, et il pourrait être [traduction] « laborieux »
de le faire témoigner par vidéoconférence selon les avocats de Nomadix. La Cour est consciente des préoccupations que peuvent susciter les personnes qui ont de la difficulté à témoigner dans une langue officielle. Or, de telles préoccupations peuvent se présenter à la fois dans le cadre des audiences en personne et des audiences par vidéoconférence. Nomadix ne m’a pas fourni un motif suffisant pour expliquer comment la capacité de comprendre ce témoin serait compromise s’il témoignait par vidéoconférence pour que j’accorde beaucoup de poids à cet argument.
[30]
Les autres arguments soulevés par Nomadix concernant la capacité de ce témoin de participer à une audience par vidéoconférence, tels que sa possible incapacité à se concentrer sur l’instance s’il ne se trouve pas dans la ville où se tient l’audience, sont encore moins convaincants. Si les parties sont motivées à se concentrer sur l’instance, je ne vois aucune raison pour laquelle elles ne peuvent pas prendre des mesures pour le faire, peu importe le lieu où elles se trouvent.
(4)
Les fuseaux horaires
[31]
Nomadix est préoccupée par le fait que les participants à l’instance pourraient se trouver dans quatre fuseaux horaires différents en Amérique du Nord, qui s’étendent du fuseau horaire de l’Est, où la Cour et les avocats de Nomadix se trouvent, au fuseau horaire du Pacifique, où les représentants et les témoins de Nomadix se trouvent et où il y a un décalage horaire de trois heures.
[32]
Il convient certes de se pencher sur ce problème, car la journée de séance habituelle dans l’un des fuseaux horaires ne concordera pas avec la journée de séance habituelle dans les autres fuseaux horaires. Cependant, la Cour a l’habitude de tenir des audiences par téléconférence ou par vidéoconférence avec des parties qui sont dans différents fuseaux horaires. Souvent, on s’adapte en commençant les audiences un peu plus tôt qu’à l’habitude dans les fuseaux horaires un peu plus à l’est et un peu plus tard qu’à l’habitude dans les fuseaux horaires un peu plus à l’ouest. Je ne vois pas pourquoi cette façon de procéder ne fonctionnerait pas en l’espèce, et ce, même si les difficultés rencontrées peuvent être plus grandes lorsque l’audience s’échelonne sur plusieurs jours. La Cour est certainement prête à commencer l’audience plus tard qu’à l’habitude afin que les parties se trouvant en Californie n’aient pas à témoigner trop tôt dans la journée.
[33]
Encore une fois, même si j’estime que ce problème devra être abordé dans le cadre de la gestion de l’instance, il n’en justifie pas l’ajournement, et ce, qu’il soit pris en considération individuellement ou avec les autres questions soulevées.
(5)
L’absence de caractère urgent ou de préjudice
[34]
Nomadix affirme que la présente instance n’est pas urgente, puisque l’action a été introduite en 2017 et porte sur des actes qu’elle aurait commis en 2013. De plus, Nomadix prétend que Guest Tek ne subirait aucun préjudice si l’instance était ajournée. Guest Tek soutient que la conduite prétendument attentatoire de Nomadix s’est poursuivie pendant la période du premier ajournement et qu’elle risque de se poursuivre, puisque les clients continuent d’utiliser les produits de Nomadix. Guest Tek fait également valoir que la délivrance d’une injonction qui mettrait fin à la contrefaçon continue de son brevet est un élément important de la réparation sollicitée, et que Nomadix n’a pas offert d’arrêter la contrefaçon ou les ventes de ses produits durant l’ajournement demandé.
[35]
Il est évident qu’il arrive souvent que les demandeurs et les défendeurs aient des points de vue très différents quant au caractère urgent et au préjudice. Ni l’un ni l’autre de ces points de vue ne prévaut en l’espèce. Néanmoins, comme je l’ai mentionné précédemment lorsque j’ai fait référence à l’article 3 des Règles, les parties ont droit à ce que leur affaire soit instruite dans les délais les plus raisonnablement courts possible et à une solution au litige qui soit juste. Même lorsque les enjeux sont surtout de nature financière, des retards dans l’administration de la justice peuvent donner lieu à un déni de justice. L’instruction de la présente affaire a déjà été ajournée pour trois mois en raison de la pandémie. Un autre ajournement de six mois sans aucune garantie que cette mesure permettrait de tenir l’audience en personne à une date ultérieure n’est pas justifié.
D.
Les autres questions soulevées par Nomadix
[36]
Nomadix a soulevé un certain nombre d’autres questions, mais aucune d’elles, prises en compte individuellement ou cumulativement, ne me convainc qu’un ajournement doit être accordé.
[37]
Nomadix prétend qu’il est injuste que les représentants de Guest Tek pouvant donner des instructions se trouvent dans la même pièce que ses avocats à Calgary, alors que Nomadix ne pourra communiquer avec ses avocats que par voie électronique durant l’audience. Comme l’a reconnu Nomadix, cette préoccupation quant à une possible iniquité a été dissipée lorsque Guest Tek a pris l’initiative de demander aux représentants de ses clients de participer à l’audience en utilisant un lien distinct pour accéder à la vidéoconférence au lieu d’être présents dans la même pièce que ses avocats. Bien que l’utilisation de modes électroniques distincts pour communiquer par courriel, par message texte, dans des salles d’atelier ou par d’autres moyens puisse s’avérer plus laborieuse, la Cour sera consciente des préoccupations que soulèvent ces modes de communication et sera disposée à examiner les demandes raisonnables de pause afin de permettre de telles communications.
[38]
Nomadix a également parlé de la quantité d’éléments de preuve électroniques qui ont été versés au dossier, soulignant la taille des fichiers (particulièrement les fichiers vidéo) qui ont été produits et les difficultés liées au téléchargement de ces fichiers. Or, ces difficultés existent quel que soit le mode d’instruction. La Cour doit disposer de copies de tout élément de preuve électronique qui a été copié dans son système, et ce, que l’audience se tienne en personne ou par vidéoconférence. Les copies peuvent et doivent être transmises à la Cour bien avant le début de l’instruction. À mon avis, ce point n’est pas pertinent.
[39]
Nomadix a également fait référence à des instances connexes entre les parties qui sont actuellement en cours au Delaware et en Californie. Nomadix a fait remarquer que l’instruction de l’action intentée en Californie a été reportée indéfiniment en raison de la pandémie de COVID‑19. Encore une fois, ce point n’est, à mon avis, pas pertinent dans les circonstances. Les cours de justice de partout dans le monde composent avec la pandémie du mieux qu’elles peuvent en tenant compte de la situation qui règne dans leur pays respectif, ainsi que des restrictions et des préoccupations auxquelles elles sont confrontées. Puisqu’il n’y a aucun conflit d’horaire entre les instances, la question de savoir si les actions intentées au Delaware et en Californie seront instruites et au moyen de quel mode d’instruction n’a aucune incidence importante sur la question de savoir si la présente action peut être instruite au Canada.
[40]
Nomadix a aussi souligné que d’autres affaires devant les tribunaux canadiens, y compris d’autres affaires dont notre Cour est saisie, ont été ajournées en raison de la pandémie. Les similitudes entre ces affaires et la présente affaire sont toutefois peu nombreuses. En effet, Nomadix a invoqué une affaire où les parties ont accepté un ajournement sur consentement compte tenu de l’état du secteur industriel visé, une affaire où un expert a tardé à rédiger un rapport, ainsi qu’une affaire où les parties n’ont pas pu prendre les mesures nécessaires avant l’instruction. Chaque affaire doit être examinée sur le fond et l’ajournement d’autres instances pour des enjeux qui ne se posent pas en l’espèce est sans grande pertinence.
[41]
Enfin, Nomadix a fait référence à d’autres mesures qui ont été prises dans le cadre de la présente instance, dont des ordonnances de production et de communication de la preuve. Nomadix a laissé entendre qu’elle a subi un préjudice en raison de ces autres mesures et que, dans de telles circonstances, il serait injuste d’instruire la présente affaire par vidéoconférence malgré ses objections. Les autres mesures prises dans le cadre de l’instance ont été examinées sur le fond par la juge responsable de la gestion de l’instance. Ces ordonnances n’ont pas été portées en appel. Le point de vue de Nomadix concernant le bien‑fondé de ces ordonnances n’a aucune incidence sur l’examen de la question de savoir si la présente instance peut et doit être instruite par vidéoconférence.
E.
Conclusion
[42]
Pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas convaincu que l’instruction de la présente affaire devrait être ajournée du fait qu’une audience en personne ne peut pas avoir lieu aux dates actuellement fixées. L’instruction de l’affaire commencera le 28 septembre 2020 par voie de vidéoconférence et durera 14 jours comme prévu.
[43]
Nomadix n’a soulevé aucune préoccupation en ce qui concerne la plateforme de vidéoconférence qui sera utilisée pour tenir l’audience. Jusqu’à ce que d’autres arrangements soient pris ou que des directives soient données à cet égard, l’instruction de l’affaire se fera à distance à l’aide de la plateforme Zoom.
[44]
Une autre CGI sera convoquée au cours de la semaine du 7 septembre 2020 afin de discuter des questions liées à la tenue de l’audience par vidéoconférence. La gestion des documents, la mise en place de mesures et de pratiques visant à protéger les documents confidentiels en respectant le plus possible le principe de la publicité des débats, de même que les protocoles de témoignage seront abordés lors de cette conférence. On encourage les parties à se consulter le plus rapidement possible afin de savoir si elles peuvent s’entendre sur ces questions avant la CGI. À cet égard, on renvoie les parties à la décision du juge Lafrenière dans l’affaire Rovi Guides, Inc. c Videotron Ltée, 2020 CF 637 [Rovi Guides II] pour qu’elles l’examinent.
IV.
Autres questions préalables à l’instruction
[45]
Les parties ont convenu de produire leurs listes de témoins, des résumés des témoignages de leurs témoins ordinaires et un calendrier des témoignages au plus tard le 16 septembre 2020, et j’en ordonne ainsi.
[46]
Les parties ont également proposé de produire des tableaux des revendications avant l’instruction de l’affaire où elles indiqueraient les points sur lesquels elles sont d’accord et en désaccord en ce qui a trait aux questions de l’interprétation et de la contrefaçon relativement aux revendications de brevet pertinentes. Je conviens que de tels tableaux seraient utiles à la Cour et amélioreraient l’efficacité de l’instruction. Les parties ont convenu de soumettre les tableaux des revendications au plus tard le 22 septembre 2020, et j’en ordonne ainsi.
[47]
Les parties doivent faire le point sur ces questions lors de la CGI qui se tiendra au cours de la semaine du 7 septembre 2020.
[48]
Les parties ont en outre mentionné la possibilité de préparer conjointement un document expliquant le fonctionnement de la technologie. Guest Tek a indiqué qu’elle avait préparé un document provisoire qu’elle avait transmis à Nomadix, et Nomadix a répondu que ce document n’était pas acceptable. Compte tenu du temps qu’il reste avant l’instruction de l’affaire, des autres mesures qui doivent être prises pour s’y préparer et du grand nombre de rapports d’experts disponibles, j’estime qu’il n’est pas nécessaire que les parties préparent conjointement un document expliquant le fonctionnement de la technologie et je ne fixerai pas de date pour la production d’un tel document. Cependant, j’encourage les parties à préparer et à soumettre un tel document si elles le jugent utile et si elles peuvent s’entendre sur son contenu.
[49]
Les parties ont affirmé qu’elles ne comptent pas soulever d’arguments quant à l’admissibilité ou à l’authenticité d’un recueil conjoint de documents et qu’elles seront vraisemblablement en mesure de s’entendre sur le contenu d’un tel recueil. Je les encourage à le faire, mais je tiens à souligner que la taille des fichiers et le temps requis pour le transfert électronique des documents doivent être pris en compte lors de la transmission de tout document par voie électronique. Cela dit, je ne crois pas que des dates particulières doivent être expressément fixées pour l’approbation et le dépôt d’un recueil conjoint de documents.
ORDONNANCE dans le dossier T‑448‑17
LA COUR ORDONNE :
L’instruction de la présente affaire commencera comme prévu le 28 septembre 2020 pour une durée de 14 jours et prendra fin le 16 octobre 2020, la Cour ne siégeant pas le 12 octobre 2020.
L’instruction se déroulera à distance à l’aide de la plateforme Zoom ou de toute autre plateforme, selon les directives de la Cour.
Les parties doivent faire connaître leurs disponibilités à la Cour pour la tenue d’une autre conférence de gestion de l’instruction au cours de la semaine du 7 septembre 2020.
Les parties produiront leurs listes de témoins, des résumés des témoignages de leurs témoins ordinaires et un calendrier des dates de témoignage au plus tard le 16 septembre 2020.
Les parties produiront des tableaux des revendications où elles indiqueront les points sur lesquels elles sont d’accord et en désaccord en ce qui a trait aux questions de l’interprétation et de la contrefaçon au plus tard le 22 septembre 2020.
Les dépens suivront l’issue de la cause.
« Nicholas McHaffie »
Juge
Traduction certifiée conforme
M. Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑448‑17
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INTITULÉ :
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GUEST TEK INTERACTIVE ENTERTAINMENT LTD. c NOMADIX, INC.
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AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 25 AOÛT 2020 ENTRE OTTAWA, EN ONTARIO (COUR); CALGARY, EN ALBERTA (DEMANDERESSE), ET MONTRÉAL, AU QUÉBEC (DÉFENDERESSE)
ORDONNANCE ET MOTIFS :
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le juge MCHAFFIE
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DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :
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le 27 août 2020
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COMPARUTIONS :
D. Doak Horne
Kevin Unrau
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pour la demanderesse
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Bob H. Sotiriadis
Camille Aubin
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pour la défenderesse
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gowling WLG (Canada), S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Calgary (Alberta)
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pour la demanderesse
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Robic, S.E.N.C.R.L.
Montréal (Québec)
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pour la défenderesse
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