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     Date : 19971114

     T-402-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 38 et 56 de la
     Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13
     ET un appel d'une décision rendue le 10 janvier 1997         
     par le registraire des marques de commerce au sujet de la
     demande de marque de commerce no 686 839 déposée par K-TEL
     International Ltd. au sujet de la marque de commerce FORMULA 7

E n t r e :

     K-TEL INTERNATIONAL LTD.,

     appelante

     (requérante),

     et

     INTERWOOD MARKETING LTD.,

     intimée

     (opposante).

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]      L'appelante interjette appel de la décision en date du 10 janvier 1997 par laquelle la Commission des oppositions des marques de commerce a rejeté la demande présentée par l'appelante en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi sur les marques de commerce en vue de faire enregistrer sa marque de commerce " FORMULA 7 ".

[2]      Le 31 juillet 1991, l'appelante a déposé la demande no 686 839 pour faire enregistrer sa marque de commerce " FORMULA 7 " en vue de l'utiliser en liaison avec des nettoyeurs et dégraisseurs liquides. Cette demande était fondée sur un emploi projeté au Canada. Le 22 mai 1992, l'appelante a modifié sa déclaration pour préciser qu'elle portait sur des nettoyeurs et dégraisseurs liquides d'usage domestique ou industriel et l'appelante a modifié sa demande en renonçant à son droit au mot " formula " et en dissociant celui-ci du reste de la marque de commerce " FORMULA 7 ".

[3]      L'intimée avait déposé une déclaration d'opposition par laquelle elle cherchait à obtenir le rejet de la demande de l'appelante au motif que la présumée marque de commerce créait de la confusion avec la marque de commerce et le dessin " DIDISEVEN ". L'appelante soutenait que, dans sa décision, la registraire des marques de commerce n'avait pas accordé suffisamment de poids aux éléments de preuve portés à sa connaissance. L'appelante soulignait plus particulièrement qu'aucun élément de preuve n'avait été présenté au sujet de la façon dont la marque " DIDISEVEN " était employée. Elle affirmait deuxièmement que la registraire avait accordé trop d'importance au chiffre " 7 ", troisièmement qu'elle n'avait pas accordé suffisamment d'importance au premier mot de la marque de commerce de la requérante et, quatrièmement, que la registraire avait accordé peu d'importance aux éléments de preuve portant sur l'état du registre.

[4]      En appel, l'appelante a déposé un affidavit établissant qu'il y a au moins dix marques de commerce déposées qui contiennent le chiffre " 7 " et qu'il existe au moins treize marques de commerce déposées qui comprennent un chiffre qui contient un " 7 " en liaison avec des marchandises connexes. Les marques de commerce de l'intimée sont enregistrées en vue d'être employées en liaison avec [TRADUCTION] " des détachants tout usage pour tissus, tapis, recouvrements, plastiques, vinyle, céramiques et métal; des agents chimiques nettoyants, blanchissants, détachants et d'enlèvement de la rouille "; " des composés chimiques domestiques sous forme de poudres, de solides, de liquides et de vaporisateurs " et " des détachants; des agents chimiques nettoyants, blanchissants, détachants et d'enlèvement de la rouille " respectivement. L'intimée n'a présenté aucun élément de preuve au sujet de l'emploi de ses marques. Plus particulièrement, les nouveaux éléments de preuve présentés par la requérante démontrent la présence sur le marché du " MULTI-7 Magic Clean's ", un produit de nettoyage tout usage fabriqué par 133064 Canada Inc.

[5]      La requérante a également déposé un affidavit relatant l'histoire, l'évolution, l'utilisation et le succès de " FORMULA 7 ". Les chiffres de vente s'établissent à 700 000 $ pour les années 1991 à 1994. Les frais de télévision et de publicité s'élèvent à 85 000 $ pour la même période. La requérante parle également dans son affidavit d'une vaste campagne publicitaire faite à la télévision en vue de créer une association entre la marque de commerce " FORMULA 7 " et la marque de commerce déposée " LUSTRE 7 " de l'appelante destinée à être employée en liaison avec de la cire pour autos.

[6]      La registraire a jugé que :

     [TRADUCTION]         
     [...] la requérante ne m'a pas convaincue qu'il n'existe aucun risque raisonnable de confusion; le moyen d'opposition tiré de l'alinéa 12(1)d) est par conséquent bien fondé.         

En conséquence, la registraire a rejeté la demande.

ANALYSE

[7]      Il est de jurisprudence constante que la décision rendue par le registraire sur la question de savoir si deux marques de commerce créent de la confusion doit se voir accorder beaucoup de poids. Toutefois, lorsque le tribunal est, dans le cadre d'un appel, appelé à examiner de nouveaux éléments de preuve substantiels qui n'avaient pas été portés à la connaissance du registraire, l'appel devient essentiellement un nouveau procès.

[8]      L'appelante a produit des éléments de preuve démontrant que le " MULTI-7 Magic Clean's " est un nettoyant d'usage domestique. À mon avis, il est démontré que le " MULTI-7 Magic Clean's ", le " DIDISEVEN " et huit autres marques de commerce qui contiennent le chiffre " 7 " sont des nettoyants d'usage domestique et industriel.

[9]      Le critère à appliquer lorsqu'il s'agit de déterminer si deux marques de commerce créent de la confusion se trouve au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce. La registraire a jugé que les marques des deux parties avaient un caractère distinctif inhérent comme l'exige l'alinéa 6(5)a). La registraire a également conclu que les marchandises et la nature du commerce en cause étaient semblables, comme l'exigent les alinéas 6(5)c) et d). La registraire a conclu que la période de temps au cours de laquelle les marques avaient été employées constituait un facteur qui ne favorisait aucune des deux parties. La registraire ne disposait cependant d'aucun élément de preuve au sujet de l'emploi des marques de l'intimée. Dans l'arrêt Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd., (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424, la Cour d'appel fédérale a estimé qu'on lui avait soumis des éléments de preuve au sujet de l'emploi par l'appelante de sa marque de commerce, mais aucun élément de preuve en ce qui concernait la marque de commerce de l'opposante. Il s'agissait là de circonstances dont il fallait tenir compte pour trancher la question de la confusion. En ce qui concerne l'alinéa 6(5)e) et le degré de ressemblance dans la présentation, le son ou les idées suggérées, la registraire a déclaré, en l'espèce :

     [TRADUCTION]         
     En ce qui concerne le degré de ressemblance entre les marques, la seule ressemblance réside dans le son des marques, étant donné qu'elles se terminent toutes les deux par " seven ". Toutefois, compte tenu du fait que les deux marques sont relativement brèves, l'élément final de chaque marque revêt une plus grande importance que si les marques étaient composées de trois ou quatre mots. Il n'existe pas de similitude visuelle entre les marques, mais l'emploi du chiffre dans les marques suggère l'idée que le produit est un composé chimique puissant.         

[10]      La registraire a scindé la marque alors qu'elle n'aurait pas dû le faire. Elle a accordé plus d'importance à la seconde moitié de la marque qu'à la première. Une fois de plus, je me reporte à l'arrêt Park Avenue Furniture, dans lequel les deux marques en question étaient " POSTURE-BEAUTY " et " BABYBEAUTY ". Le juge Desjardins a déclaré, à la page 425 :

     En affirmant que " la confusion n'est pas entre le mot POSTURE et le mot BABY, mais entre BEAUTY et BEAUTY ", le juge de première instance a fractionné la marque de commerce. Il a en fait essayé d'accorder à l'intimée une protection pour le mot BEAUTY.         
     Je suis d'accord avec l'appelante pour dire que les marques doivent être examinées dans leur ensemble [...] [Renvoi omis.]         

Elle a ajouté, à la page 427 :

     En l'espèce, ce sur quoi le juge de première instance devait se prononcer, c'était le risque de confusion entre les marques POSTURE-BEAUTY et BABYBEAUTY prises dans leur ensemble. Il a commis une erreur en scindant la marque de commerce et en accordant une forte protection commerciale au mot BEAUTY.         

[11]      De la même manière, en l'espèce, la registraire a commis une erreur en accordant une forte protection au chiffre " 7 ". Même s'il est vrai que les marques ne doivent pas être scindées lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des questions de confusion, il a été jugé que la première partie d'une marque de commerce est celle qui est la plus pertinente lorsqu'il s'agit de se prononcer sur son caractère distinctif (voir le jugement Pernod Ricard c. Brasserie Molson , (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, à la page 370 (C.F. 1re inst.).

[12]      Au nombre des circonstances de l'espèce dont il doit tenir compte, le tribunal doit examiner l'état du registre des marques de commerce, ainsi que tout autre élément de preuve pertinent permettant de décider si un mot déterminé " en l'espèce, le mot " SEVEN " ou le chiffre " 7 " " a fait l'objet d'une adoption générale dans le commerce. Toujours dans l'arrêt Park Avenue Furniture Corp. , précité, le juge Desjardins déclare, à la page 427 :

     Dans le cas d'une demande d'enregistrement, la présence dans le registre d'autres marques que celle avec laquelle on les compare est un élément pertinent dont le registraire doit tenir compte [...] [Renvoi omis.]         

[13]      À mon avis, les faits de l'affaire Park Avenue Furniture Corp., précitée, sont très semblables à ceux de la demande dont je suis saisi et ils conduisent au même résultat. Ainsi que je l'ai déjà précisé, en l'espèce, il existe au moins dix marques de commerce déposées qui comportent le chiffre " 7 " et au moins treize marques de commerce déposées qui contiennent un chiffre composé d'un " 7 " et qui sont employées en liaison avec des nettoyants. J'estime que, lorsqu'on examine dans leur ensemble les deux marques de commerce " DIDISEVEN " et " FORMULA 7 ", il ne fait absolument aucun doute que la marque de commerce de l'intimée ne créait pas et ne crée pas de confusion avec la marque de commerce déposée de l'appelante. Bien que les marques soient peut-être faibles du fait qu'elles incorporent le chiffre " 7 ", lequel est couramment utilisé pour désigner des nettoyants d'usage domestique et industriel, l'appelante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu'il n'existe aucun risque de confusion entre la marque de commerce " FORMULA 7 " de l'appelante et la marque et le dessin " DIDISEVEN " de l'intimée, malgré le fait qu'il s'agit de nettoyants d'usage domestique et industriel qui sont vendus dans le même commerce. À mon avis, faire droit à l'opposition aurait pratiquement pour effet de conférer à l'intimée un droit de propriété exclusif sur le chiffre " 7 " pour ce type de produits (voir l'arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. , (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.), à la page 360).

[14]      Je fais mien le principe prudent bien reconnu qui veut que, lorsque deux marques de commerce renferment un élément commun qui fait également partie de plusieurs autres marques employées sur le même marché, la présence de cet élément commun sur un marché donné a tendance à amener les consommateurs à prêter davantage attention aux autres éléments qui ne sont pas communs aux marques en question et à les distinguer en fonction de ces autres éléments. Je rappelle que l'appelante est déjà propriétaire d'un enregistrement de marque de commerce qui incorpore le chiffre " 7 ", en l'occurrence la marque " LUSTRE 7 ", qui a été enregistrée pour être employée en liaison avec de la cire pour autos. Je dois également tenir compte du fait qu'il existe sur le marché des produits connexes qui sont fabriqués par des tiers et dont la marque de commerce comporte le chiffre " 7 ". Ainsi que je l'ai déjà déclaré, l'appelante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu'il n'y aurait aucun risque de confusion entre sa marque de commerce " FORMULA 7 " et la marque et le dessin " DIDISEVEN " de l'intimée. L'appel interjeté de la décision de la registraire est accueilli. La décision rendue le 10 janvier 1997 par la registraire est annulée et l'affaire est renvoyée à la registraire avec instruction de faire droit à la demande no 686 839 présentée par l'appelante en vue d'obtenir l'enregistrement de la marque de commerce " FORMULA 7 ". Compte tenu du fait que l'intimée n'a pas comparu à l'audience et qu'elle n'a déposé aucune pièce à l'appui de son opposition, aucuns dépens ne sont adjugés.

     " W.P. McKeown "

                         JUGE     

OTTAWA (Ontario)

Le 14 novembre 1997

Traduction certifiée conforme     

                                 Martine Guay, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  T-402-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          K-Tel International Ltd.,

     appelante (requérante),

                         et
                         Interwood Marketing Ltd.,

     intimée (opposante),

LIEU DE L'AUDIENCE :              OTTAWA (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              30 octobre 1997

MOTIFS De l'ordonnance prononcés par le juge McKeown le 14 novembre 1997

ONT COMPARU :

Elizabeth Elliott                  pour l'appelante
Personne n'a comparu              pour l'intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Macera & Jarzyna                  pour l'appelante

Ottawa (Ontario)

Riches McKenzie & Herbert          pour l'intimée

Toronto (Ontario)

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