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Date : 20200813


Dossier : IMM‑2967‑20

Référence : 2020 CF 824

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Fredericton (Nouveau‑Brunswick), le 13 août 2020

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

JING WANG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Le demandeur a présenté une requête par écrit, en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, en vue d’obtenir ce qui suit :

[traduction]

« une ordonnance interdisant au défendeur de demander que la demande de résidence permanente présentée par mon épouse dans le cadre du Programme ontarien des candidats à l’immigration (le POCI) soit refusée au motif que je suis interdit de territoire en application de l’article 40 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR);

une ordonnance enjoignant au défendeur de donner au POCI la directive de maintenir en instance la demande (numéro de dossier EP00382754) présentée au titre du Programme des candidats des provinces (le PCP) par mon épouse, Siyu Zhao (identificateur unique du client : 9785‑3199), alias Angela Zhao, jusqu’à l’issue du présent litige ou, si la demande a été rejetée du fait de la conclusion liée à l’article 40 de la LIPR, d’ordonner au POCI de rouvrir le dossier ou d’approuver la demande si la présente demande est accueillie ou réglée;

une ordonnance enjoignant au défendeur de reporter l’échéance du permis de travail de mon épouse à 60 jours suivant une décision ou un règlement quant au présent litige. »

[2]  Dans la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente, le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas à Beijing, en Chine, a rejeté sa demande de permis de travail au motif qu’il est interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations. Cette conclusion entraine son interdiction de territoire pour une période de cinq ans.

[3]  Le demandeur se représente lui‑même dans le cadre de la demande et de la requête. À l’appui de la requête, il se fonde sur un affidavit de son épouse, Siyu Zhao, daté du 8 juillet 2020. Le demandeur n’a pas déposé son propre affidavit. Aucun élément de preuve n’a été présenté relativement à la demande de résidence permanente de son épouse ni relativement à la demande de permis de travail de celle‑ci.

[4]  Par la présente requête, le demandeur sollicite une injonction ordonnant l’arrêt du processus décisionnel administratif relatif aux demandes de résidence permanente et de permis de travail de son épouse. Cependant, la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente ne concerne pas le statut d’immigration ni la demande de permis de l’épouse du demandeur. Par conséquent, la présente requête ne constitue pas le moyen approprié de solliciter une injonction relativement aux demandes de résidence permanente et de permis de travail de l’épouse du demandeur.

Le critère applicable en matière d’injonction

[5]  Le critère juridique applicable pour l’obtention d’une injonction interlocutoire est énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR‑MacDonald]. Le critère en trois étapes exige que le demandeur établisse ce qui suit : 1) qu’une question sérieuse à juger a été soulevée dans la demande sous‑jacente; 2) qu’il subira un préjudice irréparable si l’injonction interlocutoire n’est pas accordée; 3) que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi de l’injonction. Ce critère est de nature conjonctive, ce qui signifie que le demandeur doit satisfaire aux trois étapes du critère.

[6]  L’octroi d’un sursis constitue une mesure extraordinaire et il incombe au demandeur de satisfaire au critère énoncé dans l’arrêt RJR‑MacDonald (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Harkat, 2006 CAF 215, au par. 10).

[7]  Dans l’arrêt Janssen Inc. c Abbvie Corporation, 2014 CAF 112 [Janssen], le juge Stratas a souligné que le critère énoncé dans l’arrêt RJR‑MacDonald « vise à reconnaître que la suspension de ce qui est juridiquement contraignant et exécutoire — qu’il s’agisse d’une décision judiciaire, d’une mesure légale, ou du droit conféré par la loi à un organisme subalterne d’exercer sa compétence — est une mesure des plus importantes » (Janssen, au par. 20).

La question sérieuse

[8]  À la première étape du critère énoncé dans l’arrêt RJR‑MacDonald, le demandeur doit démontrer qu’une question sérieuse est soulevée dans la demande sous‑jacente.

[9]  En l’espèce, le demandeur n’a pas démontré que sa demande sous‑jacente soulevait une question sérieuse. La mesure de redressement sollicitée par le demandeur est liée aux procédures qui concernent son épouse, lesquelles ne constituent pas l’objet de sa demande sous‑jacente. Comme la mesure de redressement sollicitée n’est pas liée aux procédures d’immigration du demandeur, il ne peut s’agir d’une question sérieuse.

[10]  Quoi qu’il en soit, le principe de non‑intervention judiciaire dans les instances administratives en cours constitue une réponse pleine et entière à la demande du demandeur (Okojie c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2019 CF 880, aux paragraphes 42 à 51).

Le préjudice irréparable

[11]  En ce qui concerne le préjudice irréparable, le demandeur doit démontrer qu’il existe « un préjudice réel, certain et inévitable — et non pas hypothétique et conjectural »; « de vagues hypothèses et de simples affirmations » ne suffisent pas (Janssen, au par. 24). En outre, il ne suffit pas « d’énumérer diverses difficultés, de les qualifier de graves, puis, au moment de préciser le préjudice qui risque d’en découler, d’employer des termes généraux et expressifs qui ne servent pour l’essentiel qu’à affirmer – et non à prouver à la satisfaction de la Cour – que le préjudice est irréparable » (Première nation de Stoney c Shotclose, 2011 CAF 232, au par. 48).

[12]  Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve détaillé ou précis quant au préjudice certain qu’il subirait si l’injonction n’était pas accordée. Il s’est plutôt fondé sur des hypothèses concernant les issues possibles des demandes d’immigration de son épouse. Cette dernière soutient que sa demande [traduction« sera rejetée ». Il ne s’agit que d’une simple conjecture qui ne satisfait pas au seuil élevé de preuve requis pour établir l’existence d’un préjudice irréparable.

[13]  L’épouse du demandeur pourra s’adresser à la Cour fédérale dans l’éventualité où ses demandes d’immigration seraient rejetées. Pour le moment, l’issue de ces demandes demeure hypothétique et conjecturale, et elle ne constitue pas la preuve d’un préjudice irréparable.

La prépondérance des inconvénients

[14]  À la dernière étape du critère, « il faut apprécier la prépondérance des inconvénients, afin d’établir quelle partie subirait le plus grand préjudice [...], selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée » (R. c Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5, au par. 12).

[15]  Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Glooscap Heritage Society c Canada (Revenu national), 2012 CAF 255, au par. 52 : « Lorsque le requérant demande au juge d’interdire à une personne d’agir, alors que la loi impose à celle‑ci des obligations, l’intérêt public “très important” doit “peser lourdement” dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients (renvoi omis) ».

[16]  En l’espèce, le demandeur demande à la Cour d’interférer dans les processus administratifs concernant les demandes de résidence permanente et de permis de travail de son épouse. Dans ces circonstances, une telle demande est inappropriée, et la prépondérance des inconvénients favorise largement le ministre défendeur.

[17]  En conclusion, le demandeur n’a satisfait à aucune des étapes du critère applicable pour l’obtention d’une injonction. Par conséquent, la requête sera rejetée.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER IMM‑2967‑20

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La requête du demandeur est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour d’août 2020.

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2967‑20

 

INTITULÉ :

JING WANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

Le 13 août 2020

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Jing Wang

demandeur

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Nimanthika Kaneira

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

Demandeur se représentant seul

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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