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     Date : 20010223

     Dossier : T-194-98

     Référence neutre : 2001 CFPI 107


Entre :

     LES ÉQUIPEMENTS D'ÉRABLIÈRE CDL INC.

     Demanderesse/

     Défenderesse reconventionnelle

     - et -


     ÉRATUBE INC.

     - et -

     RAYNALD DÉSORCY

     Défendeurs/

     Demandeurs reconventionnels



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      Il s'agit de deux requêtes en appel, déposées respectivement par la partie demanderesse et la partie défenderesse, d'une décision rendue par le protonotaire Morneau, le 8 janvier 2001, maintenant en partie les objections formulées par la partie demanderesse relativement à certaines questions posées lors des interrogatoires au préalable de messieurs Jean-Marie Chabot, Dominique Lesquir et Bernard Landry.

[2]      La norme de révision à appliquer par le juge saisi d'un appel d'une décision discrétionnaire rendue par un protonotaire a été bien définie par le juge MacGuigan, dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.F, Appel), aux pages 462 et 463 :

             Je souscris aussi en partie à l'avis du juge en chef au sujet de la norme de révision à appliquer par le juge des requêtes à l'égard des décisions discrétionnaires de protonotaire. Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :
         a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,
         b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal15.
         Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.
        
         15 Il y a lieu de noter que la formulation employée par lord Wright, « the final issue of the case » , n'a pas du tout le même sens que « the final issue in the case » . Il a voulu dire par là « influence déterminante sur l'issue du principal » et non « influence déterminante sur le litige principal selon le mérite de la cause » .
         [. . .]


[3]      Il importe aussi de souligner l'à-propos du passage suivant de la décision du protonotaire :

         [6] . . . une question mérite réponse en interrogatoire au préalable si elle est pertinente aux points qui sont en litige entre les parties, c'est-à-dire si elle est susceptible d'aider, directement ou indirectement, la cause de l'une des parties ou de nuire à la cause de l'autre (voir Sydney Steel Corp. v. The Ship Omisalj (Le), [1992] 2 C.F. 193, 197-8).


[4]      En ce qui concerne d'abord l'appel de la partie demanderesse, celui-ci vise la portion de l'ordonnance du protonotaire enjoignant ses témoins de répondre aux questions 13 à 38, 49, 60 et 75 qui y sont énoncées.

[5]      Au sujet des questions 13 à 38, je suis d'avis qu'elles sont pertinentes en regard de la nécessité de connaître la substance de la présumée invention décrite dans le brevet en cause. À l'instar du protonotaire, dont la décision à cet égard s'appuie sur des autorités fort pertinentes, je dois conclure que la partie demanderesse a failli dans son fardeau d'établir que la décision attaquée est manifestement erronée.

[6]      En ce qui concerne la question 49, elle m'apparaît aussi pertinente parce qu'elle porte sur la détermination des éléments essentiels de la même invention.

[7]      Quant à la question 60, la partie demanderesse, par son avocate, a déclaré, à l'audition devant moi, abandonner son appel à cet égard.

[8]      Enfin, pour ce qui est de la question 75, sa pertinence a été reconnue par la demanderesse elle-même au paragraphe 42 de ses représentations écrites. En outre, la question a trait à une information que la demanderesse est facilement en mesure de fournir.

[9]      L'appel de la partie demanderesse ne saurait donc réussir.

[10]      En ce qui concerne l'appel de la partie défenderesse, celui-ci vise la portion de l'ordonnance du protonotaire accueillant les objections formulées par la partie demanderesse et empêchant ainsi les témoins de cette dernière de répondre aux questions 12 et 76 qui y sont énoncées.

[11]      Les deux questions impliquent la considération de la théorie du succès commercial. À ce sujet, la doctrine et la jurisprudence établissent bien que le succès commercial n'est pertinent que dans certains cas marginaux et qu'il ne peut servir de prétexte à des « expéditions de pêche » (voir Fox, Canadian Patent Law and Practice, 4e édition, Toronto, The Carswell Company Limited, aux pages 76 et 78, CAE Machinery Ltd. v. Fuji Kogyo Kabushiki Kaisha (21 janvier 2000), T-730-97 (C.F., 1re instance), Canadian Buttons Limited v. Patrician Plastic Co., 35 F.P.C. 87 et Edison and Swan Electric Light Co. v. Holland, (1889) 6 R.P.C. 243, à la page 277).

[12]      Considérant, à la lumière de ces principes, que ce n'est pas la partie demanderesse qui, en l'espèce, invoque le succès commercial afin de démontrer qu'il y a une invention, mais que c'est plutôt la partie défenderesse qui, pour démontrer l'absence d'activité inventive, allègue que l'invention brevetée n'a pas été commercialisée, je suis d'avis que les arguments étayés aux paragraphes 24, 25 et 30 à 35 du dossier de réponse de la partie demanderesse (déposé le 16 février 2001) sont valables et supportent le rejet de l'appel concernant les deux questions. Cette dernière conclusion est renforcie par l'engagement de la partie demanderesse, par son avocate, en regard de la question 76, de briser le chiffre de 1 590 000 unités de façon à préciser les chiffres de vente pour la double fourche, l'adapteur CDL-IPL et les versions subséquentes de cet adapteur.

[13]      Par ces motifs, les deux requêtes en appel sont rejetées. Du consentement des parties, il n'y a pas d'adjudication de dépens et il est ordonné que dorénavant cette instance soit gérée à titre d'instance à gestion spéciale par la ou les personnes désignée(s) conformément à la règle 383 des Règles de la Cour fédérale (1998).

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 février 2001

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