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                                                                                                                               Date : 20040520

                                                                                                                    Dossier : IMM-3863-03

                                                                                                                 Référence : 2004 CF 709

ENTRE :

                                                            Ngan Van NGUYEN

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de l'immigration (la SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié rendue le 8 avril 2003. La SAI a rejeté l'appel interjeté par le demandeur au sujet de la décision de l'agent des visas, rendue le 9 mai 2001, à l'effet que sa fiancée était inadmissible à immigrer au Canada en vertu du sous-alinéa 6(1)d)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement).


[2]         Ngan Van Nguyen (le demandeur) est un citoyen canadien qui est devenu veuf en 1996, lorsque sa première épouse et la mère de ses trois enfants est décédée. En 2000, il a décidé de faire un voyage au Vietnam pour y revoir sa famille. Alors qu'il visitait la famille d'un de ses amis, à l'occasion de ce voyage, il a rencontré la nièce de celui-ci, Thi My Hang Nguyen (la requérante). Le demandeur a alors pensé qu'il était temps de refaire sa vie. Il a passé cinq semaines au Vietnam et c'est au cours de la troisième de celles-ci qu'il a fait une proposition de mariage à la requérante, dans un parc. Plusieurs personnes ont assisté aux fiançailles, le 22 mai 2000, dont un des frères du demandeur venu d'Australie, ainsi que ses autres frères et sa mère résidant au Vietnam. Le demandeur est revenu au Canada le 27 mai 2000 et il a maintenu le contact avec la requérante par téléphone et par lettres.

[3]         Le demandeur a présenté une demande parrainée dtablissement au Canada pour la requérante. Le 9 mai 2001, il a été avisé du refus de sa demande. L'agent des visas a conclu que la requérante est inadmissible pour immigrer au Canada parce qu'elle ne rencontre pas les critères prévus au sous-alinéa 6(1)d)(i) du Règlement. Lors de son entrevue, la requérante a été incapable de satisfaire l'agent des visas qu'elle ne stait pas fiancée principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada et qu'elle et le répondant avaient l'intention de vivre ensemble en permanence après le mariage. Le demandeur a porté appel de cette décision à la SAI.

[4]         Entre la date du refus de visa et la date de l'audience à la SAI, le demandeur est retourné au Vietnam en mai 2002 et il a épousé la requérante.

[5]         Le 8 avril 2003 la SAI a refusé l'appel interjeté par le demandeur au sujet de la demande parrainée dtablissement de la requérante. La SAI a relevéplusieurs contradictions et incohérences entre les déclarations du demandeur et celles de la requérante au sujet du cheminement de leur relation. Par conséquent, la SAI n'a pas cru à la bonne foi des fiançailles et du mariage subséquent.

                                                                * * * * * * * * * * * *


[6]         La disposition pertinente du Règlement est la suivante :


6. (1) Sous réserve des paragraphes (1.1), (3.1), (3.2), (4), (5) et (6), lorsqu'une personne appartenant à la catégorie de la famille présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu toute personne à charge qui l'accompagne :

d) si, dans le cas d'une fiancée,

(i) le répondant et la fiancée comptent vivre ensemble en permanence après le mariage et ne se sont pas fiancés principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada de la fiancée à titre de membre de la catégorie de la famille,


6. (1) Subject to subsections (1.1), (3.1), (3.2), (4), (5) and (6), where a member of the family class makes an application for an immigrant visa, a visa officer may issue an immigrant visa to the member and the member's accompanying dependants if

(d) in the case of a fiancée,

(i) the sponsor and the fiancée intend to reside together permanently after being married and have not become engaged primarily for the purpose of the fiancée gaining admission to Canada as a member of the family class,


                                                                * * * * * * * * * * * *

[7]         Le demandeur a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que son épouse ne s'est pas fiancée avec lui principalement dans le but d'obtenir l'admissibilité au Canada, sans avoir l'intention de vivre en permanence avec lui (Horbas c. Canada (M.E.I.), [1985] 2 C.F. 359 (1re inst.)). Il importe de noter qu'un appel à la SAI est un appel de novo (voir l'article 69.4 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2). Ainsi, la décision de la SAI est centrée sur l'appréciation des faits et la Cour, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire de cette décision, doit faire preuve d'une grande retenue (Lao c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 1908 (C.F. 1re inst.) (QL)); la Cour n'interviendra que lorsque le demandeur peut démontrer que la décision du tribunal est manifestement déraisonnable (Tran c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 1703 (C.F. 1re inst.), et Khangura c. Canada (M.C.I.) (2000), 191 F.T.R. 311).


[8]         Le demandeur soumet que la SAI a commis une violation des règles de justice naturelle en adoptant la décision de l'agent des visas, et ce, sans considération de nouveaux éléments de preuve. Le demandeur soulève notamment que la SAI n'a aucunement pris en considération le fait que le demandeur est allé au Vietnam et qu'il a épousé la requérante en mai 2002. Une révision des notes sténographiques de l'audience révèle au contraire que la SAI a bien tenu compte du mariage survenu suite à la décision de l'agent, mais qu'elle a toutefois conclu que le mariage ntait pas de bonne foi (voir les notes sténographiques de l'audience aux pages 219, 220 et 255 du dossier du tribunal). Le demandeur a aussi soumis que la SAI a erré en ne tenant pas compte des coutumes et des traditions vietnamiennes en ce qui concerne les fiançailles. Plus particulièrement, le demandeur a soumis que selon ces coutumes, on ne compte pas le nombre d'invités à la cérémonie et que la SAI a erré en retenant la contradiction entre les déclarations du demandeur et de la requérante au sujet du nombre d'invités à leurs fiançailles. Or, une lecture des motifs de la décision révèle que cette contradiction n'en était qu'une parmi d'autres et que malgré la coutume vietnamienne de ne pas compter les invités, une différence de 100 personnes a été considérée fort significative.

[9]         Le demandeur fait aussi valoir que la SAI a erréen concluant que la requérante n'est pas crédible parce qu'elle n'a pas mentionné qu'elle avait été incluse comme personne à charge de ses parents dans une demande antérieure d'immigration au Canada. Tel que le souligne le défendeur, je suis d'avis que le fait que la requérante ait été incluse comme personne à charge dans une demande précédente d'admission au Canada est un fait pertinent à lvaluation de ses intentions véritables. De plus, l'agent des visas souligne dans ses notes que la requérante lui a indiqué n'avoir jamais fait de demande antérieure pour immigrer au Canada; c'est seulement lorsque l'agent l'a confrontée directement qu'elle a finalement avoué avoir été incluse en tant que personne à charge dans une demande d'immigration de ses parents.


[10]       Finalement, le demandeur soumet que la SAI n'a pas tenu compte de la situation personnelle du demandeur et de la bonne foi évidente de son mariage avec la requérante. Toutefois, il appert du dossier que la SAI a évalué la preuve soumise ainsi que la situation du demandeur avant de tirer sa conclusion sur la bonne foi du mariage. Lors de l'audience, la SAI a indiqué à plusieurs reprises qu'elle doutait de cette bonne foi. De plus, les preuves déposées par le demandeur ont été évaluées par le tribunal qui a conclu qu'elles ntaient pas suffisantes pour démontrer que la relation entre le demandeur et la requérante était une relation soutenue.

[11]       La SAI est présumée avoir considéré toute la preuve avant de rendre sa décision, et ce, bien que les éléments de preuve ne soient pas tous cités dans les motifs (Florea c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) (QL)). Compte tenu des contradictions et incohérences entre le témoignage du demandeur et la déclaration de la requérante, la SAI pouvait raisonnablement conclure que les fiançailles et le mariage ntaient pas de bonne foi (Nagy c. Canada (M.E.I.), [1994] A.C.F. no 321 (C.F. 1re inst.) (QL)).

[12]       Pour toutes ces raisons, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 20 mai 2004


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-3863-03

INTITULÉ :                                                       NGAN VAN NGUYEN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 22 avril 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 20 mai 2004         

COMPARUTIONS :

Me Jean-François Fiset                                 POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Suzon Létourneau                                                 POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jean-François Fiset                                       POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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