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                                                                                                                                       T-1740‑94

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 4 AVRIL 1997

EN PRÉSENCE DU JUGE NOËL 

 

ENTRE :

 

                                                        155501 CANADA INC.

                                                                          et

                          THE PRUDENTIAL ASSURANCE COMPANY LIMITED,

 

                                                                                                                              demanderesses,

 

 

                                                                        - et -

 

 

                                                              AIR CANADA,

 

                                                                                                                                 défenderesse.

 

 

 

                                                             J U G E M E N T

 

 

 

       La défenderesse versera à 155501 Canada Inc. et à Prudential Assurance Company Canada Limited les sommes de 1 000 $ et de 20 364,30 $ respectivement, plus l'intérêt légal et l'indemnité additionnelle prévue (à l'article 1619 du Code civil du Québec) calculés à partir du 7 avril 1994.

 

       La défenderesse paiera aussi les dépens de l'action calculés conformément à la colonne III de la partie II du Tarif B.

 

 

Marc Noël

    Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                       T-1740‑94

 

ENTRE :

 

                                                        155501 CANADA INC.

                                                                          et

                          THE PRUDENTIAL ASSURANCE COMPANY LIMITED,

 

                                                                                                                              demanderesses,

 

 

                                                                        - et -

 

 

                                                              AIR CANADA,

 

                                                                                                                                 défenderesse.

 

 

 

                                                    MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

 

       Les demanderesses 155501 Canada Inc. et Prudential Assurance Company Limited sont respectivement le propriétaire et l'assureur d'une cargaison faisant l'objet de la présente action. La cargaison en question est une presse à cintrer Gamma qui a été livrée en mauvais état par la défenderesse à sa propriétaire à l'aéroport de Mirabel. Les demanderesses ont intenté une action en dommages‑intérêts qu'elles estiment à 21 364,30 $[1].

 

LA POSITION DES PARTIES

 

       Au soutien de l'action, les demanderesses allèguent que la machine a été livrée en bon état à la défenderesse, à Milan (Italie), pour être expédiée par avion à Mirabel. Elles invoquent le bordereau d'expédition aérienne et affirment que la défenderesse a manqué à son obligation contractuelle de livrer la machine en bon état. De plus ou subsidiairement, elles prétendent que la perte a été causée par la négligence des préposés de la défenderesse au cours de la manutention de la cargaison au sol, à Mirabel.

 

       La défenderesse nie toute responsabilité et soutient qu'elle a pris toutes les mesures raisonnables pour la manutention de la cargaison et que les dommages sont le résultat d'un [TRADUCTION] « mauvais emballage ». Subsidiairement, elle conteste le calcul des dommages‑intérêts que les demanderesses cherchent à obtenir.

 

LES FAITS

 

       L'appareil en question est une presse à cintrer l'acier pesant environ 3 200 kilos. Dans le modèle standard, la partie inférieure est rectangulaire et la partie supérieure a la forme d'un triangle équarri  et des cylindres sortent de la paroi avant et de la paroi supérieure. L'appareil mesure 101 cm x 73 cm x 127 cm sans les projections cylindriques et pèse 2 600 kilos.

 

       L'appareil en question est une version adaptée du modèle standard fabriqué par Tauring S.P.A. en Italie. Il a été commandé par 155501 Canada Inc.[2] au nom d'une entreprise du Venezuela et a été spécialement adapté pour cintrer des poutres d'acier d'une dimension donnée devant servir à la construction d'un tunnel. À cette fin, l'appareil a été notamment équipé d'un cylindre hydraulique additionnel et d'un moteur plus puissant. Son poids a été augmenté d'environ 500 kilos. M. Barer qui a témoigné au nom des demanderesses a expliqué la nature et le but de ces modifications. Son témoignage et les photographies prises après l'accident indiquent que, malgré ces changements, l'apparence fondamentale de l'appareil est demeurée essentiellement la même.

 

       L'appareil a été expédié de son lieu de fabrication, c'est-à-dire Torino (Italie), à Milan où il a été livré à la défenderesse. Il a été emballé à Torino pour être expédié par voie maritime, car c'était le mode de transport qui avait été choisi à l'origine. Toutefois, comme il y avait eu retard dans la fabrication de l'appareil, 155501 Canada Inc. a décidé de l'expédier par voie aérienne afin d'accélérer la livraison.

 

       L'appareil a été placé dans une caisse en bois mesurant 8'11" x 6'3" x 6'9". Une fois dans la caisse, l'appareil pesait 3 728 kilos. Le plancher de la caisse était fait de planches de bois mou sous lesquelles 4 morceaux de bois 4" x 4" ont été fixés longitudinalement. Les parois et le couvercle de la caisse étaient faits de planches plus légères mais aussi solides, placées côte à côte. Quatre fers d'angle ont été boulonnés au fond de la caisse pour y fixer l'appareil.

 

       Les deux faces des fers d'angle mesuraient environ 3" par 2". Ils ont été boulonnés aux côtés de l'appareil et aux planches du plancher de la caisse. Les boulons ayant servi à fixer l'appareil aux planches du fond mesuraient 3" ou 4" et avaient 1/2" de diamètre. Les têtes des boulons avaient un diamètre d'environ 1 1/2" et étaient vissées de l'extérieur dans les planches du fond de la caisse. Les boulons étaient fixés aux fers d'angle par un écrou et une rondelle.

 

       Une fois livrée à la défenderesse, la caisse a été placée sur une palette conçue et utilisée spécialement pour le transport aérien. La palette en question pesait 185 livres. Elle avait 125" de long et 88" de large. Ces palettes sont fabriquées d'acier et d'aluminium et elles sont particulièrement rigides malgré leur minceur. La caisse a été fixée sur la palette à l'aide de quatre lanières équidistantes passant sous la partie inférieure de la palette et au‑dessus de la caisse, latéralement et longitudinalement.

 

       Lorsque la caisse a été débarquée à Mirabel, aucun dommage n'était visible. Elle a été placée sur un chariot ATCO pour être transportée à l'entrepôt. Ce chariot avait des dimensions à peu près égales à celles de la palette de métal sur laquelle reposait la caisse. Il était équipé de roues rotatives sur le haut. À l'aide de ces roues, la palette métallique et les marchandises qui s'y trouvent peuvent être chargées sur le chariot ou déchargées dans n'importe quelle direction par une poussée latérale. Lorsqu'il est en mouvement, le chariot est équipé de panneaux latéraux qui, une fois relevés, permettent de maintenir solidement la charge qui s'y trouve.

 

       Le chariot sur lequel la caisse a été chargée a été amené à l'entrepôt par un tracteur. Il a ensuite été amené près d'un palettiseur roulant (le palettiseur) afin que la caisse y soit déchargée et ensuite transportée à sa place d'entreposage jusqu'au moment de la livraison. Le palettiseur se trouvait à une hauteur égale à celle du chariot (environ 18") et consistait en une série de rouleaux parallèles d'environ 8" de diamètre et d'une longueur d'environ 125". Une fois placée sur le palettiseur, la caisse se déplace par suite de la rotation des rouleaux motorisés.

 

       Les deux préposés qui ont manoeuvré la caisse en question ont été cités à comparaître par la défenderesse. Ils ont expliqué qu'en conformité avec les pratiques normalement suivies, ils ont utilisé les fourches avant d'un chargeur pour faire passer la caisse du chariot au palettiseur. Toutefois, pour une raison ou une autre, les rouleaux motorisés ont cessé de fonctionner avant que la caisse n'ait été complètement enlevée du chariot. Comme à ce moment‑là les fourches du chargeur ne pouvaient plus atteindre la caisse, il a été décidé d'enlever le chariot d'en‑dessous de la caisse afin de permettre aux fourches du chargeur d'atteindre et de pousser la partie de la caisse qui était encore sur le chariot pour la faire passer sur le palettiseur.

 

       D'après les deux employés, une partie de la caisse mesurant environ 12" était encore sur le chariot lorsque les rouleaux ont cessé de fonctionner. De plus, il y avait un espace d'environ 6" entre le chariot et le palettiseur et, par suite du retrait du chariot, une partie de la caisse mesurant environ 18" se serait retrouvée en porte-à-faux au-dessus du bord du palettiseur. Les deux employés ont déclaré dans leur témoignage que la caisse était tombée sur le plancher lorsque le chariot avait été retiré.

 

       La paroi de la caisse qui a heurté le sol a été brisée et les marques de l'impact sur la partie exposée de l'appareil étaient facilement visibles. L'évaluateur qui a vu l'appareil au nom de la défenderesse a tout d'abord estimé le montant des dommages à environ 50 000 $. Toutefois, les dommages se sont révélés beaucoup moins importants.

 

       L'appareil a été livré à 155501 Canada Inc. dans les locaux de Barer Engineering Co., à Montréal, et M. Barer et d'autres employés se sont chargés de le remettre dans son état original. Les pièces requises ont été commandées en Italie et l'appareil a été rapidement réparé, les coûts s'élevant à 20 519,30 $, y compris le coût de la main‑d'oeuvre. L'appareil a ensuite été livré au Venezuela à l'entreprise pour laquelle il avait été fabriqué.

 

       Les évaluateurs auxquels ont fait appel la défenderesse et 155501 Canada Inc. pour évaluer les dommages ont conclu à la même catégorie de dommages. Ils ont constaté que 3 des 4 ancres métalliques servant à fixer l'appareil à la caisse s'étaient rompues. Ils ont aussi constaté que sous l'impact, les têtes des boulons qui fixaient les ancres à la caisse avaient traversé le bois latéralement, y laissant un trou égal à la taille des têtes des boulons. Enfin, les deux ont indiqué que ces trous étaient le résultat des forces qui avaient été exercées sur les ancres métalliques et sur les boulons au moment où la caisse était tombée sur le sol.

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

       Au soutien de leur demande de dommages‑intérêts, les demanderesses invoquent la Loi sur le transport aérien[3] et la Convention de Varsovie qui est incorporée par cette loi au droit canadien. Les articles suivants de la Convention sont cités parce qu'ils sont pertinents pour le présent litige :

18(1)                Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés ou de marchandises lorsque l'événement qui a causé le dommage s'est produit pendant le transport aérien.

  (2)   Le transport aérien, au sens de l'alinéa précédent, comprend la période pendant laquelle les bagages ou marchandises se trouvent sous la garde du transporteur, que ce soit dans un aérodrome ou à bord d'un aéronef ou dans un lieu quelconque en cas d'atterrissage en dehors d'un aérodrome.

 

20(1)                Le transporteur n'est pas responsable s'il prouve que lui et ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou qu'il leur était impossible de les prendre.

 

21     Dans le cas où le transporteur fait la preuve que la faute de la personne lésée a causé le dommage ou y a contribué, le tribunal pourra, conformément aux dispositions de sa propre loi, écarter ou atténuer la responsabilité du transporteur.

 

       D'après les demanderesses, l'article 18 de la Convention impose au transporteur une obligation de responsabilité stricte à l'égard des marchandises endommagées au cours du transport, que le dommage se produise dans un aérodrome ou à bord d'un aéronef. En l'espèce, les demanderesses font valoir qu'étant donné que l'appareil a été livré en bon état à la défenderesse et qu'il était endommagé lorsqu'il a été remis, les dommages ont obligatoirement été causés pendant que l'appareil était entre les mains de la défenderesse. Elles ajoutent que, de toute façon, la preuve a démontré que les dommages ont été causés par une mauvaise manutention de l'appareil au sol, à Mirabel. L'avis d'expert de Clifford Parfett a été produit au soutien de cette prétention. Dans son rapport aux assureurs, M. Parfett conclut que l'appareil était en bon état lorsqu'il a été débarqué de l'avion à Mirabel, mais qu'il a par la suite été endommagé au cours de sa manutention à l'entrepôt.

 

       La défenderesse s'oppose à la réclamation en soutenant que l'appareil avait été mal emballé dans la caisse. Elle soutient que l'appareil avait été mal ancré à la caisse. Elle allègue qu'au moment où il a été débarqué de l'avion, l'appareil s'était déjà déplacé dans la caisse et que deux angles avaient été tordus. Elle prétend aussi qu'étant donné que le poids de l'appareil était mal réparti, il aurait dû y avoir sur la caisse des inscriptions indiquant que la cargaison était [TRADUCTION] « mal équilibrée ».

 

       L'avis d'expert de Michael Brown a été produit au soutien de la position de la défenderesse. Dans son rapport, M. Brown a donné l'avis suivant au sujet de la cause de l'accident :

[TRADUCTION] Même si cet appareil a été emballé dans une caisse suffisamment solide et ayant les dimensions requises, à notre avis, il n'a pas été correctement ancré à la base de son conteneur. L'utilisation d'angles en L fragiles et de petits boulons s'est révélée complètement inefficace vu les dimensions et le poids exceptionnels de cet appareil.

 

Des tasseaux de bois solides de même que des chaînes et d'autres dispositifs de retenue adaptés à une charge aussi lourde auraient dû être installés dans le plancher de la caisse.

 

Nous pensons que l'appareil a été mal fixé au plancher de la caisse en Italie et qu'en raison des mouvements et des vibrations résultant du transport de l'Italie jusqu'à Mirabel, notamment au cours du transport par camion, par avion et par chariot au sol, l'appareil s'est graduellement détaché de son ancrage dans la caisse et s'est appuyé contre la paroi avant. Nous voyons que la palette est déformée de façon prononcée et cette situation devait exister dans une certaine mesure lorsque vous avez pris possession de l'article au départ en Italie.

 

Lorsque l'appareil est finalement arrivé à Mirabel et qu'il a été débarqué sur le palettiseur, il n'a pas pu y entrer parce que la palette était déformée. Comme l'appareil s'était détaché de ses ancrages et appuyait désormais de tout son poids sur l'avant de la caisse, il a suffi d'un simple déplacement d'un pied environ pour qu'il bascule et s'écrase sur le sol.

 

       Je souligne pour commencer que l'un des faits essentiels sous‑tendant l'avis fourni par M. Brown n'est pas étayé par la preuve produite par la défenderesse au cours de l'audience. Selon M. Brown, c'est parce que la palette était déformée que le palettiseur a cessé de rouler. Ni M. Baribeau ni M. Deschamps, qui se sont occupés de la manutention de la cargaison au sol à Mirabel, n'ont déclaré dans leur témoignage que la palette sur laquelle reposait la caisse était déformée de quelque manière que ce soit. M. Baribeau a confirmé qu'il avait examiné la caisse et la palette sur laquelle elle reposait et que tout semblait normal.

 

       De plus, dans sa reconstitution des faits, M. Brown a affirmé que lorsque les rouleaux du palettiseur ont cessé de fonctionner, l'un des deux préposés a vérifié attentivement la position exacte de la palette sur les rouleaux pour déterminer ce qu'il convenait de faire. Si le mauvais fonctionnement du palettiseur avait été véritablement causé par le fait que la palette était déformée comme en était d'avis M. Brown, les préposés qui avaient tous les deux une longue expérience de la manutention du fret aérien et connaissaient depuis des années l'utilisation du système de palettiseur auraient pu facilement le constater.

 

       La forme des trous de boulons que l'on a trouvés dans le plancher de la caisse annule l'avis de M. Brown suivant lequel les divers mouvements et vibrations auxquels a été soumis l'appareil pendant le transport auraient amené les ancres métalliques à se desserrer. D'après la preuve, les quatre boulons qui ont été utilisés pour fixer les angles au plancher de la caisse ont été trouvés intacts, sans signe visible de torsion. Les écrous et les rondelles étaient aussi en bon état.

 

       La présence de trous dans le plancher de la caisse était tout à fait compatible avec l'impact des têtes de boulons sur le bois ayant résulté de la chute de la caisse sur le plancher[4]. Elle n'étaye pas la théorie de M. Brown voulant que les boulons se seraient progressivement desserrés par suite des tractions multidirectionnelles habituellement exercées au cours du transport aérien. Me fondant sur mon examen de la preuve, je rejette l'avis de M. Brown et je conclus, comme l'a fait M. Parfett, que la caisse est arrivée en bon état à Mirabel, l'appareil étant encore fixé à ses ancrages.

 

       Il ne fait aucun doute que l'appareil avait une forme particulière et que son centre de gravité était quelque peu déplacé. Je souligne à cet égard que les spécifications relatives au modèle standard  indiquent que la partie avant de l'appareil où se trouvent les cintreuses est la partie la plus lourde. Ces instructions indiquent que l'appareil peut aussi fonctionner à l'envers, les cintreuses se trouvant sur le dessus de l'appareil. D'après les photographies qui ont été prises après l'accident à Mirabel, il semble que ce soit la position dans laquelle l'appareil a été emballé. Les instructions précisent en outre que l'appareil peut fonctionner sans qu'il ne soit nécessaire de l'installer sur un socle ou de le fixer au sol; étant donné que ces appareils sont destinés à cintrer de lourdes poutres d'acier, il est évident que même si la partie avant est plus lourde, leur degré de stabilité inhérente est néanmoins très élevé.

 

       L'appareil en question était un modèle adapté qui pesait environ 500 kilos de plus que le modèle standard. Le témoignage de M. Barer et les photographies prises à Mirabel indiquent néanmoins que l'apparence fondamentale de l'appareil était essentiellement la même que celle du modèle standard.

 

       La preuve indique que l'appareil entrait juste bien dans la caisse. La largeur de la caisse était de 88". D'après le témoignage des deux préposés, une partie de la caisse mesurant 70" avait été transférée du chariot au palettiseur lorsque le chariot a été retiré de dessous la caisse et que celle‑ci est tombée sur le plancher. Cela voudrait dire que le centre de gravité de l'appareil se trouvait dans la partie de la caisse mesurant 18" qui se trouvait en porte‑à‑faux sur le palettiseur.

 

       Évidemment, cela aurait rendu l'appareil et la caisse dans laquelle il se trouvait très instables. Le centre de gravité se serait trouvé vers son bord extérieur dans 20 pour 100 de son volume. Si le centre de gravité de la caisse était aussi déplacé que la défenderesse l'indique, il est difficile de concevoir comment l'appareil aurait pu résister aux mouvements inhérents au transport aérien de son point d'expédition jusqu'à Mirabel.

 

       Il est préférable de considérer que la partie de la caisse qui, au moment de l'accident, surplombait le palettiseur était un peu plus large que ce que les employés de la défenderesse peuvent se rappeler. Aucune mesure n'a été faite à cet égard, les deux préposés ayant tout simplement donné une estimation à partir de leurs souvenirs de l'événement. La caisse dépassait‑elle de 18" comme M. Baribeau l'a indiqué ou de 12 à 18" comme l'a dit M. Deschamps, ou encore [TRADUCTION] « d'environ deux pieds » comme l'a inscrit M. Brown dans sa reconstitution de l'accident, ou la caisse aurait-elle pu dépasser encore plus du chariot?

 

       Je n'ai pas à tirer de conclusion précise à cet égard. Il suffit de dire que, compte tenu de la preuve, je ne crois pas que la caisse aurait pu tomber de la manière décrite par les préposés si elle n'avait dépassé que de 12" ou 18" comme ils l'ont affirmé en se fondant sur leurs souvenirs sans aucun doute honnêtes mais néanmoins subjectifs de l'incident. Compte tenu des faits dont j'ai été saisi, il est évident que l'appareil était fixé dans sa caisse au moment de l'accident et qu'il avait un degré raisonnable de stabilité inhérente. Il s'ensuit qu'il fallait, au moment de l'accident, que la partie de la caisse qui dépassait du chariot soit plus large que ne s'en rappellent les proposés et que ces derniers avaient fait preuve d'un certain degré de témérité en décidant d'enlever le chariot d'en‑dessous de la caisse.

 

       Je conclus, par conséquent, que la défenderesse n'a pas réussi à démontrer que les dommages n'étaient pas attribuables aux actes fautifs de ses préposés ou n'en résultaient pas.

 

       La défenderesse conteste aussi le calcul des dommages‑intérêts sollicités. Plus particulièrement, elle est d'avis que 155501 Canada Inc. n'a pas prouvé les coûts de main‑d'oeuvre qu'a nécessités la répartition de l'appareil.

 

       Les coûts de main‑d'oeuvre s'élevaient à 15 800 $, soit 95 heures au taux de 40 $ de l'heure pour les travaux mécaniques et 220 heures au taux de 55 $ l'heure pour les travaux hydrauliques et électriques. M. Barer qui a surveillé les réparations a indiqué que les heures avaient été inscrites par les employés, mais il a été incapable de produire ces registres. La défenderesse me demande d'en conclure que les coûts de main‑d'oeuvre réclamés par les demanderesses n'ont pas été suffisamment démontrés.

 

       Le témoignage de M. Barer n'était pas le seul dont avait été saisie la Cour sur ce point. M. Parfett qui agissait pour les assureurs a déclaré dans son témoignage qu'il avait examiné la manière dont les heures avaient été calculées. Avant d'approuver la réclamation, il a écrit ce qui suit à Barer Engineering Co. :

 

[TRADUCTION] Quant à votre réclamation pour le coût de la main‑d'oeuvre pour 95 heures de travaux mécaniques et 220 heures de travaux hydrauliques et électriques, j'aimerais avoir d'autres données. J'aimerais soit vous rencontrer pour discuter de ces sommes soit recevoir de vous une preuve documentaire indiquant qui a fait ce travail, quand et quels sont les travaux qui ont été effectués, sur une base quotidienne[5].

 

       M. Parfett a ajouté qu'après avoir écrit cette lettre, il s'est lui‑même assuré que la somme réclamée pour les coûts de main‑d'oeuvre était justifiée. Il a par la suite autorisé le paiement du produit de l'assurance.

 

       M. Parfett n'avait aucune raison d'autoriser le paiement du produit de l'assurance à moins d'être tout à fait convaincu que la somme réclamée était justifiée. Rien n'indique que cette somme était déraisonnable ou exagérée vu l'étendue des dommages qui a été confirmée par les deux évaluateurs. Par conséquent, je rejette la prétention que la somme réclamée à titre de dommages‑intérêts n'a pas été prouvée.

 

       Jugement est donc rendu en faveur des demanderesses en conformité avec leur demande de réparation qui a été modifiée au cours de l'audience. Il est par conséquent ordonné à la défenderesse de payer à 155501 Canada Inc. et à Prudential Assurance Company Limited les sommes de 1 000 $ et de 20 364,30 $ respectivement, plus l'intérêt légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec calculés à partir du 7 avril 1994. La défenderesse doit aussi payer les dépens de la présente action.

 

 

 

 

 

 

    Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

4 avril 1997

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 


                                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                         SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

 

 

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE:T‑1740‑94

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE:155501 CANADA INC. ET AL. c.

AIR CANADA

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE:MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE:11 et 12 MARS 1997

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT du juge Noël en date du 4 avril 1997

 

 

 

 

 

 

ONT COMPARU:

 

 

ANDREW NESS &POUR LES DEMANDERESSES

CAROLINE JACQUES

 

 

LOUISE‑HÉLÈNE SÉNÉCALPOUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

 

 

SPROULE, CASTONGUAY, POLLACKPOUR LES DEMANDERESSES

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

 

 

AIR CANADA - AFFAIRES JURIDIQUESPOUR LA DÉFENDERESSE

DORVAL (QUÉBEC)



    [1]À la suite d'une requête présentée à l'audience afin d'obtenir la modification de la déclaration, des frais d'expert s'élevant à 845 $ ont été ajoutés à la somme originale réclamée. L'assureur auquel tous les droits à la réclamation ont été subrogés réclame la somme de 20 364,30 $ et le propriétaire réclame la somme de 1 000 $, soit le montant de la franchise aux termes de la police d'assurance.

    [2]155501 Canada Inc. fait affaire sous le nom de Barer Engineering Co.

    [3]L.R., ch. C‑14.

    [4]M. Brown l'a lui‑même reconnu au cours de son témoignage.

    [5]Lettre de Clifford Parfett, datée du 20 janvier 1994, pièce P‑4.

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