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Date :    20040713

Dossier :    IMM-8626-03

Référence :    2004 CF 981

Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD                                

ENTRE :

                                                                    ASIF KHAN

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire par laquelle le demandeur sollicite un bref de mandamus forçant le défendeur à traiter sa demande du statut de résident permanent et de lui accorder ce statut. Le demandeur sollicite également que des délais soient imposés au défendeur pour toutes les enquêtes.


LES FAITS

[2]                Les faits de l'affaire sont simples. Le demandeur est un citoyen du Pakistan demandant le statut de résident permanent au Canada. Le 7 juin 1996, il a demandé que le statut de résident permanent lui soit attribué pour des raisons d'ordre humanitaire. Le 9 décembre 1998, le défendeur a avisé le demandeur qu'un représentant du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) avait décidé qu'il y avait des raisons d'ordre humanitaire suffisantes pour exempter le demandeur de l'exigence du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi). Dans la même lettre, le défendeur avisait également le demandeur que cette décision ne le déchargeait pas de l'obligation de satisfaire aux autres exigences de la Loi telles que celles en matière de santé et de sécurité, la possession d'un passeport et la prise de dispositions quant à un soutien au Canada. Le demandeur a été informé que le défaut de satisfaire à ces exigences pourrait entraîner le rejet de sa demande, nonobstant l'exemption qui lui était accordée. Le demandeur attend toujours une décision sur sa demande.

[3]                Le 4 octobre 1999, le demandeur a été reçu en entrevue par le SCRS et, par lettres en date du 6 avril 2000, le défendeur a adressé deux demandes au demandeur. La première lettre informait le demandeur que le traitement de sa demande du statut de résident permanent ne pouvait pas être fait avant qu'il ait fourni une photocopie d'un passeport valide, celui qu'il avait ayant expiré. La seconde lettre portant la même date demandait que le demandeur fournisse une vérification du casier judiciaire et un certificat de police du Pakistan et lui demandait aussi de se présenter à un poste local de la GRC pour faire prendre ses empreintes digitales.


[4]                La preuve montre que le demandeur s'est rapidement plié à ces exigences. En dépit des demandes répétées faites par le demandeur pour qu'une décision soit prise ou pour savoir où en était le traitement de sa demande, il n'a reçu aucune réponse avant le 23 décembre 2003.

[5]                Le 23 décembre 2003, le demandeur a été informé par l'Agence des services frontaliers du Canada qu'il se pourrait qu'il soit interdit de territoire au Canada pour des raisons de sécurité en vertu du paragraphe 34(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Citoyenneté et Immigration Canada lui a également envoyé une lettre en date du 26 février 2004 lui disant la même chose. Le demandeur a fait l'objet d'un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR. Une enquête était prévue pour le 3 juin 2004, mais elle a été reportée au 10 août 2004 à la demande du demandeur.

[6]                À l'audience, l'avocat du ministre n'a donné aucune explication quant au retard dans le traitement de la demande. Il n'a pas expliqué non plus pourquoi le dossier de la demande n'avait pas avancé après la réception des renseignements et des documents demandés par les lettres du 6 avril 2000.


LA QUESTION EN LITIGE

[7]                La présente demande pose la question de savoir si le défendeur a indûment retardé le traitement de la demande en cause à un tel point que la Cour devrait délivrer un bref de mandamus pour le forcer d'en terminer le traitement.

LA POSITION DES PARTIES

[8]                Le demandeur affirme qu'il a coopéré avec le défendeur en tout temps et qu'il s'est plié à toutes les demandes qui lui ont été adressées. Il a de manière répétée demandé où on en était dans le traitement de sa demande et il n'a toujours pas reçu une décision du défendeur. Il soutient que le retard déraisonnable dans le traitement de sa demande équivaut à un refus de rendre une décision. Le demandeur soutient également que le défendeur est de mauvaise foi et qu'il essaie de se soustraire à la juridiction de la Cour en déposant le rapport et le renvoi prévus par l'article 44 et en obtenant la tenue d'une enquête un mois avant l'audition de sa demande par la Cour. Le demandeur soutient que le rejet de sa demande maintenant aurait pour résultat que le défendeur pourrait éviter le bref de mandamus simplement en ayant engagé une procédure d'interdiction de territoire contre lui devant la Section de l'immigration et en prétendant ainsi que le traitement du dossier avance.


[9]                Le défendeur soutient que la Cour ne peut pas dicter par voie de mandamus une décision qui dépend d'un pouvoir discrétionnaire. Il soutient également que le demandeur était au courant que sa demande du statut de résident permanent était assujettie aux autres exigences imposées par la loi en matière d'admissibilité, dont l'une d'elles a trait à la sécurité. Le défendeur affirme que le traitement en est précisément à cette question de la sécurité. Il ajoute qu'aucune décision finale n'a encore été prise concernant la demande en cause mais que le traitement du dossier avance. Il ne s'agit donc pas d'un refus implicite. Le défendeur affirme enfin que le demandeur ne devrait pas se plaindre que le traitement de son dossier avance, puisque c'est précisément le résultat qu'il recherchait en s'adressant à la Cour.

ANALYSE

[10]            Il est accepté que la Cour puisse délivrer un bref de mandamus pour forcer l'exécution d'une obligation légale. La jurisprudence de la Cour établit également qu'un retard déraisonnable dans l'exécution d'une telle obligation peut justifier la délivrance d'un bref de mandamus. Il y a un tel retard lorsque le temps écoulé est plus long que ce que la nature des choses exige. Le demandeur ne doit pas avoir provoqué le retard et on ne lui a fourni aucune justification valable pour le retard [voir Conille c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. 33].

[11]            Le défendeur ne conteste pas qu'il a une obligation légale à remplir, soit rendre une décision sur la demande du statut de résident permanent que le demandeur lui a présentée. Il est également évident que le demandeur ne peut pas être tenu responsable pour le long retard. En outre, le défendeur n'a fourni aucune explication précise du retard et allègue simplement que l'affaire progresse.

[12]            Le retard inexpliqué du ministre, de cinq années depuis le moment où il a accordé l'exemption, et de plus de quatre ans depuis sa demande de renseignements et de documents supplémentaires, laisse perplexe. Cependant, à partir de la preuve que j'ai devant moi, je ne peux pas conclure que le retard est excessif ou hors de proportion compte tenu de la nature du processus. Pour les motifs qui suivent, je refuse d'accorder la réparation extraordinaire demandée.

[13]            La réparation que cherche à obtenir le demandeur en l'espèce est de forcer le ministre à rendre une décision. La preuve montre que le dossier avance, bien que ce soit à un rythme très lent. Un rapport de sécurité a été préparé et une enquête devant déterminer s'il y a des raisons de sécurité qui justifient d'interdire de territoire le demandeur a été fixée au 10 août 2004. Cette enquête par la Section de l'immigration doit avoir lieu avant que le ministre puisse rendre une décision.

[14]            Il est difficile d'estimer ce qui serait un laps de temps raisonnable à l'intérieur duquel le ministre devrait rendre sa décision. Les deux parties ont le droit de demander le contrôle judiciaire de la décision qui sera rendue par la Section de l'immigration et il peut y avoir d'autres facteurs qui provoqueront d'autres retards. Il est donc difficile pour la Cour d'imposer, avec quelque rigueur et réalisme que ce soit, une date limite pour la décision discrétionnaire du ministre.

[15]            La présentation de la demande de contrôle judiciaire a eu l'effet désiré : le traitement de la demande du statut de résident permanent avance et une enquête est déjà prévue. L'avocat du défendeur m'a affirmé que le ministre devrait pouvoir rendre une décision dans un délai de quelques semaines après que la Section de l'immigration aura rendu la sienne. Je ne peux qu'exprimer le regret qu'il ait fallu que le demandeur présente une demande de contrôle judiciaire pour que les choses avancent.

[16]            Pour ces motifs, la demande sera rejetée.

[17]            Les parties ont eu l'occasion de proposer une question grave de portée générale selon les termes de l'alinéa 74d) de la LIPR, mais elles ne l'ont pas fait. Je ne suis pas disposé à certifier une telle question.

                                                                             


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                       « Edmond P. Blanchard                 

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-8626-03

INTITULÉ :                                       ASIF KHAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 7 JUILLET 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE BLANCHARD

DATE DES MOTIFS :                     LE 13 JUILLET 2004

COMPARUTIONS :

Gerald G. Goldstein                                                                   POUR LE DEMANDEUR

Peter Bell                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barbeau, Evans & Goldstein                                                      POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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