Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                 Date : 20040610

                                                                                                                           Dossier : T-3007-93

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 842

ENTRE :

LE CHEF ABEL BOSUM, chef de la nation Crie Oujé-Bougoumou,

agissant pour son propre compte et pour le compte de tous les autres

membres de la nation Crie Oujé-Bougoumou, d'Oujé-Bougoumou (Québec)

                                                                             et

SAM BOSUM, KENNY MIANSCUM, LISA ST-PIERRE,

LOUISE NEEPOSH, FREDDY BOSUM et BELLA MIANSCUM,

conseillers de la nation Crie Oujé-Bougoumou,

qui sont tous d'Oujé-Bougoumou (Québec)

                                                                             et

LA NATION CRIE OUJÉ-BOUGOUMOU, la collectivité des Cris,

reconnue comme étant la nation Crie Oujé-Bougoumou

et comme étant la bande traditionnelle Crie Oujé-Bougoumou,

d'Oujé-Bougoumou (Québec)

                                                                                                                                        demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

édifices du Parlement, Ottawa (Ontario)

                                                                                                                                      défenderesse

                                                                             et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, représentant Sa Majesté la Reine du chef du Québec, Hôtel du Gouvernement, Québec (Québec)

                                                                                                                                         intervenant


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(Rendus oralement à l'audience à Montréal,

le mercredi 9 juin 1999)

LE JUGE HUGESSEN

[1]                Bien que cette action soit en cours depuis fort longtemps, rien ne s'est produit ces dernières années par suite de mon ordonnance de suspension de l'instance de novembre 1999. L'action a été suspendue jusqu'au règlement d'une action que j'ai décrite comme parallèle, présentée en Cour supérieure du Québec. Je crois maintenant savoir que cette instance a fait l'objet d'un large règlement entre les demandeurs et le procureur général du Québec.

[2]                La requête dont je suis saisi aujourd'hui vise trois objectifs, suite au règlement intervenu.

[3]                Le premier objectif est d'obtenir la levée de la suspension d'instance que j'ai ordonnée en 1999. Le second vise à convertir la présente action, introduite en vertu de l'ancienne règle 114 (texte qui a été abrogé). La requête demande que l'action soit convertie en recours collectif et, bien sûr, le moment venu il faudra présenter une requête additionnelle pour faire autoriser l'action comme recours collectif au nom du demandeur principal, qui est le même depuis le début. Le troisième objectif vise la modification et la consolidation de la déclaration, telle que présentée à l'origine.


[4]                Il n'y a pas de querelle au sujet des deux premiers objectifs. Une partie importante des modifications proposées ont pour objet de retirer les allégations visant le Québec et de ne les maintenir que vis-à-vis du Canada. S'agissant du deuxième objectif dont j'ai fait état, comme les nouvelles règles visant les recours collectifs sont maintenant en vigueur, on ne peut contester que si cette action doit être maintenue il y a lieu de la modifier pour qu'elle puisse se transformer en recours collectif. Ce n'est que certaines des modifications proposées à la substance même de la déclaration qui donnent lieu à controverse et je vais maintenant en traiter.

[5]                La politique générale des Règles de la Cour fédérale (1998) va dans le sens de favoriser le droit d'une partie de modifier ses actes de procédure. Sous réserve seulement de la protection des droits des autres parties, les articles 75 et 201 des Règles autorisent les modifications d'une déclaration même si celle-ci ajoute une nouvelle cause d'action, à condition que cette nouvelle cause d'action naisse de faits qui sont essentiellement les mêmes que ceux invoqués à l'origine. Si l'objectif de la modification est d'ajouter de nouvelles allégations de fait, une autre question peut se poser étant donné la possibilité qu'on puisse soulever la prescription quant à toute réclamation fondée sur les nouvelles allégations de fait. Le procureur général du Canada fonde en partie son objection aux modifications proposées sur cette possibilité. Bien sûr, si une cause d'action est prescrite et qu'on l'ajoute à une action existante par voie de modification, il existe alors un risque réel de causer un préjudice à la partie adverse, ce que je me dois d'éviter. Mais, comme je l'ai dit, les règles autorisent l'introduction d'une nouvelle cause d'action s'il est clair que l'essentiel des faits qui fondent la nouvelle cause d'action se trouvait dès le début dans les actes de procédure.


[6]                Il est pertinent de souligner ici que cette action en est toujours aux étapes préliminaires, nonobstant le fait qu'elle a été introduite il y a fort longtemps. La déclaration a été déposée. Le procureur général du Canada, défendeur, a présenté une requête pour détails et il a reçu une réponse. La défense a été déposée par la suite et ce n'est que très peu de temps après, en 1999, que j'ai rendu l'ordonnance de suspension et que l'action s'est arrêtée brusquement. Il n'y a pas eu d'interrogatoires.


[7]                S'agissant des trois aspects des modifications auxquelles le procureur général apporte des objections, savoir les déplacements forcés de certains membres de la nation demanderesse, le fait que la Couronne ne leur a pas accordé le bénéfice de ses programmes et services et la pollution et la contamination des eaux nécessaires à leur subsistance, elles sont toutes fondées sur les allégations que l'on trouve dans la réponse à la demande de détails. À l'époque, personne ne s'est objecté à cette réponse et la Couronne n'a pas présenté de requête pour la faire radier. Maintenant, l'avocat du procureur général m'indique que ces détails vont beaucoup plus loin que la déclaration d'origine. C'est peut-être le cas, mais comme on ne s'y est pas objecté ils font partie des actes de procédure en l'instance. Selon moi, il est incontestable que lorsque des détails sont fournis dans une action, spécialement lorsque, comme en instance, ils font suite à une ordonnance de la Cour, ils deviennent partie des actes de procédure dans l'action. On ne peut pas se limiter à la déclaration et ne faire aucun cas des détails fournis à son sujet. Si le procureur général avait des motifs de contester la légalité ou la pertinence des détails fournis en 1998, il avait le devoir à ce moment-là de présenter une requête pour les faire radier. Comme il ne l'a pas fait et qu'on doit donc considérer qu'ils font partie de la réclamation, selon moi les trois questions que j'ai mentionnées peuvent tout à fait être matière à modification.

[8]                Il est vrai que la déclaration modifiée proposée maintenant comprend plus d'allégations de fait, mais elles sont toutes liées aux questions générales mentionnées dans la déclaration d'origine et aux détails fournis à son sujet, et le fait d'accepter les modifications ne causerait pas de préjudice au procureur général. Les critères établis à l'article 201 des Règles sont satisfaits.

[9]                S'agissant des objections à la quatrième proposition de modifications, la situation est un peu différente mais le résultat est le même. La nouvelle déclaration modifiée et consolidée présente comme un motif séparé le fait que la Couronne n'a pas constitué les demandeurs en bande et n'a pas créé de réserve pour eux. Bien que ce motif n'était pas spécifiquement mentionné dans la déclaration d'origine, il découle, selon moi, de la déclaration d'origine et en est une conséquence nécessaire. Il est impossible de lire la déclaration d'origine sans prendre conscience du fait que les demandeurs se plaignent de ne pas avoir reçu de reconnaissance comme nation autochtone séparée et le statut d'une bande et, par conséquent, qu'ils ne sont pas partie à la Convention de la Baie James signée en 1975.

[10]            Par conséquent, j'ai l'intention d'accueillir la requête. Il n'y aura pas d'ordonnance au sujet des dépens, puisque c'est toujours la partie qui demande une modification qui doit en assumer le coût. J'ai toutefois l'intention d'assortir le dépôt de la déclaration modifiée et consolidée à la réalisation de deux conditions.


[11]            La première est liée au fait qu'en décembre de l'an dernier, les demandeurs ont déposé en cette Cour une deuxième action contre le procureur général du Canada, action qui reprend, à toutes fins pratiques, toutes les allégations qu'ils cherchent à introduire dans leur déclaration modifiée. Selon moi, ce serait un abus des procédures de la Cour que d'autoriser le maintien de ces deux actions en parallèle. Par conséquent, mon autorisation de modifier est subordonnée au fait que les demandeurs se désistent, dans les dix jours, de l'action qu'ils ont intentée en cette Cour en décembre 2003.

[12]            La deuxième condition porte sur le fait que le défendeur a maintenant le droit de déposer une défense modifiée. Sous réserve d'un changement qui pourrait intervenir à une conférence de gestion de l'instance ultérieure, le défendeur a jusqu'au 3 août 2004 pour faire signifier et déposer sa défense. La deuxième condition à mon autorisation de modifier est donc que les demandeurs doivent, dans les 30 jours de cette dernière date, faire signifier et déposer une requête en vue de faire autoriser l'action comme recours collectif.

[13]            La présente espèce demeure une instance à gestion spéciale. Je convoquerai les parties, en temps et lieu, à une conférence de gestion d'instance.

« James K. Hugessen »

                                                                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    T-3007-93

INTITULÉ :                                                   LE CHEF ABEL BOSUM ET AUTRES

c. SA MAJESTÉ LA REINE ET AUTRES

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 9 JUIN 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                                  LE 10 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Nathan Richards                                                                        POUR LES DEMANDEURS

Anick Pelletier                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

René Bourassa                                                                          POUR L'INTERVENANT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

O'Reilly et associés                                                                   POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

Morris A. Rosenberg                                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Bernard Roy et associés                                                            POUR L'INTERVENANT

Montréal (Québec)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.