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Date: 19980108


Dossier: IMM-3130-95

ENTRE :

     YAU WOO SO,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L"IMMIGRATION,

    

     intimé.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]      Il s"agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle Lourdes Fernandez, agente d"immigration à l"Ambassade du Canada à México (Mexique), a rejeté, le 17 octobre 1995, la demande de résidence permanente au Canada déposée par le requérant invoquant la catégorie des entrepreneurs.

[2]      Le requérant est un résident de Hong Kong âgé de 44 ans qui a travaillé pour la Wing Lung Bank en tant que superviseur adjoint des comptes bancaires de juillet 1973 à mars 1994 et qui, depuis avril 1994, occupe le poste de superviseur du service des crédits. Dans le cadre de ce poste, le requérant a la responsabilité d"approuver les facilités de crédit accordées aux clients et de superviser le fonctionnement quotidien du service du crédit. Ce service emploie dix-sept personnes.

[3]      En outre, le requérant a dit à l"agente d"immigration qu"il avait une certaine expérience dans le domaine du textile, ayant travaillé dans l"entreprise familiale jusqu"au moment de la vente de celle-ci, alors qu"il avait dix-sept ans. Il a également travaillé à temps partiel, pendant une période de dix mois, pour une compagnie qui publiait une revue hebdomadaire.

[4]      En ce qui concerne son projet d"entreprise au Canada, le requérant, qui possède un capital net de 888 000 $CAN, a mentionné qu"il établirait un restaurant ou encore une entreprise d"exportation de fruits à Kamloops, en collaboration avec son frère. Il estime qu"un investissement de 100 000 à 150 000 $CAN suffirait pour acheter ou établir une entreprise viable employant au moins deux ou trois personnes.

[5]      Après avoir examiné le dossier du requérant, l"agente d"immigration a conclu qu"il ne ressortait pas de ses antécédents qu"il était en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion d"une entreprise, comme l"exige le paragraphe 2(1) du Règlement sur l"immigration de 1978 (le Règlement). L"agente d"immigration a principalement fondé sa conclusion sur son opinion selon laquelle le requérant n"avait pas participé à la gestion de la banque et qu"il n"avait donc agi qu"à titre d"employé et non d"entrepreneur.

[6]      Voici la définition du terme " entrepreneur " qui figure au paragraphe 2(1) du Règlement :

     " "entrepreneur" désigne un immigrant         
         a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et
         b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce; "

[7]      En outre, les alinéas 23.1(1)a) et b) prévoient :

     " 23.1 (1) Les entrepreneurs et les personnes à leur charge constituent une catégorie réglementaire d'immigrants à l'égard desquels il est obligatoire d'imposer les conditions suivantes au droit d'établissement :         
         a) dans un délai d'au plus deux ans après la date à laquelle le droit d'établissement lui est accordé, l'entrepreneur établit ou achète au Canada une entreprise ou un commerce, ou y investit une somme importante, de façon à contribuer d'une manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou un résident permanent, à l'exclusion de lui-même et des personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi;
         b) dans un délai d'au plus deux ans après la date à laquelle le droit d'établissement lui est accordé, l'entrepreneur participe activement et régulièrement à la gestion de l'entreprise ou du commerce visé à l'alinéa a); [...] "

[8]      Dans son affidavit, l"agente d"immigration a affirmé qu"elle avait conclu qu"il n"était pas [TRADUCTION] " directeur général de la banque ni directeur de l"une ou l"autres des succursales de celle-ci ". Elle a ajouté que [TRADUCTION] " compte tenu de ses antécédents en général, il ne possédait pas l"expérience requise pour exploiter une entreprise au Canada".

[9]      Le Règlement n"exige pas expressément que le requérant qui invoque la catégorie des entrepreneurs ait une expérience de l"exploitation ou de la gestion d"une entreprise. Aux termes du Règlement , un entrepreneur est un immigrant qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante et qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise.

[10]      En l"espèce, le requérant est en mesure d"investir de 100 000 à 200 000 $CAN dans une entreprise au Canada et il a l"intention de participer activement et régulièrement à la gestion de celle-ci. Par conséquent, la seule question à trancher est de savoir s"il est en mesure ou non de participer activement à la gestion de l"entreprise en cause. De toute évidence, le fait qu"il ait pu travailler jusqu"à l"âge de 17 ans dans l"entreprise familiale de textile n"indique pas qu"il possède effectivement cette compétence. Par ailleurs, les dix mois qu"il a passés à travailler à temps partiel pour une compagnie qui publiait une revue hebdomadaire ne constituent pas non plus un facteur auquel il convient d"accorder beaucoup d"importance. Cependant, le requérant n"est pas qu"un simple caissier de banque, selon son affidavit. Il supervise un personnel de 17 employés à sa succursale et il est responsable du fonctionnement quotidien de la banque. Chose plus importante, il a le pouvoir d"approuver les facilités de crédit accordées aux clients de la banque. À ce titre, il doit traiter avec des gens d"affaires afin d"apprécier la viabilité de leurs entreprises.

[11]      Le Règlement n"exige pas du requérant qu"il mette sur pied lui-même une nouvelle entreprise. Il suffit qu"il investisse une somme importante dans un commerce au Canada et qu"il soit en mesure de participer à la gestion de cette entreprise, ce que le requérant entend exactement faire en compagnie de son frère. À cet égard, l"opinion exprimée par mon collègue le juge Campbell dans l"arrêt Mak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1997) 38 Imm. L.R. (2d) 15, à la 19, s"avère très pertinente :

     " Lorsqu'un agent des visas évalue la demande d'un entrepreneur éventuel, il doit, par souci d'équité, évaluer le requérant non seulement en ce qui a trait à la capacité qu'il a de d'établir une entreprise, mais aussi quant à sa capacité d'acheter une entreprise ou d'y investir une somme importante. Étant donné que l'agente des visas ne l'a pas fait en l'espèce, je suis d'avis qu'une erreur susceptible de révision a été commise ".         

[12]      En ce qui concerne les exigences supplémentaires qui ont été intégrées aux critères d'admissibilité au programme des investisseurs, selon lesquelles le requérant doit être directeur ou cadre dirigeant d"une société, le raisonnement suivant, tenu par mon collègue le juge Cullen dans l"arrêt Cheng c. Canada (Secrétaire d"État) (1994) 25 Imm. L.R. (2d) 162, à la page 166, mérite d"être reproduit :

     " [J]e crois qu'elle a intégré des exigences supplémentaires aux critères d'admissibilité au programme des investisseurs, soit l'exploitation ou la responsabilité de l'exploitation d'une société dans son ensemble. En effet, si elle a conclu que le requérant était en charge de l'exploitation d'une partie intégrante, rentable, de l'entreprise, il aurait dû satisfaire aux critères d'admissibilité, en l'absence d'autres facteurs. En l'espèce, le seul facteur que je peux ainsi discerner est l'exigence additionnelle qu'il ait exploité l'entreprise dans son ensemble. Cela signifie que seules les quelques personnes qui se situent à la tête de la hiérarchie de l'entreprise pourraient être admissibles, alors que celles qui occupent des postes comportant de grandes responsabilités concrètes ne le seraient pas ".         

[13]      En conséquence, la décision de l"agente d"immigration est annulée et l"affaire est envoyée à un autre agent des visas pour qu"il statue de nouveau sur celle-ci compte tenu des présents motifs. Aucune question grave de portée générale méritant d"être certifiée aux termes du paragraphe 83.1 de la Loi sur l"immigration n"a été soulevée en l"espèce.

                             (Signé) "J.E. Dubé"

                                 J.C.F.C.

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 8 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-3130-95

INTITULÉ DE LA CAUSE :      YAU WOO SO,

     requérant,

                     et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                     ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 5 janvier 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE LA COUR PAR : LE JUGE DUBÉ

EN DATE DU :              8 janvier 1998

ONT COMPARU :

     M. Lawrence Wong          pour le requérant

     Mme Leigh Taylor          pour l"intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     M. Lawrence Wong          pour le requérant

     Lawrence Wong & Associates

     George Thomson          pour l"intimé

     Sous-procureur général du Canada

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