Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010712

Dossier : IMM-2273-00

                                                           Référence neutre : 2001 CFPI 791

Entre :

                                                 JIAJIA LI

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Muldoon

1. Introduction

[1]                 Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, en vue d'obtenir le contrôle judiciaire d'une décision de Carole Courchesne, agente des visas à l'Ambassade du Canada à Beijing, République populaire de Chine, en date du 18 mars 2000, par laquelle elle refusait la demande de visa d'étudiant au Canada présentée par la demanderesse.


2. Énoncé des faits

[2]                 La demanderesse est une citoyenne chinoise qui a présenté une demande de permis de séjour pour étudiant à l'Ambassade du Canada à Beijing. Elle est âgée de 23 ans et travaille actuellement comme institutrice au collège industriel et commercial de Nan Jua.

[3]                 La demanderesse a été acceptée au programme de maîtrise en administration des affaires au collège Pattison à Vancouver. À la fin de ce programme, un diplôme est décerné par le New York Institute of Technology. Elle devait commencer ses études le 7 janvier 2000.

[4]                 La demanderesse avait l'intention d'obtenir cette maîtrise afin de donner des cours en administration des affaires au collège où elle travaille actuellement. Cette intention ressortait clairement d'une lettre personnelle et de son programme d'études, qui étaient tous deux joints à sa demande.

[5]                 Dans sa demande figurait également une lettre de son employeur, qui appuyait son programme d'études et la recommandait comme étudiante. La lettre indiquait également que le collège attendait avec impatience son retour et mentionnait la grande contribution qu'elle serait en mesure d'apporter en tant qu'institutrice avec un cours spécialisé en administration des affaires.


[6]                 La famille de la demanderesse vit en Chine. De plus, comme l'indique sa lettre personnelle, ses études au Canada devaient être parrainées par son cousin, M. Chen Pikhing, résident de Hong Kong. M. Chen est propriétaire d'une société commerciale et il a accepté de parrainer les études de la demanderesse en établissant un fonds de 679 035,88 $ de Hong Kong. Un certificat notarié de parenté était également inclus dans sa demande.

3. Questions en litige

a.          La façon dont l'agente des visas a appliqué le paragraphe 9(1.2) est-elle valide en droit;

b.          L'agente des visas a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée ou non pertinente;

c.          L'agente des visas a-t-elle manqué à l'obligation d'agir équitablement en omettant d'informer la demanderesse de ses doutes concernant ses intentions à long terme, et de lui offrir la possibilité de dissiper ces doutes.

4. Les moyens de la demanderesse

a.         Le paragraphe 9(1.2)

[7]                 La demanderesse soutient que l'objet de la Loi sur l'immigration est d'autoriser les visiteurs à entrer au Canada plutôt que de les empêcher d'y venir, et que les agents des visas ont l'obligation d'accorder aux personnes qui demandent à venir au Canada une évaluation complète et équitable de leur demande, en se conformant au texte et à l'esprit de la Loi[1].


[8]                 L'un des motifs mentionnés par l'agente des visas pour refuser la demande de permis de séjour pour étudiant au Canada fait valoir que la demanderesse n'a pas réfuté la présomption légale selon laquelle toutes les personnes qui cherchent à entrer au Canada sont présumées être des immigrants. Cette décision est fondée sur le fait qu'elle a interprété le paragraphe 9(1.2) de la Loi sur l'immigration comme signifiant qu'un agent des visas peut refuser une demande de séjour temporaire au Canada s'il n'est pas convaincu que le demandeur n'a pas l'intention d'immigrer au Canada.

[9]                 Le paragraphe 9(1.2) de la Loi sur l'immigration stipule ce qui suit :

Charge de la preuve

La personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant.

[10]            La demanderesse soutient que le paragraphe 9(1.2) de la Loi sur l'immigration ne signifie pas qu'une intention d'immigrer au Canada est un motif valable pour refuser une demande de visa temporaire, mais plutôt qu'une intention de demeurer illégalement au Canada, après l'expiration d'un visa temporaire, peut être considérée comme un motif de refuser une telle demande. La demanderesse affirme qu'en examinant l'intention d'un demandeur, l'agent des visas doit uniquement évaluer si ce demandeur a un but temporaire valide pour séjourner au Canada[2]. Le paragraphe 9(1.2) est une disposition législative valide adoptée par le législateur : c'est une règle de droit.

[11]            Le manuel d'immigration de Citoyenneté et Immigration Canada, Traitement des demandes à l'étranger (le manuel de la CIC), qui explique la façon dont les agents des visas doivent évaluer les demandes de visa au Canada, reconnaît que les personnes qui demandent des visas d'étudiant sont une bonne source d'immigrants qualifiés :


Article 3.5.2

Pour établir si un étudiant est un visiteur authentique, les agents doivent se fonder sur le fait que les étudiants formés au Canada créent des liens essentiels au commerce et à l'investissement, et sont une excellente source d'immigrants potentiels qualifiés.

[12]            Le manuel de la CIC déclare également qu'en examinant les intentions des personnes qui demandent des visas pour étudier au Canada, les agents des visas doivent simplement se demander si ces personnes sont ou non susceptibles de demeurer illégalement au Canada à l'expiration de leur visa, et non si elles feront vraisemblablement une demande d'immigration :

Article 4.6.1

Il revient au requérant de prouver à la satisfaction de l'agent qu'il est un visiteur authentique. Cependant, dans le cas des étudiants étrangers, la question générale n'est pas tant de savoir si le requérant est un immigrant potentiel que s'il est un immigrant illégal potentiel.

[13]            La demanderesse soutient que le critère que l'agente des visas aurait dû appliquer en vertu du paragraphe 9(1.2) consistait à se demander si la demanderesse avait un objectif temporaire valide en cherchant à entrer au Canada et s'il était probable qu'elle demeure illégalement au Canada à l'expiration de son visa d'étudiant. Le manuel de la CIC n'est pas une règle de droit, mais simplement une directive administrative.

[14]            La demanderesse affirme qu'elle avait un but temporaire valide en demandant à séjourner au Canada, comme en font foi les éléments de sa demande qui indiquent qu'elle cherchait à séjourner au Canada pour perfectionner ses compétences en tant qu'institutrice. Son employeur a manifestement appuyé son programme et s'est engagé à lui redonner son emploi dès qu'elle aurait terminé ses études. Finalement, ses parents demeurent avec elle à Guangzhou, en Chine. Étant donné ces faits, il est difficile de soupçonner la demanderesse de vouloir demeurer illégalement au Canada à l'expiration de son visa d'étudiant.


b. Conclusions de fait erronées et non pertinentes

[15]            L'agente des visas a également fondé sa décision sur ses conclusions selon lesquelles la demanderesse n'a pas établi qu'elle aurait accès aux fonds nécessaires pour poursuivre ses études au Canada. La demanderesse soutient que cette décision est fondée sur des conclusions de fait erronées et non pertinentes.

[16]            L'agente des visas a déclaré dans son affidavit qu'elle avait évalué si les parents de la demanderesse pouvaient financièrement appuyer le programme d'études proposé de la demanderesse. Toutefois, cette considération n'était pas pertinente, parce que sa demande indiquait que c'était son cousin qui allait parrainer ses études.

[17]            L'agente des visas a également décidé que la demande ne renfermait pas de lettres d'emploi ou de documents financiers pouvant attester la capacité des parents de la demanderesse de subvenir à ses besoins pendant ses études. Ces documents ne sont pas non plus pertinents parce que le cousin de la demanderesse s'était engagé à parrainer ses études au Canada.

[18]            L'agente des visas a jugé que la demanderesse n'aurait pas accès aux fonds requis parce qu'elle n'avait pas établi qu'elle était liée à son parrain. Elle a déclaré dans son affidavit que le certificat de parenté qui était inclus dans la demande n'indiquait pas le lien de parenté entre M. Chen et la demanderesse. Cette affirmation est exacte. Le certificat joint à la demande déclare que M. Chen est apparenté à la demanderesse du fait qu'il est son « cousin » , comme le mentionne le paragraphe 8 de l'affidavit de Carole Courchesne.


[19]            L'aptitude de M. Chen à parrainer la demanderesse a été bien documentée dans sa demande, qui comprenait de nombreux documents attestant sa situation financière. Par conséquent, la demanderesse fait valoir que les documents ayant trait à la situation financière de ses parents n'ont pas été inclus dans la demande parce qu'ils n'étaient pas pertinents. Qui plus est, ces documents ne sont pas exigés pour les demandes de permis de séjour pour étudiant lorsque les parrains sont des parents autres que les père et mère du demandeur.

c. Possibilité de répondre

[20]            L'agente des visas n'a jamais informé la demanderesse de ses doutes concernant ses intentions à long terme et son accès à des fonds adéquats, et elle ne lui a pas non plus donné la possibilité de dissiper ces doutes.

[21]            La demanderesse fait valoir que l'agente des visas avait l'obligation de l'informer de tous les doutes qui existaient concernant sa demande, et ensuite de lui fournir la possibilité de répondre. Qui plus est, elle soutient que l'agente des visas a commis une erreur susceptible de contrôle en ne lui faisant pas mention de ses doutes, et par conséquent, en ne lui donnant pas la possibilité de les réfuter[3]. Les affirmations qui précèdent ne tiennent carrément pas compte de la trousse de demande d'un visa d'étudiant que l'ambassade a remise à la demanderesse pour l'aider à présenter sa demande de visa, et qui est déposée sous la Pièce A de l'affidavit de l'agente des visas Courchesne.

d. Redressements


[22]            La demanderesse soutient qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer une question à un tribunal administratif en cas de violation de la justice naturelle si le résultat est inévitable ou si les erreurs attribuables à la manière dont l'agent d'immigration a disposé du cas n'ont pas suffisamment d'importance pour entacher la validité essentielle de la décision[4]. Il faut reconnaître que c'est le cas en l'espèce, surtout au vu de la trousse, déposée sous la Pièce A. Les erreurs alléguées sont sans importance.

[23]            La demanderesse soutient que les violations de la justice naturelle et les erreurs attribuables à la manière dont l'agente des visas a disposé de cette affaire sont suffisamment importantes pour miner la validité essentielle de la décision. Cette prétention n'a pas de fondement.

5. Les moyens du défendeur

[24]            D'après les renseignements fournis par la demanderesse, l'agente des visas n'était pas convaincue que la demanderesse, si elle était autorisée à séjourner au Canada, quitterait le pays à l'expiration de son permis d'étudiant. L'agente des visas a également examiné si la demanderesse avait suffisamment de moyens pour subvenir à ses besoins pendant qu'elle se trouvait au Canada et elle a conclu que ce n'était pas le cas.

a. Les dispositions législatives

[25]            Les articles 9 et 10 de la Loi sur l'immigration établissent les principes généraux concernant la délivrance des visas et des autorisations spéciales, y compris les permis de séjour pour étudiant. Le paragraphe 9(1) de la Loi exige que chaque immigrant et visiteur (sauf les cas prévus par règlement) demande et obtienne un visa avant de se présenter à un point d'entrée. Cette exigence est confirmée pour les permis d'étudiant à l'article 10 de la Loi.


[26]            Le paragraphe 9(1.2) de la Loi exige que toute personne qui demande un visa de visiteur convainque l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant. Il s'agit d'une présomption légale selon laquelle une personne qui présente une demande de visa de visiteur est un immigrant et, bien entendu, aura besoin d'un visa d'immigrant.

[27]            Le paragraphe 9(4) stipule qu'un agent des visas peut délivrer un permis d'étudiant à une personne pourvu que la délivrance du permis n'aille pas à l'encontre de la Loi ou du Règlement.

[28]            Les articles 14.1 à 17 du Règlement sur l'immigration de 1978 régissent les autorisations d'études. Un demandeur, qui n'est pas un citoyen canadien ou un résident permanent et qui souhaite fréquenter une université ou un collège ou suivre des cours de formation générale, théorique ou professionnelle au Canada doit obtenir une autorisation d'étude en cours de validité.

[29]            L'expression « autorisation d'étude » est définie au paragraphe 2(1) du Règlement :

« autorisation d'étude » Document délivré par un agent d'immigration portant que le titulaire est autorisé

a)              soit à suivre des cours à une université ou à un collège autorisé par la loi ou par une charte à délivrer des diplômes;

b)              soit à suivre des cours de formation générale, théorique ou professionnelle à une université, à un collège ou à toute autre institution non visés à l'alinéa a).

[30]            L'alinéa 15(1)b) du Règlement stipule que toute personne qui demande une autorisation d'étude doit fournir les documents voulus pour convaincre l'agent d'immigration qu'elle possède des ressources financières suffisantes pour subvenir à ses propres besoins au Canada et payer ses frais de scolarité, sans qu'il lui soit nécessaire d'exercer un emploi au Canada.


b. Norme de contrôle

[31]            Le défendeur prétend que la norme de contrôle concernant la décision d'un agent des visas de refuser un permis d'étudiant est la norme de la décision manifestement déraisonnable. La décision de délivrer ou non un permis d'étudiant en vertu du paragraphe 9(4) de la Loi est une décision discrétionnaire qui est largement une question de fait.

c. Bien-fondé

i. Le critère approprié

[32]            L'agente des visas a jugé en l'espèce que la demanderesse n'était pas un visiteur authentique au Canada. Le défendeur soutient qu'il faut faire preuve d'une grande retenue face à cette décision.

[33]            Le défendeur soutient que le Manuel de la CIC donne des lignes directrices à ses agents d'immigration pour évaluer les demandes de permis d'étudiant. Toutefois, comme l'a déclaré le juge Lufty dans Mittal c. M.C.I.[5].

[2] Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a publié un document intitulé : Traitement des demandes de permis de séjour pour étudiant (la Ligne directrice) à l'intention des agents qui évaluent les demandes de visas d'étudiant. Bien sûr, il faut faire preuve de vigilance en utilisant les lignes directrices. Elles peuvent servir de « politique générale » ou de « règles empiriques grossières » lorsqu'il s'agit pour l'agent des visas d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré. Toutefois, les lignes directrices ne devraient pas entraver l'exercice du pouvoir discrétionnaire que possède l'agent des visas en devenant des règles obligatoires et décisives.


[34]            Le défendeur soutient que l'agente des visas a appliqué le critère approprié pour déterminer s'il convenait de délivrer un permis d'étudiant à la demanderesse. Sa décision est fondée sur les faits dont elle était saisie et elle n'était pas manifestement déraisonnable.

[35]            Le paragraphe 9(1.2) de la Loi sur l'immigration stipule qu'une personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre un agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant. Il s'agit d'une présomption légale réfutable. En l'absence d'une preuve selon laquelle le visiteur n'a pas l'intention d'établir sa résidence permanente au Canada, le visiteur est présumé être un immigrant.

[36]            Un agent des visas qui examine une demande de permis de séjour pour étudiant a le droit d'évaluer les objectifs à long terme du demandeur et peut tenir compte de tous les facteurs pertinents. Dans l'arrêt Wong c. M.C.I.[6], le juge Létourneau a statué comme suit :

[13] Nous sommes fermement convaincus que l'agent des visas a compétence, même dès la première demande d'un tel visa, pour examiner l'ensemble des circonstances, y compris l'objectif à long terme du demandeur. Un tel objectif est un élément pertinent, bien que non concluant, qu'il faut soupeser avec tous les autres faits et facteurs pour déterminer si le demandeur est un visiteur au sens de la Loi.

[37]            Considérant l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'agente des visas a conclu qu'elle n'avait pas suffisamment de preuve pour réfuter la présomption selon laquelle la demanderesse comptait immigrer au Canada. L'agente des visas a appliqué le critère approprié aux termes du paragraphe 9(1.2) de la Loi.


[38]            Cette démarche est également compatible avec les lignes directrices, qui indiquent que les agents des visas doivent examiner si les requérants sont des immigrants illégaux potentiels. Une personne qui demeure au Canada après l'expiration de son permis de séjour pour étudiant se trouve au Canada illégalement, et est donc un immigrant illégal. En l'espèce, l'agente des visas n'était pas convaincue que la demanderesse retournerait en Chine après avoir terminé ses études. Par conséquent, elle a décidé que la demanderesse ne l'avait pas convaincue qu'elle n'était pas un immigrant illégal potentiel. Il lui était raisonnablement loisible d'en arriver à cette conclusion d'après la preuve dont elle était saisie.

ii. Conclusion de fait erronée

[39]            L'agente des visas n'a pas tiré de conclusion de fait erronée ou non pertinente. La demanderesse devait fournir les documents requis pour la convaincre qu'elle avait suffisamment de ressources financières pour subvenir à ses besoins au Canada.

[40]            L'ambassade remet aux demandeurs étudiants une trousse qui contient des renseignements généraux et les réponses aux questions les plus fréquentes. Plus précisément, la trousse énumère les documents qui doivent être fournis avec la demande. Certains documents sont exigés de tous les demandeurs, et des documents additionnels sont exigés de certains demandeurs selon le mode de parrainage.

[41]            L'agente des visas a estimé que la demanderesse n'avait pas fourni quatre des documents qui étaient exigés dans la trousse du demandeur. Elle a indiqué dans ses notes au STIDI que la preuve concernant les fonds devant être fournis par le cousin de la demanderesse ne pouvait être acceptée comme source de financement permanente. Par conséquent, elle a refusé la demande en partie parce que la demanderesse ne lui avait pas fourni suffisamment d'information concernant l'appui financier dont elle disposerait au Canada.

[42]            Dans sa plaidoirie, l'avocat du défendeur a présenté des arguments persuasifs. Il a fait valoir ce qui suit : (transcription, page 44)


[TRADUCTION]

Au paragraphe 28, il y a un résumé des documents que, d'après les notes de l'agente des visas, la demanderesse n'avait pas fournis. Il s'agit de quatre documents. Il n'y avait pas de lettre d'emploi ni de renseignements bancaires concernant les parents de la demanderesse. Ces derniers n'ont pas rempli la formule concernant la composition de la famille. Il n'y avait aucun renseignement sur la capacité financière de la famille de payer les études de la demanderesse au Canada et il n'y avait pas non plus de preuve du lien de parenté entre elle et son « cousin » .

[...]

Maintenant, pour ce qui est du certificat de parenté, c'est celui selon lequel, c'est le certificat notarié qui déclare que Chen Bixim était le cousin de la demanderesse. L'agente des visas n'a pas accepté ce certificat comme preuve d'un lien de parenté entre la demanderesse et son parrain, et, à mon avis, il était raisonnablement loisible à l'agente des visas d'en arriver à cette conclusion [...] à première vue, le document est suspect. Il n'indique pas quel est le lien de parenté entre la demanderesse et Chen Bixim ni, en fait, comment le notaire pourrait être en mesure de vérifier cette information.

Et en outre, l'agente des visas n'a pas réussi à déterminer si la demanderesse avait un lien de parenté ou si elle était la cousine de Chen Bixim en consultant les autres documents qui auraient pu être fournis dans la demande, par exemple la composition de la famille ou des détails sur ses études et la demande d'emploi, documents exigés dans la trousse.

[43]            Les passages précités dans les observations de l'avocat du défendeur devant la Cour et, en fait, ses observations de la page 30 à la page 47, étaient tout à fait appropriés.

[44]            Il ne faut pas non plus ignorer les observations de l'avocat du défendeur figurant aux pages 46 et 47 :

[TRADUCTION]

[...] les cinq facteurs énoncés dans Baker et plus précisément l'agente des visas n'était pas tenue de fournir à la demanderesse la possibilité de dissiper ses doutes concernant la preuve des fonds provenant du « cousin » . Et si elle était en fait tenue de le faire, cette exigence a été satisfaite du fait que la trousse du demandeur a été remise à la demanderesse, de sorte que cette dernière savait quels documents seraient exigés d'elle.

La trousse indique clairement que les documents ayant trait aux finances sont importants pour permettre à l'ambassade d'évaluer la provenance authentique des fonds, et bien que la trousse, bien entendu, ne fasse pas précisément référence au certificat de parenté, dans ce cas c'est à la demanderesse qu'il incombe de présenter sa preuve, et ce n'est pas à l'agente des visas de le faire pour elle. Dans cette affaire, à mon avis, il n'y a pas eu violation de l'obligation d'agir équitablement.


d. Obligation d'agir équitablement

[45]            Le premier facteur identifié par la Cour dans l'arrêt Baker[7] est la mesure dans laquelle le processus administratif se rapproche du processus judiciaire. Plus la démarche à suivre pour parvenir à la décision ressemble à une prise de décision judiciaire, plus il est probable que l'obligation d'agir équitablement exigera des protections procédurales proches du modèle du procès. Le traitement d'une demande de permis de séjour pour étudiant par un agent des visas est hautement administratif et ne ressemble pas à une prise de décision judiciaire. Ce facteur milite en faveur de conditions moins strictes concernant l'obligation d'agir équitablement.

[46]            Le deuxième facteur est la nature du régime législatif en vertu duquel agit l'organisme en question. Des protections plus importantes seront exigées lorsque la loi ne prévoit aucune procédure d'appel, ou lorsque la décision est déterminante quant à la question en litige. Pour les demandes de permis de séjour pour étudiant, le demandeur éconduit peut demander réparation à la Cour par voie de contrôle judiciaire. Cela milite en faveur d'exigences procédurales moins strictes.

[47]            Le troisième facteur permettant de définir la nature et l'étendue de l'obligation d'équité est l'importance de la décision pour les personnes visées. Plus la décision est importante dans leur vie et plus ses répercussions sont grandes pour ces personnes, plus les protections procédurales requises seront rigoureuses. Une décision négative signifie que la demanderesse ne pourra étudier au Canada pendant une période temporaire. Elle est libre de présenter une autre demande dans l'avenir. Par conséquent, ce facteur milite en faveur d'exigences procédurales moins strictes.


[48]            Le quatrième facteur porte sur les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision. Si le demandeur s'attend légitimement à ce qu'une certaine procédure soit suivie, l'obligation d'équité exigera cette procédure. Néanmoins, cette doctrine ne peut pas donner naissance à des droits matériels. Une personne qui demande un permis de séjour pour étudiant n'a pas une attente légitime concernant la procédure suivie pour traiter sa demande.

[49]            Finalement, l'analyse des procédures requises par l'obligation d'équité devrait également prendre en considération et respecter les choix de procédure que l'organisme fait lui-même, particulièrement lorsque la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures, ou quand l'organisme a une expertise dans le choix des procédures appropriées dans les circonstances. La Loi sur l'immigration n'exige pas qu'une procédure particulière soit suivie pour traiter les demandes de permis de séjour pour étudiant. Considérant le grand nombre de demandes de ce genre qui sont traitées, la procédure adoptée par l'ambassade devrait être respectée.

[50]            Si l'on pondère les facteurs énoncés dans l'arrêt Baker, les protections procédurales exigées par l'obligation d'équité devraient être assouplies pour le traitement des demandes de permis de séjour pour étudiant par les agents des visas à l'étranger. Par conséquent, il n'y a pas de raison de prétendre qu'il y a eu manquement à l'équité dans ce processus parce qu'une agente des visas n'a pas communiqué tous ses doutes à la demanderesse, ou qu'elle ne lui a pas accordé la possibilité de dissiper ces doutes.


[51]            Le défendeur soutient que la décision de la Cour d'appel fédérale dans Shah c. M.C.I.[8] n'a pas été infirmée par l'arrêt Baker. Dans l'arrêt Shah, la Cour d'appel fédérale a statué que l'obligation d'équité en pareilles circonstances était minimale, et qu'un agent d'immigration n'était pas tenu de communiquer à un demandeur toutes les conclusions provisoires qu'il tire des documents dont il est saisi, pas même au sujet des contradictions apparentes qui suscitent des doutes dans son esprit. Dans l'arrête Baker (par. 32), la Cour suprême du Canada s'est expressément dissociée de cette obligation d'équité minimale, et par conséquent, la décision Shah est de peu d'utilité en l'espèce, mais, dans l'arrêt Baker (par. 33), la Cour suprême a statué que l'équité procédurale n'exige pas nécessairement la tenue d'une audience, voir par exemple, Said[9], à la page 30.

6. Redressements

[52]            Le défendeur demande que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée, sans adjudication de dépens. Aucune question ne sera certifiée parce qu'aucune des parties n'en a fait la demande.

Ottawa (Ontario)                                                                            « F.C. Muldoon »

le 12 juillet 2001

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20010712

Dossier : IMM-2273-00

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2001

En présence de M. le juge Muldoon

Entre :

                                                 JIAJIA LI

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                   

                                                                                                    défendeur

                                      O R D O N N A N C E

Le juge Muldoon

SUR PRÉSENTATION d'une demande de contrôle judiciaire par la demanderesse concernant la décision d'une agente des visas à l'Ambassade de Beijing, en date du 18 mars 2000, qui a été entendue à Vancouver, le 24 janvier 2001, en présence des avocats de chaque partie,


LA COUR ORDONNE que ladite demande soit rejetée sans adjudication de dépens et sans certification par la Cour d'une question grave de portée générale.

« F.C. Muldoon »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  IMM-2273-00

INTITULÉ DE LA CAUSE : Jiajia Li

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 24 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Muldoon

DATE :                                                   Le 12 juillet 2001

COMPARUTIONS :

M. Rudolf Kischer                                                            POUR LA DEMANDERESSE

M. Mark Sheardown                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Rudolf Kischer                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada       



     [1]           Ho c. M.E.I. (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 38 (C.F.P.I.); Yang c. M.E.I. (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 48 (C.F.P.I.).

     [2]           Wong c. M.C.I. (1997), 39 Imm. L.R. (2d) 78 (C.F.P.I.); Mittal c. M.C.I.(1998), 147 F.T.R. 285 (C.F.P.I).

     [3]           Muliadi c. M.E.I., [1986] 2 C.F. 205 (C.A.); Basco c. M.E.I. (1990), 14 Imm. L.R. (2d) 21 (C.F.P.I.).

     [4]           Chou c. M.C.I. (1998), 148 F.T.R. 245, 45 Imm. L.R. (2d) 289 (C.F.P.I.); Zhou c. M.C.I., Imm-793-97, le 2 mars 1998, le juge Joyal, [1998] A.C.F. no 271 (C.F.P.I.)

     [5]           (1998), 2 Imm. L.R. (3d) 300 (C.F.P.I.) au paragraphe [2].

     [6]           (1999), 246 N.R. 377 (C.A.F.).

     [7]          [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe [21].

     [8]           (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.).

     [9]          (1992) 6 Admin. L.R. (2d) 23 (C.F.P.I.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.