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Date : 19990830

T-1112-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 30 AOÛT 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

E n t r e :

                                            RIVERSIDE PAPER CORPORATION,

                                                                                                                                   demanderesse,

                                                                             et

                                                            FIRST BASE INC. et

                                 REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

                                                                                                                                         défendeurs.

                                                                ORDONNANCE

            La demande est accueillie. J'ordonne par la présente au registraire des marques de commerce de radier l'enregistrement de la marque de commerce no 467 634 concernant la marque « granite bond » et le dessin y afférent, ainsi que l'enregistrement no 451 077 concernant la marque « granite bond » . Les défendeurs sont condamnés aux dépens.

                                                                                                                                « P. ROULEAU »                   

JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19990830

T-1112-98

E n t r e :

                                            RIVERSIDE PAPER CORPORATION,

                                                                                                                                   demanderesse,

                                                                             et

                                                            FIRST BASE INC. et

                                 REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

                                                                                                                                         défendeurs.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]         La Cour est saisie d'une demande visant à obtenir une ordonnance enjoignant au registraire des marques de commerce de radier l'enregistrement de la marque de commerce no 467 634 concernant la marque « granite bond » et le dessin y afférent, ainsi que l'enregistrement no 451 077 concernant la marque « granite bond » ou, à titre subsidiaire, de modifier les enregistrements en question de manière à renoncer à tout droit exclusif sur les mots « granite bond » et « marble bond » respectivement, abstraction faite des marques de commerce ou, à titre plus subsidiaire encore, de modifier les enregistrements en question de manière à renoncer à tout droit exclusif sur les mots « granite » et « marble » .

[2]         La demanderesse Riverside Paper Corporation (Riverside) est une société constituée en personne morale sous le régime des lois de l'État de Wisconsin, aux États-Unis. Elle produit une large gamme de papier à lettre de luxe (appelé aussi « papier bond » ), de papier de bricolage et de papier technique de diverses couleurs et textures et de divers poids à la rame. Depuis plusieurs années, Riverside est le principal fournisseur de papier de couleur de la chaîne de magasins Costco. En Ontario, cinq magasins Costco vendent présentement le papier bond marbré et le papier bond granité de la demanderesse et ce, depuis 1997.

[3]         La défenderesse First Base Inc. (First Base), est un transformateur de papier. Ce type d'entreprise achète du papier bond et du papier spécial à des fabricants de papier comme Riverside, et remballe le papier, habituellement dans des paquets plus petits ou achète au fabricant du papier bond et du papier spécial sur lequel elles apposent leur propre étiquette.

[4]         Le 1er décembre 1995, First Base a enregistré sa marque de commerce MARBLE BOND sous le numéro 415 077. Elle a par la suite enregistré le 13 décembre 1996 sa marque de commerce GRANITE BOND et le dessin y afférent sous le numéro 467 634.

[5]         La demanderesse cherche maintenant à obtenir la radiation des marques de commerce en question au motif que ni l'une ni l'autre n'était enregistrable au moment de son enregistrement. Elle affirme que chacune de ces marques donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises auxquelles elle est associée et que les marques en question correspondent au nom anglais des marchandises en liaison avec lesquelles elles sont employées. Riverside affirme en outre qu'aucune des deux marques n'était distinctive lors de l'introduction de la présente instance, le 1er juin 1998, étant donné que ni l'une ni l'autre ne permettait de distinguer entre, d'une part, les produits de papier bond granité et de papier bond marbré de First Base et, d'autre part, les produits de papier offerts par d'autres distributeurs de papier spéciaux.

[6]         À l'ouverture de l'audience que j'ai présidée, les parties étaient en désaccord au sujet de l'admissibilité de l'affidavit souscrit par Mme Karen Lau Cardinell le 16 juin 1998. Je souscris aux observations formulées par la demanderesse à cet égard et j'autorise le dépôt en preuve de cet affidavit. Vu la teneur de cet affidavit, auquel sont annexés trois affidavits qui ont été souscrits pour le compte de Riverside dans le cadre de l'instance introduite devant la Cour de l'Ontario, First Base ne peut prétendre être prise au dépourvu ou subir un préjudice en raison de la présentation de ces éléments de preuve.

[7]         Je passe maintenant à l'examen du fond de la demande. Aux termes de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C (1985), ch. T- 13, une marque de commerce est enregistrable lorsqu'elle donne une description claire ou qu'elle ne donne pas une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en question. Le critère de la clarté de la description doit être appliqué à la date à laquelle la demande d'enregistrement de la marque de commerce a été déposée. Pour déterminer si une marque de commerce donne une description claire des marchandises ou services qu'elle vise, le facteur clé est celui du sens courant des mots qui composent les marques et qui sont employés en liaison avec les marchandises en litige.

[8]         Il est de jurisprudence constante que nul n'a le droit de créer une marque de commerce en se servant de mots qui décrivent clairement les qualités inhérentes et la nature des produits auxquels la marque est associée. Il s'agit là d'un principe de droit reconnu depuis longtemps, ainsi qu'en font foi les propos suivants qu'a tenus lord Herschell dans l'arrêt Eastman Photographic Material Co., Ltd. v. Comptroller-General of Patents, Designs and Trade Marks, [1898] A.C. 571, à la page 580 :

[TRADUCTION]

Le vocabulaire de la langue anglaise est un bien commun. Il appartient également à tout le monde. Et l'on ne devrait laisser personne empêcher autrui d'employer un mot qui évoque la nature ou la qualité des marchandises en question pour décrire celles-ci.

[9]         Dans l'arrêt S.C. Johnson & Son, Ltd. c. Marketing Int'l Ltd., [1980] 1 R.C.S. 99, le juge Pigeon a tenu des propos semblables, à la page 109 :

En recherchant si une marque de commerce est distinctive, il importe de retenir qu'en vertu de la définition précitée, il faut qu'elle « distingue véritablement » ou soit « adaptée à distinguer » les marchandises. En conséquence, l'enregistrement donne l'exclusivité de l'emploi de la marque de commerce. Mais, aux termes de l'al. 12(1)c), personne ne peut obtenir l'exclusivité du nom, dans quelque langue, des marchandises à l'égard desquelles on projette d'employer la marque de commerce et, aux termes de l'al. 12(1)b), personne ne peut obtenir cette exclusivité pour une expression qui constitue une « description claire » , en langue anglaise ou française, de ces marchandises.

[10]       Pour déterminer si une marque donne une description claire, le critère clé est celui du sens courant des mots qui composent la marque, tels qu'ils sont employés en liaison avec les marchandises en litige. Ainsi, dans le jugement John Labatt Ltd. c. Carling Breweries Ltd., (1974), 18 C.P.R. (2d) 15, notre Cour a déclaré ce qui suit, à la page 19 :

[...] il ne convient pas de faire une analyse approfondie et critique des mots pour déterminer s'ils comportent d'autres implications lorsqu'on les utilise seuls ou en liaison avec certaines marchandises ; ce qu'il faut faire, c'est considérer ces mots tels qu'ils sont utilisés en liaison avec certaines marchandises et établir que ces termes, dans le contexte où ils sont utilisés, représenteraient pour le public en général qui les verra et se formera une idée sur leur connotation.

                                                                                                                                (Non souligné dans l'original.)

[11]       Si j'applique ces principes de droit aux faits qui ont été portés à ma connaissance, je suis convaincu que les mots anglais « marble » et « granite » employés en liaison avec le terme anglais « bond » décrivent clairement la nature des produits du papier de Fisrt Base. Le mot « bond » est un terme conventionnel employé dans l'industrie du papier pour désigner un type de papier, en l'occurrence un papier de qualité supérieure comportant habituellement une teneur élevée en fibres de coton. Les termes « marble » et « granite » évoquent la ressemblance du papier à du marbre et à du granit. En d'autres termes, les marques constituent une description fidèle du produit auquel elles sont associées. D'ailleurs, d'autres fabricants de papier qui vendent le même produit ne donnent aucun nom spécial à leur papier. Ils parlent simplement de papier bond marbré ( « marble bond » ) et de papier bond granité ( « granite bond » ). Les mots anglais « marble bond » et « granite bond » sont fortement descriptifs des marchandises auxquelles ils sont associés et ne constituent donc pas des marques de commerce enregistrables.

[12]       Je ne suis pas non plus convaincu que les marques ont acquis un caractère distinctif soit par l'usage qui en a été fait sur le marché, soit en raison du caractère distinctif inhérent qu'elles posséderaient. Les marques de commerce qui sont constituées d'un nom frappant et inventif ou d'un dessin original possèdent un caractère distinctif inhérent et sont considérées comme des marques fortes qui méritent d'être protégées. Si une marque ne possède aucun mot ou dessin exceptionnel, elle est considérée comme une marque ayant une caractère distinctif inhérent moindre et, partant, comme une marque faible qui se voit accorder une protection moindre.

[13]       La marque de commerce qui donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée est de prime abord non distinctive. En l'espèce, les marques de commerce « granite bond » et le dessin y afférent et « marble bond » ne possèdent aucun caractère distinctif inhérent, étant donné qu'elles contiennent toutes les deux des mots courants qui servent à décrire certains types de produits dans l'industrie du papier de luxe. Rien ne permet non plus de conclure que les marques ont acquis un caractère distinctif par l'emploi qui en a été fait. First Base n'a produit en preuve aucun sondage ou affidavit de consommateur qui permettrait de conclure que ses marques de commerce « granite bond » et le dessin y afférent et « marble bond » ont acquis un sens ou un caractère distinctif secondaires.

[14]       Par ces motifs, je fais droit à la demande et j'ordonne au registraire des marques de commerce de radier l'enregistrement de la marque de commerce no 467 634 concernant la marque « granite bond » et le dessin y afférent, ainsi que l'enregistrement no 451 077 concernant la marque « granite bond » . Les défendeurs sont condamnés aux dépens.

                                                                                                                                « P. ROULEAU »                   

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 août 1999.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :T-1112-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :RIVERSIDE PAPER CORPORATION c. FIRST BASE INC. et REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :Le 10 juin 1999

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par le juge Rouleau le 30 août 1999

ONT COMPARU :

Me David Allsebrook                 pour la demanderesse

Me Michael E. Charles               pour les défendeurs

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Campbell Godfrey                     pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

Bereskin & Parr                        pour les défendeurs

Toronto (Ontario)

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