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Date : 20050824

Dossier : IMM‑8921‑04

Référence : 2005 CF 1158

Toronto (Ontario), le 24 août 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

ENTRE :

ZINAIDA YANEKINA

demanderesse

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission) datée du 23 septembre 2004, dans laquelle il a été refusé à la demanderesse la qualité de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger au motif que la demanderesse n’était pas crédible.

 

LES FAITS

 

[2]               La demanderesse est une citoyenne du Bélarus âgée de 68 ans qui craint d’être persécutée par les autorités du fait de ses activités politiques pour le compte du Front populaire du Bélarus (FPB), un parti qui s’oppose au gouvernement actuel du Bélarus. La demanderesse affirme qu’elle est devenue membre du FPB en février 2000 et qu’elle a participé activement à la distribution de tracts ainsi qu’à des manifestations et à des rassemblements.

 

[3]               Trois incidents principaux de persécution ont été décrits dans le formulaire de renseignements personnels de la demanderesse (FRP). Premièrement, la demanderesse allègue avoir été arrêtée en mars 2000 alors qu’elle participait à un grand rassemblement du FPB et elle aurait été bousculée, humiliée et insultée par les autorités. Deuxièmement, elle dit qu’en juin 2001, elle a été arrêtée par la police qui l’a surprise en train de distribuer des journaux du FPB à l’extérieur du poste de police, la police l’a frappée au dos avec un bâton et elle a reçu des soins médicaux pour deux côtes fracturées. La demanderesse prétend avoir signalé l’incident au bureau local du procureur mais qu’aucune enquête n’a été instituée. Troisièmement, la demanderesse affirme qu’après une réunion ordinaire du parti, en janvier 2002, on l’a attaquée près de chez elle et on l’a abandonnée, inconsciente. Elle a passé deux semaines à l’hôpital par suite de ses blessures et elle a signalé l’agression à la police, qui n’a pris aucune mesure par la suite.

 

[4]               Le 4 juin 2002, la demanderesse a reçu une sommation l’avisant qu’elle était accusée d’avoir écrit et distribué des documents dans le but de renverser le gouvernement. La demanderesse affirme qu’elle s’est cachée le lendemain et qu’elle est partie au Canada le 12 juin 2002. Elle a demandé l’asile le 18 juillet 2002.

 

LA DÉCISION

 

[5]               La Commission a refusé la demande d’asile de la demanderesse pour des raisons de crédibilité. Elle a conclu que la demanderesse avait exagéré son profil politique au sein du FPB et qu’elle avait inventé les incidents de persécution décrits dans son FRP. La Commission s’est fondée sur plusieurs conclusions, notamment les suivantes :

 

(i)            La demanderesse n’a pas participé au recrutement et à la dissémination d’informations pour le compte du FPB. D’après son témoignage, elle a tout au plus discuté des activités du FPB avec des voisins et amis d’une manière ponctuelle;

 

(ii)          Les invitations aux activités du FPB que la demanderesse a déposées en preuve ne révélaient pas que la demanderesse avait un profil politique important au sein du parti. Une seule invitation avait été adressée à la demanderesse en particulier et il s’agissait d’une invitation à une activité concernant une personne qui, selon la preuve documentaire, n’avait aucun lien direct avec le FPB;

 

(iii)         La demanderesse a fourni des dates différentes concernant le premier incident de persécution allégué. Dans son FRP, elle a écrit qu’elle avait été arrêtée lors d’un rassemblement qui avait eu lieu le 15 mars 2000 alors qu’elle a dit, pendant son témoignage, que le rassemblement avait eu lieu le 25 mars 2000;

 

(iv)        Les circonstances qui ont entouré le deuxième incident de persécution allégué étaient incohérentes et peu vraisemblables. Il était peu probable que la demanderesse ait été arrêtée, amenée au poste de police, interrogée, battue et remise en liberté après avoir payé une amende en moins de 30 minutes, comme elle l’a prétendu. En outre, la description qu’a donnée la demanderesse des soins médicaux qu’elle a reçus n’était pas la même dans son témoignage et dans son exposé circonstancié. La Commission a jugé peu vraisemblable que la demanderesse, qui était âgée de 64 ans, n’ait obtenu que des analgésiques alors qu’elle avait les côtes fracturées;

 

(v)          La Commission a tiré une inférence négative de l’absence de rapports médicaux;

 

(vi)        Il était peu vraisemblable que la demanderesse coure le risque très sérieux de distribuer des tracts du FPB dans un lieu situé en face du poste de police;

 

(vii)   Le témoignage de la demanderesse concernant le troisième incident allégué était suspect. Elle avait commencé par décrire en détail les personnes qui avaient participé à la réunion à huis clos du parti; cependant, quand on l’a interrogée davantage sur ce point, ses réponses ont été vagues et elle a dit qu’il y avait peut‑être des participants qu’elle ne connaissait pas.

 

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[6]               La Commission a‑t‑elle commis une erreur en évaluant la crédibilité de la demanderesse?

 

ANALYSE

 

[7]               Les conclusions en matière de crédibilité, y compris celles qui concernent la vraisemblance du témoignage, doivent faire l’objet d’une retenue considérable de la part de la Cour qui ne doit intervenir que si les conclusions sont manifestement déraisonnables. Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1194; Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

 

[8]               La demanderesse a soulevé six domaines dans lesquels la Commission aurait erré en tirant des inférences négatives. La Cour a examiné chacun de ces domaines et elle est d’avis que la Commission pouvait raisonnablement tirer ces conclusions. La demanderesse a très habilement présenté une interprétation ou point de vue différent sur ces questions, mais la Cour est convaincue que la Commission pouvait raisonnablement arriver à cette conclusion, compte tenu de la preuve. La demanderesse n’a relevé aucune conclusion de fait manifestement déraisonnable sur laquelle la Commission se serait fondée pour conclure que la demanderesse n’était pas crédible.

 

[9]               La Commission s’est raisonnablement fondée sur les éléments suivants pour conclure que la demanderesse n’était pas crédible :

 

1.         une incohérence concernant la date du rassemblement qui aurait eu lieu en mars 2000;

2.         l’improbabilité que la demanderesse ait été arrêtée, amenée au poste de police, interrogée, battue et remise en liberté après avoir payé une amende, le tout en moins de 30 minutes. La demanderesse affirme qu’elle a eu deux côtes fracturées par suite du passage à tabac;

3.         une incohérence concernant les soins médicaux qu’elle aurait reçus à l’hôpital pour les soi‑disant côtes fracturées;

4.         l’absence de rapports médicaux corroborant la première et la deuxième blessure qui l’aurait amenée à passer deux semaines à l’hôpital. La demanderesse a dit que l’hôpital avait refusé de remettre les dossiers médicaux à sa fille. La Commission a rejeté l’explication présentée au sujet de l’absence de dossier médical.

 

[10]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

[11]           Les deux parties ont avisé la Cour que la présente affaire ne soulevait aucune question grave de portée générale à certifier aux fins d’un appel. La Cour convient qu’aucune question ne sera certifiée.

 

[12]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission datée du 23 septembre 2004 soit rejetée.

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑8921‑04

 

 

INTITULÉ :                                                   ZINAIDA YANEKINA

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 23 AOÛT 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                         LE 24 AOÛT 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hart A. Kaminker                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

 

Marcel Larouche                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hart A. Kaminker

Avocat

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada                                           POUR LE DÉFENDEUR

 

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