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Date : 20010723

Dossier : T-1206-00

Ottawa (Ontario), le lundi 23 juillet 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                         appelant

et

ELAINE KOA LAM

                                                                                                                                                           intimée

                                                                     ORDONNANCE

Pour les raisons exposées dans les motifs de l'ordonnance, l'appel est accueilli. La décision du juge de la citoyenneté Paul Gallagher en date du 15 mai 2000 est annulée. La demande de citoyenneté est rejetée.

            « Max M. Teitelbaum »             

JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20010723

Dossier : T-1207-00

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

appelant

et

LEONARD HON WEI

intimé

                                                                     ORDONNANCE

Pour les raisons exposées dans les motifs de l'ordonnance, l'appel est accueilli. La décision du juge de la citoyenneté Paul Gallagher en date du 15 mai 2000 est annulée. La demande de citoyenneté est rejetée.

             « Max M. Teitelbaum »             

JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20010723

Dossiers : T-1206-00

T-1207-00

Référence neutre : 2001 CFPI 796

T-1206-00

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                         appelant

et

ELAINE KOA LAM

                                                                                                                                                           intimée

                                                                                                                                                      T-1207-00

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                         appelant

et

LEONARD HON WEI

                                                                                                                                                            intimé

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Teitelbaum

[1]                 Les intimés, Leonard Hon Wei (ci-après appelé Wei) et Elaine Koa Lam (ci-après appelée Lam), dans le présent appel interjeté par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (ci-après le ministre), sont mari et femme.


[2]                 Le présent appel du ministre a été instruit le 10 juillet 2001. Les deux appels de l'appelant ont été instruits simultanément. Les portions se rapportant aux absences de Lam et Wei du Canada sont différentes, mais le présent ensemble de motifs s'appliquera aux deux dossiers, T-1206-00 (Lam) et T-1207-00 (Wei).

[3]                 Comme je l'ai dit, il s'agit d'un appel du ministre, interjeté contre une décision rendue par le juge de la citoyenneté Paul Gallagher le 15 mai 2000, à la fois pour Lam et pour Wei, décision dans laquelle le juge Gallagher a fait droit aux demandes de citoyenneté canadienne présentées par Lam et Wei. Le ministre est d'avis que le juge de la citoyenneté a conclu à tort que Lam et Wei avaient rempli les conditions de résidence énoncées dans l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, et modifications (la Loi).

[4]                 Lorsqu'ils sont arrivés au Canada et ont obtenu le statut de résidents permanents, Wei et Lam étaient tous deux des ressortissants du Royaume-Uni (R.-U.). Wei est né à Hong Kong le 29 septembre 1957 et Lam est née à Hong Kong le 15 octobre 1957. Tous deux sont arrivés au Canada et ont obtenu le statut de résidents permanents le 3 avril 1996. Le 20 avril 1999, trois ans et quelques jours après avoir obtenu le statut de résidents permanents, Lam et Wei ont rempli une demande de citoyenneté canadienne pour adulte, demande qui a été reçue le 25 mai 1999 par le Centre de traitement des dossiers de citoyenneté.


[5]                 Durant la période allant du 3 avril 1996 au 20 avril 1999, Wei s'est trouvé en dehors du Canada pendant 866 jours, [Traduction] « ce qui signifie qu'il a été physiquement présent [au Canada] pendant seulement 246 jours au cours des quatre années précédant la date de sa demande de citoyenneté » (page 6, Dossier de demande du ministre). Wei a été absent du Canada du 12 avril 1996 au 2 mai 1996, du 17 septembre 1996 au 27 septembre 1996, du 13 décembre 1996 au 20 décembre 1997 (plus d'un an), du 1er janvier 1998 au 13 février 1999 (encore une fois plus d'un an) et du 23 février 1999 au 20 avril 1999, jour où il a signé sa demande de citoyenneté.

[6]                 Durant la période allant du 3 avril 1996 au 20 avril 1999, Lam a été absente du Canada pendant 1 078 jours au cours de cette période, [Traduction] « ce qui signifie que, comme elle est arrivée au Canada le 3 avril 1996, elle a été physiquement présente [au Canada] pendant 34 jours au cours des quatre années qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté » (Dossier de demande du ministre, pages 44 et 45). En fait, Lam n'était pas au Canada lorsqu'elle a rempli sa demande de citoyenneté.

[7]                 Je n'ai aucune indication sur le point de savoir si l'un ou l'autre des intimés est revenu pour résider physiquement au Canada jusqu'à ce jour. Les trois enfants de Wei et Lam fréquentent l'école à Hong Kong. Lorsque je m'en suis informé auprès de l'avocat de Wei et Lam, j'ai appris qu'il ne savait pas où ses clients résidaient physiquement, et il ne savait pas non plus s'ils se trouvaient ou non au Canada le jour de l'audience.


[8]                 Dans le cas de Lam, par décision en date du 15 mai 2000, le juge de la citoyenneté Paul Gallagher a approuvé sa demande de citoyenneté canadienne, même s'il manquait à Lam 1 061 jours de présence physique au Canada pour pouvoir remplir la condition de trois ans de résidence au Canada au cours des quatre ans qui ont précédé la date de sa demande.

[9]                 À la même date du 15 mai 2000, le juge de la citoyenneté Paul Gallagher a approuvé la demande de citoyenneté présentée par Wei.

[10]            Dans la décision concernant Wei, le juge de la citoyenneté s'exprime ainsi :

[Traduction] Cette demande est approuvée, malgré les absences. Le requérant n'a de « liens » ou d' « attaches au-delà du travail » qu'avec le Canada. Ses possessions et ses biens se trouvent entièrement au Canada. Il est devenu « nord-américain » , mais a décidé de ne pas résider aux États-Unis. Il n'a aucun lien avec Hong Kong, si ce n'est comme lieu de travail.

[11]            J'ai la conviction que les mots « Il n'a aucun lien avec Hong Kong si ce n'est comme lieu de travail » sont une aberration. Le fait est que son épouse et ses enfants vivent tous à Hong Kong. Ses trois enfants fréquentent l'école à Hong Kong. Il n'est nullement prouvé que le travail de Wei à Hong Kong est une situation temporaire.

[12]            Dans sa décision concernant Lam, le juge de la citoyenneté s'exprime ainsi :

[Traduction] La demande est approuvée, malgré les absences prolongées. Le Canada est son pays, elle a rejeté les États-Unis (ce qui aurait été beaucoup plus simple) et elle a choisi de ne pas être une citoyenne de Hong Kong ou citoyenne chinoise. Elle est aussi un atout pour le Canada et elle se sent « à l'aise » au Canada.


[13]            Sauf le respect du juge de la citoyenneté, j'ai beaucoup de mal à comprendre comment il a pu conclure que le Canada est « le pays » de Mme Lam. Je n'ai trouvé, dans la jurisprudence ou dans la Loi sur la citoyenneté, rien qui donne à entendre que, du seul fait que Mme Lam a résolu de ne pas résider aux États-Unis, elle a rempli la condition de résidence prévue par la Loi. Il n'en va pas différemment pour les mots « elle a choisi de ne pas être une citoyenne de Hong Kong ou citoyenne chinoise » . Mme Lam est une citoyenne du Royaume-Uni. Je ne vois pas non plus sur quel fondement le juge de la citoyenneté a pu décider que Mme Lam « est aussi un atout pour le Canada et se sent "à l'aise" au Canada » . Mme Lam n'a passé que 34 jours au Canada. Comment peut-on dire, dans cette courte période passée au Canada, qu'elle est un « atout » pour le Canada ou qu'elle se sent « à l'aise » au Canada. Rien ne permet de croire que Mme Lam ait fait quoi que ce soit de quelque importance au Canada, si ce n'est d'obtenir la résidence permanente et d'y demeurer pendant 34 jours. Elle envoie même ses enfants dans une école internationale à Hong Kong.

[14]            J'ai la certitude que la norme de contrôle à appliquer dans l'appel dont je suis saisi est celle de la décision correcte et que [Traduction] « aucune retenue ne s'impose envers la décision du juge de la citoyenneté » (voir Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Michael Tsao Jen Lu, T-1205-00, référence neutre 2001 CFPI 640, en date du 14 juin 2001, par. 4).

[15]            Je ne puis faire mieux que de reprendre les mots de M. le juge Pinard dans l'affaire Tsao Jen Lu, précitée, car je suis en accord total avec ce qu'il dit, aux paragraphes 5, 6 et 7 :

[Traduction]

[5] Les conditions de résidence de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sont les suivantes :


5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la foi:

[ . . . ]

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[ . . . ]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

[6] Mon collègue, M. le juge Muldoon, dans l'affaire Re Pourghasemi (1993), 19 Imm.L.R. (2d) 259, à la page 260, énonce les objectifs de cette disposition de la Loi :


[...] vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de « se canadianiser » . Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo, T-20-92, 3 décembre 1992 [publié dans (1992), 59 F.T.R. 27, 19 Imm.L.R. (2d) 1], encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.

(Voir aussi les décisions suivantes rendues par la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada : Re Chow (1997), 40 Imm.L.R. (2d) 308, page 310; M.C.I. c. Li-Te Ho (28 avril 1999), T-1846-98; M.C.I. c. Ka Po Gabriel Liu (8 janvier 1999), T-997-98; Re Chang (5 février 1998), T-1183-97; Re Koo, [1993] 1 C.F. 286; M.C.I. c. Ching Pin Lin (6 janvier 1999), T-2803-97; M.C.I. c. Ho (24 novembre 1998), T-19-98; M.C.I. c. Lok (29 mars 1999), T-1179-98; Hong Sang Tang c. M.C.I. (14 juin 1999), T-1663-98; M.C.I. c. Fai Sophia Lam (28 avril 1999), T-1524-98 et M.C.I. c. Tara Gupta (28 avril 1999), T-757-98.)

[7] Cette cour a statué qu'une interprétation correcte de l'alinéa 5(1)c) de la Loi n'oblige pas une personne à être physiquement présente au Canada pendant toute la période de 1 095 jours prescrite lorsqu'il existe des circonstances spéciales et exceptionnelles. Toutefois, j'estime que la présence réelle au Canada demeure le facteur le plus pertinent et le plus important lorsqu'il s'agit d'établir si une personne avait sa « résidence » au Canada au sens de cette disposition. Comme je l'ai dit à maintes reprises, une absence trop longue, quoique temporaire, pendant cette période minimum est contraire à l'esprit de la Loi, qui permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant l'une des quatre années précédant la date à laquelle elle demande la citoyenneté.

[16]            Vu la preuve présentée au juge de la citoyenneté, je suis persuadé qu'il a commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu que Lam et Wei remplissaient tous deux les conditions de résidence énoncées dans la Loi. L'absence de M. Wei, au vu de la preuve, n'est pas temporaire. Il travaille en permanence à Hong Kong et il vit à Hong Kong avec son épouse, Mme Lam, et leurs trois enfants. Je suis persuadé qu'il demeure physiquement à Hong Kong, tout en étant juridiquement considéré comme un résident permanent du Canada.

[17]            L'avocat de Wei a fait valoir que M. Wei paie et a payé d'importantes sommes d'argent pour son impôt canadien sur le revenu. Je crois que cela est tout à fait méritoire. Je tiens à souligner que tout résident permanent du Canada a l'obligation légale de payer l'impôt sur le revenu. Cela ne donne pas pour autant le droit d'obtenir la citoyenneté canadienne. Il faut quand même remplir les conditions de résidence prévues par la Loi.


[18]            L'appel est accueilli et la décision du juge de la citoyenneté Paul Gallagher en date du 15 mai 2000 est annulée, au motif que, lorsque Lam et Wei ont demandé la citoyenneté canadienne, ils ne répondaient pas aux conditions de résidence de l'alinéa 5(1)c) de la Loi. La demande de citoyenneté canadienne est rejetée.

          « Max M. Teitelbaum »                  

JUGE

Ottawa (Ontario)

le 23 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                        T-1206-00

T-1207-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Elaine Koa Lam

Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Leonard Hon Wei

                                                                            

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 10 juillet 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Teitelbaum

DATE DES MOTIFS :                       le 23 juillet 2001

ONT COMPARU :

Rama Sood et Pauline Anthoine                                       POUR L'APPELANT

J. B. Rotstein                                                                      POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sous-procureur général du Canada                                  POUR L'APPELANT

Vancouver (Colombie-Britannique)

Chen & Leung                                                     POUR LES INTIMÉS

Vancouver (Colombie-Britannique)

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