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                                                                                                                                           Date : 20011114

                                                                                                                             Dossier : IMM-6302-99

                                                                                                        Référence neutre : 2001 CFPI 1241

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                                     SUE RONG LIU

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                                       

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


1.                    Il s'agit en l'espèce d'une demande présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et ses modifications, dans le but d'obtenir le contrôle judiciaire visé à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications, de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SSR) a refusé, le 14 décembre 1999, de reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention au demandeur.

2.                    Le demandeur, qui vient de la province du Fujian, en Chine, était âgé de 16 ans au moment où la SSR a rendu sa décision. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de sa religion et de ses prétendues opinions politiques.

3.                    Le demandeur et sa famille sont des chrétiens protestants. La mère a manifestement tendance à prêcher l'Évangile auprès de non-chrétiens réticents. Les autorités gouvernementales l'ont arrêtée et l'ont placée en détention à une reprise en 1998 et à deux reprises en 1999, après avoir été saisies de plaintes déposées par des bouddhistes mécontents. Elle a été détenue pendant des périodes variant d'une à deux semaines.

4.                    Sans se laisser démonter par ces incidents, la mère du demandeur a continué de prêcher. Elle a de nouveau été arrêtée et placée en détention le 6 août 1999, avec le père et la soeur du demandeur. Heureusement pour lui, le demandeur n'était pas à la maison au moment des arrestations. Il s'est réfugié chez sa grand-mère, et il a appris un peu plus tard qu'il était recherché par la police.


5.                    Le demandeur et d'autres jeunes Chinois ont été emmenés au Canada par des membres d'un groupe criminel organisé, les Snakeheads, qui ont voyagé avec eux au Canada. Le demandeur est arrivé à Montréal au début de septembre, après avoir passé environ huit jours à Vancouver et dix jours à Toronto, où il a été enfermé dans une chambre d'hôtel par les Snakeheads. Le 2 septembre 1999, il a été arrêté avec neuf autres jeunes Chinois à la frontière canado-américaine en tentant d'entrer illégalement aux États-Unis et a été placé en détention.

6.                    Le demandeur a communiqué avec ses parents depuis son arrivée au Canada. Ces derniers lui ont dit avoir appris qu'ils seraient emprisonnés de nouveau si la mère continuait à prêcher l'Évangile.

7.                    En plus de prétendre craindre d'être persécuté du fait de sa religion, le demandeur soutient qu'il est un réfugié sur place parce que les autorités chinoises considéreront qu'il a exprimé une opinion politique en quittant la Chine illégalement et en revendiquant ensuite le statut de réfugié. Il affirme qu'il sera sévèrement puni s'il est renvoyé en Chine. Le fait que les médias aient parlé de son arrestation et de l'audience de la SSR accroît sa crainte.

8.                    Des arguments relatifs au statut de réfugié sur place ont été présentés dans neuf autres demandes de contrôle judiciaire qui ont été entendues en même temps que celle du demandeur. Ces arguments ont été rejetés pour les mêmes motifs dans tous les cas. Ces motifs sont joints aux présents motifs, à l'appendice A.


9.                    La SSR a déterminé que la véritable intention du demandeur en venant au Canada était d'étudier et non de revendiquer le statut de réfugié. C'est d'ailleurs ce qui ressort des notes prises au point d'entrée (PE). À l'audience, le demandeur a dit qu'il ne se souvenait pas si un agent d'immigration lui avait demandé s'il voulait revendiquer le statut de réfugié. Il a indiqué dans son témoignage que c'est un travailleur social qui lui a expliqué ce qu'est le [traduction] « statut de réfugié » .

10.              La SSR a statué que la crainte du demandeur d'être victime de persécution religieuse n'était pas fondée. Selon elle, les autorités auraient pu l'arrêter en même temps que sa mère lors de l'une au l'autre des trois premières arrestations de celle-ci. Elle a donc conclu que le demandeur ne courait aucun risque d'être arrêté.

11.              Se fondant sur la preuve documentaire, la SSR a indiqué qu'il n'existait pas plus qu'une simple possibilité que le demandeur soit victime de persécution religieuse s'il retournait en Chine. L'un des documents produits en preuve indique que les activités religieuses sont généralement tolérées dans la province du Fujian tant qu'elles ne prennent pas une tournure politique. La SSR a souligné qu'elle ne disposait d'aucun élément de preuve démontrant que l'église du demandeur avait pris une tournure politique. Selon un autre document, différentes religions coexistent en Chine sans qu'il y ait de friction importante entre elles. La SSR a conclu en conséquence que l'allégation du demandeur selon laquelle des bouddhistes avaient dénoncé sa famille n'était pas étayée par la preuve.


12.              Le demandeur soutient que la SSR a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que son intention en venant au Canada était d'étudier et non de revendiquer le statut de réfugié. Selon lui, la SSR a omis de tenir compte de son jeune âge et du fait qu'il était sous l'influence et le contrôle de passeurs.

13.              Le demandeur soutient que la SSR a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que les autorités chinoises avaient eu la possibilité de l'arrêter lors des trois premières arrestations de sa mère. Selon l'affidavit du demandeur, ce n'est qu'après sa troisième arrestation que sa mère a été avertie que sa famille serait arrêtée si elle continuait à prêcher l'Évangile. La police ne cherchait pas à arrêter des membres de la famille avant que la mère ignore cet avertissement.

14.              Selon le demandeur, la SSR a aussi commis une erreur en prenant en considération seulement certains documents produits en preuve et non l'ensemble de la preuve documentaire. Il fait valoir que l'un des documents renferme des renseignements qui vont à l'encontre de ceux qui sont cités dans la décision.

15.              La Cour reconnaît que la SSR est un organisme spécialisé dont les conclusions de fait doivent faire l'objet d'une grande retenue : Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 741, au par. 25 (1re inst.), [1994] A.C.F. no 2018 (1re inst.) (QL), le juge Richard (tel était alors son titre). Compte tenu des notes prises au PE, la SSR pouvait raisonnablement considérer que l'intention du demandeur en venant au Canada était d'étudier.


16.              Après avoir passé en revue la preuve relative à la persécution religieuse en Chine, la SSR a conclu que le demandeur n'avait pas démontré, comme il lui incombait de le faire, qu'il existait plus qu'une simple possibilité qu'il soit persécuté à cause de ses activités religieuses s'il retournait en Chine. Bien que la décision ne soit pas un modèle de clarté, il ne fait aucun doute, compte tenu du contexte, que la SSR n'a pas cru l'histoire du demandeur au sujet du prosélytisme incessant de sa mère. La SSR a évalué la crédibilité du demandeur pour en arriver à cette conclusion. Il est vrai qu'un autre tribunal de la Commission aurait pu en arriver à une conclusion différente, mais il n'y a rien de déraisonnable en soi dans la décision de la SSR.

17.              Compte tenu de ces erreurs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

ORDONNANCE

Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Section du statut de réfugié le 16 décembre 1999, dont les motifs sont datés du 14 décembre 1999, est rejetée.

La question suivante est certifiée :


Lorsque le fait qu'un demandeur a présenté une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention est signalé dans les médias au Canada et que, en conséquence, le demandeur revendique le statut de réfugié sur place, est-il nécessaire, pour que ce statut lui soit reconnu, qu'il démontre :

a)          que les reportages des médias sont venus à l'attention des autorités du pays à l'égard duquel il prétend craindre avec raison d'être persécuté, et

b)          que les renseignements donnés dans les reportages étaient suffisants pour permettre aux autorités de l'identifier?

                                                                                                                                  « J. D. Denis Pelletier »      

                                                                                                                                                                 Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                                                             Dossier : IMM-6302-99

                                                                                                                                            APPENDICE A

Réfugié sur place

18.              Les demandes de contrôle judiciaire présentées par dix demandeurs ont été entendues ensemble parce qu'elles soulevaient des questions identiques, notamment celle de savoir si les demandeurs étaient devenus des réfugiés sur place. Chacun des demandeurs avait revendiqué le statut de réfugié devant la Section du statut de réfugié (SSR) parce qu'il prétendait craindre avec raison d'être persécuté à cause de ses prétendues opinions politiques et de son statut de réfugié sur place découlant des reportages parus dans les médias sur son arrestation, sa détention et sa revendication subséquente du statut de réfugié. Des enregistrements sur bandes vidéo de reportages diffusés à la télévision et deux articles parus dans des journaux ont été présentés à la SSR. Les demandeurs prétendaient qu'à cause de ces reportages et de ces articles les autorités chinoises sauraient qu'ils avaient revendiqué le statut de réfugié au Canada et considéreraient les revendications comme des déclarations politiques contre le régime chinois. Les demandeurs soutiennent également qu'ils seront sévèrement punis pour avoir quitté la Chine illégalement. Ils n'ont produit aucune preuve démontrant que les autorités chinoises les traiteraient différemment par suite des reportages faisant état de leurs revendications du statut de réfugié.

19.              Les présents motifs s'appliquent à tous les demandeurs au regard de leur allégation selon laquelle la SSR n'a pas bien évalué leur revendication du statut de réfugié sur place.


20.              La SSR a indiqué que les questions suivantes étaient [traduction] « fondamentales » au regard du statut de réfugié sur place :

[traduction] La Chine serait-elle au courant de la présente revendication du statut de réfugié? Considérerait-elle qu'une personne qui quitte le pays illégalement et revendique le statut de réfugié exprime une opinion politique? Dans l'affirmative, quelles conséquences le revendicateur subirait-il[1]?

21.              La SSR s'est ensuite demandé si la peine que le gouvernement chinois infligerait aux demandeurs pour avoir quitté le pays illégalement équivaudrait à de la persécution au sens de la Convention. Elle a rappelé les principes énoncés dans l'arrêt Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 C.F. 540, [1993] A.C.F. no 584 (C.A.) (QL), selon lesquels les lois ordinaires d'application générale sont présumées être valides et neutres et le demandeur doit démontrer que la loi en question revêt un caractère de persécution pour un motif prévu par la Convention[2]. La SSR a reconnu le principe voulant qu'une loi d'application générale puisse avoir un effet assimilable à de la persécution si la peine qu'elle prévoit est [traduction] « tout à fait disproportionnée par rapport à l'infraction commise » [3]. Elle a toutefois précisé qu'il faut que la peine disproportionnée soit liée à un motif prévu par la Convention pour que le statut de réfugié soit reconnu.


22.              Citant une Réponse à une demande d'information du 22 septembre 1999, la SSR a fait remarquer que les autorités chinoises disposent d'un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'infliction de sanctions aux personnes ayant quitté le pays illégalement. Elle a toutefois souligné que le document n'indiquait pas qu'une peine d'emprisonnement de plus de trois ans pouvait être infligée et que la Chine pouvait considérer la sortie illégale du pays ou la revendication du statut de réfugié comme l'expression d'une opinion politique ou un facteur qui influerait sur la sanction. La SSR a cité le passage suivant :

[traduction] [...] le fait que les personnes qui sont rapatriées en Chine soient rarement emprisonnées s'explique par différents facteurs : l'importance du phénomène de l'immigration illégale de personnes de la province du Fujian, le nombre de personnes rapatriées en Chine après avoir vécu en Australie, au Japon, à Taïwan, aux États-Unis et dans d'autres pays, et l'influence considérable des Snakeheads[4].

23.              La SSR a aussi cité un extrait d'un rapport sur les pays publié en Australie en 1994 :

[traduction] En réponse aux reportages parus dans les médias selon lesquels les personnes rapatriées récemment dans la province du Fujian devaient payer des amendes élevées et fréquenter des centres de rééducation en cas de défaut de paiement, un représentant du Fujian a indiqué que ces personnes avaient été détenues dans un centre du BSP afin que leur identité et leur santé soient vérifiées. Elles seraient ensuite renvoyées dans la ville où elles habitaient, qui sont toutes situées dans la région de Fuzhou. De légères amendes leur seraient infligées. Même si le gouvernement les considérait comme des personnes ayant contrevenu à la loi, il était préférable de les voir comme des victimes du trafic illégal de migrants. Le représentant a reconnu que les récidivistes et les organisateurs ignobles seraient traités plus durement[5].


24.              Une autre Réponse à une demande d'information a été citée pour démontrer que les migrants qui retournent en Chine n'ont pas non plus de motifs objectifs suffisants de craindre d'être harcelés par les Snakeheads[6].

25.              La SSR a tiré les conclusions suivantes :

[traduction] En résumé, la loi chinoise régissant la sortie illégale du pays est une loi d'application générale qui, suivant les lignes directrices établies dans l'arrêt Zolfagharkhani, est présumée valide et neutre. Même s'il soutenait que le régime chinois est généralement oppressif, le revendicateur n'a pas réussi à démontrer que cette loi aurait sur lui un effet analogue à de la persécution liée à un motif prévu par la Convention. En conséquence, il importe peu que le revendicateur puisse être identifié sur les bandes vidéo produites en preuve et que la Chine soit au courant de la présente revendication du statut de réfugié[7].


26.              Les avocats des demandeurs prétendent que la SSR a commis une erreur lorsqu'elle a décidé qu'il importait peu de savoir si les demandeurs pouvaient être identifiés dans les reportages. M. Markaki a fait valoir que la SSR s'est seulement demandé si la peine prévue pour la sortie illégale était de la nature de la persécution, sans déterminer spécifiquement comment les revendications du statut de réfugié des demandeurs dont les médias avaient abondamment parlé allaient être considérées par les autorités chinoises et l'effet que cela pourrait avoir sur la peine qui leur serait infligée. Selon l'avocat, la SSR aurait dû examiner cette question [traduction] « même si elle ne disposait pas d'éléments de preuve documentaire précis, en se servant de ce qu'elle savait des conditions existant dans le pays et les documents généraux produits en preuve qui indiquent qu'un régime oppressif est en place en Chine et que celui-ci ne tolère aucune critique ni opposition politique de quelque sorte que ce soit » [8].

27.              Il existe peu de lignes directrices et de décisions judiciaires sur l'évaluation appropriée des revendications sur place. Selon le Guide du HCR, une personne peut devenir un réfugié sur place pour d'autres raisons que le changement de circonstances dans son pays d'origine :

Une personne peut devenir un réfugié « sur place » de son propre fait, par exemple en raison des rapports qu'elle entretient avec des réfugiés déjà reconnus comme tels ou des opinions politiques qu'elle a exprimées dans le pays où elle réside. La question de savoir si de tels actes suffisent à établir la crainte fondée de persécution doit être résolue à la suite d'un examen approfondi des circonstances. En particulier, il y a lieu de vérifier si ces actes sont arrivés à la connaissance des autorités du pays d'origine et de quelle manière ils pourraient être jugés par elles[9].

28.              Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, la Cour suprême a ouvert la porte aux opinions politiques imputées au revendicateur[10] :

[...] il n'est pas nécessaire que les opinions politiques en question aient été carrément exprimées. Dans bien des cas, le demandeur n'a même pas la possibilité d'exprimer ses convictions qui peuvent toutefois ressortir de ses actes. En pareil cas, on dit que les opinions politiques pour lesquelles le demandeur craint avec raison d'être persécuté sont imputées à ce dernier. Il se peut qu'étant donné qu'il ne s'exprime pas verbalement, le demandeur ait plus de difficulté à établir le rapport existant entre cette opinion et la crainte d'être persécuté, mais cela ne l'empêche pas d'être protégé.


Le motif des opinions politiques semble donc suffisamment souple pour englober la revendication de réfugié sur place des demandeurs.

29.              À mon avis, le problème fondamental dans le cas des demandeurs vient du fait que la SSR ne disposait d'aucune preuve, documentaire ou autre, qui étayait leur revendication du statut de réfugié sur place. Ce problème ressort implicitement des propos suivants formulés par la Cour suprême dans l'arrêt Ward : « Il se peut qu'étant donné qu'il ne s'exprime pas verbalement, le demandeur ait plus de difficulté à établir le rapport existant entre cette opinion et la crainte d'être persécuté » (non souligné dans l'original). Je suis d'accord avec M. Markaki quand il dit que la SSR a limité son analyse à la preuve documentaire traitant des peines applicables en cas de sortie illégale de la Chine. Par contre, je ne pense pas que la SSR aurait dû déterminer comment le gouvernement chinois pourrait considérer le fait de revendiquer le statut de réfugié, [traduction] « même si elle ne disposait pas d'éléments de preuve documentaire précis » . Il aurait fallu, si une distinction doit être faite au regard du traitement réservé aux personnes rapatriées qui ont revendiqué le statut de réfugié au Canada et aux autres personnes rapatriées, et si ce traitement équivaut à de la discrimination fondée sur de prétendues opinions politiques, que la SSR soit saisie d'éléments de preuve à ce sujet. M. le juge Nadon a d'ailleurs dit ce qui suit dans la décision Kante c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[11] :

Il est clair en droit que le fardeau de la preuve incombe au requérant, c'est-à-dire qu'il doit convaincre la section du statut de réfugié que sa revendication satisfait, à la fois, aux critères subjectifs et objectifs nécessaires à la justification d'une crainte de persécution.


30.              En l'absence de preuve documentaire démontrant que les demandeurs seraient persécutés en raison des opinions politiques qui leur seront imputées par suite de leurs revendications du statut de réfugié, il était raisonnable que la SSR ne tire aucune conclusion fondée sur la preuve de publicité. La SSR ne peut pas émettre d'hypothèses sur la question de savoir si cela est favorable ou défavorable aux demandeurs.

31.              Le principe suivant, qui a été élaboré par M. le juge Gibson dans la décision Biko c. Canada (Secrétaire d'État), [1994] A.C.F. no 1741 (1re inst.) (QL), m'est utile également pour analyser la décision de la SSR :

La décision de la SSR doit être interprétée dans son ensemble. J'ajouterais à cela qu'elle doit être interprétée comme un ensemble, compte tenu de tous les éléments de preuve dont disposait la SSR.

32.              Compte tenu du fait que la SSR ne disposait d'aucune preuve établissant les motifs objectifs de la crainte de persécution des demandeurs fondée sur leurs prétendues opinions politiques et que les demandeurs avaient le fardeau de la preuve à cet égard, j'estime que la SSR n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans son évaluation de la revendication du statut de réfugié sur place des demandeurs.

33.              À la fin de l'audience, l'avocat m'a demandé de certifier la question suivante concernant le statut de réfugié sur place :

[traduction] Le fait qu'un pays ayant un caractère généralement oppressif sache que l'un de ses ressortissants a revendiqué le statut de réfugié fait-il de cette personne un réfugié sur place?


34.              À mon avis, cette question n'est pas particulièrement claire à cause de l'imprécision de la notion de « pays ayant un caractère généralement oppressif » . La question en litige en l'espèce était de savoir si le statut de réfugié sur place pouvait être reconnu en l'absence d'une preuve démontrant que la revendication du statut de réfugié de certaines personnes était venue spécifiquement à l'attention des autorités chinoises. À mon avis, la question suivante est plus appropriée, et je suis disposé à la certifier :

Lorsque le fait qu'un demandeur a présenté une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention est signalé dans les médias au Canada et que, en conséquence, le demandeur revendique le statut de réfugié sur place, est-il nécessaire, pour que ce statut lui soit reconnu, qu'il démontre :

a)          que les reportages des médias sont venus à l'attention des autorités du pays à l'égard duquel il prétend craindre avec raison d'être persécuté, et

b)          que les renseignements donnés dans les reportages étaient suffisants pour permettre aux autorités de l'identifier?


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-6302-99

INTITULÉ :                                                     SUE RONG LIU

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 11 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                                             MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                     Le 14 novembre 2001

COMPARUTIONS :

Styliani Markaki                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Daniel Latulippe                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ebrahim, MacLeod et Gervais                                        POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]           Voir IMM-6306-99, dossier des demandeurs, à la p. 11.

[2]           Ibid.

[3]            Ibid., à la p. 13.

[4]           Ibid., à la p. 14.

[5]              Ibid., aux p. 13 et 14.

[6]           Ibid., à la p. 15.

[7]            Ibid.

[8]           Ibid., à la p. 108.

[9]              Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Genève, janvier 1998, à la p. 22.

[10]           [1993] 2 R.C.S. 689, aux p. 746 et 747.

[11]          [1994] A.C.F. no 525 (1re inst.) (QL).

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