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Date : 19990924


Dossier : IMM-5053-98

Entre :

     MUNANGA META

     Partie demanderesse


     - et -


     LE MINISTRE

     Partie défenderesse



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER:


[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue par la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, Section du statut, en date du 9 septembre 1998 qui concluait que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Madame Munanga Meta est citoyenne de la République démocratique du Congo (RDC) (ex-Zaïre). Elle allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raison de son appartenance à l"Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS).

[3]      La demanderesse est devenue membre de l"UDPS en décembre 1995. Elle assistait aux réunions de l"organisation, mais ne participait pas aux manifestations, car elle craignait des représailles. En 1997, le régime de Kabila a remplacé le régime de Mobutu. Les activités politiques étaient interdites mais la demanderesse n"appréhendant pas de représailles, décidait de prendre part aux manifestations de l"UDPS.

[4]      Elle allègue avoir participé à une réunion qui a eu lieu le 15 août 1995 à la permanence de l"UDPS. Les participants ont été arrêtés par des militaires de l"Alliance des Forces démocratiques de libération Congo-Zaïre (AFDL). Ils ont été envoyés au camp Kokolo. La demanderesse aurait été transférée dans une résidence servant de prison où elle aurait été détenue pendant un mois et aurait subi de mauvais traitements. Sa tante aurait organisé son évasion avec l"aide d"un militaire du camp Kokolo. Elle s"est cachée chez sa tante jusqu"à son départ. Enfin, la demanderesse prétend avoir participé aux manifestations de l"UDPS au Canada à l"encontre du régime de Kabila.

[5]      La Section du statut a conclu que la revendication de la demanderesse n"était pas crédible quant aux éléments clés de sa revendication.

[6]      La demanderesse soumet d"abord que le tribunal a erré en rejetant sa demande de récusation du commissaire Sordzi.

[7]      En effet, au début de l"audience, l"avocat de la demanderesse a demandé à M. Sordzi de se récuser alléguant l"existence d"une appréhension raisonnable de partialité. Cette appréhension de partialité émane de deux éléments. Une lettre écrite le 9 juin 1992 d"un ancien président de l"Association Québécoise des avocats et avocates en droit de l"immigration (AQAADI) qui recommandait de ne pas renouveler le mandat de quatre commissaires dont M. Sordzi. Le deuxième élément était une rencontre fortuite entre M. Sordzi et l"avocat de la demanderesse.

[8]      Pour ce qui est de la lettre, la lecture de celle-ci ne laisse aucunement supposer que le procureur de la demanderesse était d"accord avec la recommandation de non-renouvellement du commissaire Sordzi.

[9]      Je vois mal comment M. Sorzdi aurait pu lui en imputer le contenu sauf si un tel sujet avait fait l"objet d"une conversation lors de leur rencontre.

[10]      Or, comme le souligne correctement le procureur du défendeur, aucun affidavit du procureur de la demanderesse consignant ses faits ne fut déposé à l"appui de la demande de contrôle judiciaire.

[11]      Il n"y a donc aucune preuve au dossier qui permet de soutenir les allégations de crainte de partialité.

[12]      Quant aux motifs donnés par le tribunal concernant la crédibilité de la demanderesse en ce qui a trait aux éléments clés de sa revendication, je ne peux conclure qu"ils soient déraisonnables. Par exemple, il était raisonnable pour le tribunal de conclure qu"il était fort peu crédible pour une personne qui s"abstenait de manifester sous le régime de Mobotu, de participer à des manifestations sous le nouveau régime de Kabila alors qu"il avait interdit les partis politiques.

[13]      Il est aussi raisonnable de conclure que l"ignorance de la répression était peu crédible pour une personne qui connaît la tenue des manifestations lorsque la preuve documentaire fait état que l"UDPS se fait un devoir de dénoncer la répression des autorités.

[14]      Également, je trouve raisonnable pour le tribunal de trouver invraisemblable que la demanderesse ne voit aucun militaire alors que le journal Tam Tam du 16 août 1997 indique qu"ils étaient déjà à la permanence lors de son arrivée. Le tribunal note aussi qu"une militante active n"aurait pas de confusion quant à l"identité du cofondateur de l"UPDS. La demanderesse dit que M. Mpanya est un coordonnateur de l"UDPS, alors que la preuve documentaire le décrit comme étant le cofondateur de l"UDPS.

[15]      De plus, le tribunal retient que les simples membres et militants des partis politiques d"opposition n"ont pas de crainte de persécution au RDC dans l"éventualité d"un retour. Cette conclusion trouve appuie dans la preuve au dossier. Une directive des Nations Unis à l"égard des réfugiés du RDC daté du 5 janvier 1998 précise :

This category of genuine refugees or asylum seekers should exclude sympathisers or members who were not playing a substantial role within their political parties.1

[16]      Finalement, le tribunal a trouvé suspect le fait que la demanderesse ait omis de mentionner dans le formulaire de renseignements personnels que des militaires se sont rendus trois fois à son domicile pour la retrouver. Dans l"affaire Grinevich2, le juge Pinard adresse l"existence des omissions importantes:

Lorsqu'un demandeur du statut de réfugié omet de mentionner des faits importants dans son FRP, la Commission peut légitimement considérer que cette omission porte atteinte à sa crédibilité.

[17]      Bref, rien dans ce dossier ne justifie l"intervention de cette cour pour ce qui est de la crédibilité de la demanderesse. Cependant, la décision du tribunal n"adresse pas les activités de la demanderesse au Canada et ne traite pas des répercussions d'un retour éventuel au RDC. Dans la décision de Manzila c. Canada (M.C.I.)3, le juge Hugessen a conclu que le commissaire a erré en ignorant les activités du demandeur au Canada.

L'erreur du commissaire, soit dit avec respect, était qu'il a complètement omis de traiter de la seconde partie de la revendication du demandeur, c'est-à-dire sa prétention que ses activités ici au Canada aurait pour lui des répercussions importantes dans son pays d'origine.    Le commissaire mentionne ces activités au tout début de sa décision mais il n'écarte pas la réclamation du demandeur à l'effet que ces activités ici font de lui un réfugié indépendamment de ses activités dans son pays d'origine.4


[18]      Dans les circonstances, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. Le dossier est retourné devant un panel nouvellement constitué pour qu"il étudie la question de savoir si les activités de la demanderesse pourraient en faire une réfugiée indépendamment de ses activités dans son pays d"origine.



     "Danièle Tremblay-Lamer

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 septembre 1999

__________________

1      Pièce A-7, Guidelines for Refugees and Asylum Seekers from the Democratic Republic of Congo .

2      Grinevich c. Canada (M.C.I.) (le 11 avril, 1997), IMM-1773-96 (C.F. 1ère inst.).

3      (Le 22 septembre 1998), IMM-4757-97 (C.F. 1ère inst.).

4      Ibid. paragraphe 4.

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