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                                                                                                                                  Date : 19991117

                                                                                                                       Dossier : IMM-5424-98

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 1999

En présence de Monsieur le juge Denault

Entre :

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                                                       MOHINDER SINGH BISLA

                                                                                                                                             défendeur

                                                                ORDONNANCE

            La Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire.

                                                                                                                            Signé : Pierre Denault         

                                                                                                  _____________________________

                                                                                                                                                     Juge                    

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.


                                                                                                                                  Date : 19991117

                                                                                                                       Dossier : IMM-5424-98

Entre :

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                                                       MOHINDER SINGH BISLA

                                                                                                                                             défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge DENAULT

[1]         Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire contre la décision en date du 29 septembre 1998 par laquelle la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, faisant droit à l'appel du demandeur, a annulé, pour cause d'illégalité, le refus d'agréer la demande de droit d'établissement soumise par Gurpreet Singh Bisla et Samanroop Kaur Bisla.

[2]         Le défendeur, qui a 49 ans, est citoyen canadien. Né en Inde, il a reçu le droit d'établissement au Canada en septembre 1980 avec le parrainage de sa femme. Les deux se sont mariés en 1980 mais n'ont pas d'enfant issu du mariage, malgré les traitements contre l'infertilité.

[3]         Le défendeur a parrainé la demande de droit d'établissement d'un neveu, Gurpreet Singh Bisla (Gurpreet), et d'une nièce, Samanroop Kaur Bisla (Samanroop), tous deux mineurs et citoyens indiens. Gurpreet est né en décembre 1987 et Samanroop, en mai 1990. Le défendeur est leur oncle, puisque leur père est son frère.

[4]         Le 23 novembre 1992, le défendeur et sa femme ont donné procuration à Han Raj Ranwa pour adopter Gurpreet en leur nom. La cérémonie d'adoption a eu lieu de 2 février 1993, selon l'acte d'adoption signé par les père et mère de Gurpreet et le mandataire du défendeur. Cet acte a été enregistré le 24 septembre 1994.

[5]         En 1994, le défendeur et sa femme ont envoyé une procuration datée du 22 juin 1994 à Kundan Lal Chawla pour adopter Samanroop en leur nom. La cérémonie d'adoption a eu lieu le 19 septembre 1994, selon l'acte d'adoption signé et enregistré le 24 septembre 1994.

[6]         En mars 1995, le défendeur a soumis un engagement d'aide à l'égard des deux enfants, mais l'agent des visas saisi a rejeté leur demande de droit d'établissement par ces motifs :

[TRADUCTION]

- l'article 11(vi) de la loi Hindu Adoptions and Maintenance Act,1956 (la loi HAMA) n'a pas été observé, puisque le père biologique n'a pas donné les enfants et le défendeur ne les a pas acceptés en adoption dans l'intention de faire passer chacun d'eux de leur famille d'origine à celle du défendeur;

- l'adoption n'a pas créé un véritable lien de filiation entre le défendeur et chacun des deux enfants;

- l'adoption avait pour seule fin de permettre aux enfants d'être admis au Canada au titre de la catégorie de la famille.

[7]         La section d'appel était saisie de la question de savoir si le neveu et la nièce du défendeur avaient été adoptés en bonne et due forme et remplissaient les conditions prévues à la définition du terme « adopté » au paragraphe 2(1) du règlement relatif à l'admission et au renvoi hors du Canada de personnes qui ne sont pas citoyens canadiens (Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172) :

2.(1) In these Regulations,

"adopted" means a person who is adopted in accordance with the laws of a province or of a country other than Canada or any political subdivision thereof, where the adoption creates a genuine relationship of parent and child, but does not include a person who is adopted for the purpose of gaining admission to Canada or gaining the admission to Canada of any of the person's relatives.

2.(1) Dans le présent règlement,

« adopté » Personne adoptée conformément aux lois d'une province ou d'un pays étranger ou de toute subdivision politique de celui-ci, dont l'adoption crée avec l'adoptant un véritable lien de filiation. La présente définition exclut la personne adoptée dans le but d'obtenir son admission au Canada ou celle d'une personne apparentée.

                                                                                                                                    (Dossier du demandeur, languette D, no 1)

[8]         La section d'appel a examiné les preuves et témoignages produits pour conclure, compte tenu de l'infertilité des parents adoptifs et de leur désir d'avoir des enfants, de la grave maladie cardiaque du frère du défendeur, c'est-à-dire du père biologique des deux enfants, du mal qu'il avait à pourvoir à leurs besoins, du soin que le défendeur assurait à ces derniers ainsi que des arrangements et des efforts qu'il avait faits pour leur compte, que Gurpreet et Samanroop avaient été adoptés conformément au règlement. Elle a donc annulé la décision de l'agent des visas, qui n'était pas conforme à la loi.

[9]         Le premier argument proposé par le demandeur est que la section d'appel n'a pas examiné si l'adoption des deux enfants était conforme à l'alinéa 11(vi) de la loi HAMA[1], savoir s'il y a eu effectivement abandon à l'adoption et prise en adoption par les parents ou par le tuteur concernés. Le demandeur fait valoir à ce sujet que, selon les preuves et témoignages produits, ni le défendeur ni sa femme n'assistait aux cérémonies d'adoption de Gurpreet et de Samanroop. Et que la section d'appel a confondu l'intention des parents biologiques d'abandonner les enfants à l'adoption et des parents adoptifs de les prendre en adoption, avec la procédure formelle prévue par la loi.

[10]       À mon avis, il était loisible à la section d'appel de conclure, à la lumière des éléments de preuve dont elle était saisie, qu'en adoptant ces enfants, le défendeur s'est conformé à la loi Hindu Adoptions and Maintenance Act,1956. Puisque le demandeur n'a pas contesté les procurations[2] signées par les parents adoptifs, il n'était pas déraisonnable de la part de la section d'appel de conclure, même si le défendeur et sa femme ne prenaient pas part aux cérémonies d'adoption de Gurpreet et de Samanroop, que les enfants avaient été effectivement abandonnés à l'adoption par leurs parents biologiques et pris en adoption par le défendeur et sa femme.

[11]       En deuxième lieu, le demandeur reproche à la section d'appel de ne pas avoir examiné si ces adoptions ont créé un véritable lien de filiation, au sens de la définition d' « adopté » au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978. Selon le demandeur, la section d'appel s'est fondée sur l'intention des parents et non sur les faits pour conclure à l'existence de cet élément.

[12]       À mon avis, cet argument ne tient pas. Après avoir examiné plusieurs facteurs touchant l'authenticité du lien de filiation, la section d'appel a conclu à l'existence de ce lien. Cette conclusion est une conclusion sur les faits, laquelle, à mon avis, n'a pas été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou au mépris des éléments de preuve produits.

[13]       Enfin, le demandeur reproche à la section d'appel de ne pas avoir examiné si les adoptions en question avaient été faites en vue d'obtenir l'admission des enfants au Canada.

[14]       Cet argument ne tient pas non plus. La section d'appel a conclu que ces adoptions étaient motivées par la volonté du défendeur et de son frère de s'entraider et aussi de satisfaire un besoin que l'un et l'autre éprouvaient chacun de son côté[3]. En conséquence, elle a conclu que les enfants avaient été adoptés conformément au Règlement sur l'immigration de 1978. Je suis convaincu que par cette constatation, elle a conclu que leur adoption n'avait pas pour seul but d'assurer leur admission au Canada.

[15]       Par ces motifs, je conclus qu'il n'y a pas lieu pour la Cour d'intervenir. Le recours en instance est donc rejeté. Il n'y a aucune question grave de portée générale à certifier en application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.

                                                                                                                            Signé : Pierre Denault         

                                                                                                  _____________________________

                                                                                                                                                     Juge                    

Ottawa (Ontario),

le 17 novembre 1999

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                  AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :                        IMM-5424-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :             M.C.I. c. Mohinder Singh Bisla

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :    4 novembre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DENAULT

LE :                                                      17 novembre 1999

ONT COMPARU:

Mme Pauline Anthoine                            pour le demandeur

Mme Myra R. Elson                                            pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Lorie-Jane Turner                                              pour le demandeur

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Mme Myra R. Elson                                            pour le défendeur



[1][TRADUCTION]

11. Toute adoption est subordonnée aux conditions suivantes :

(vi) l'enfant adoptif doit être effectivement donné et pris en adoption par les parents ou par le tuteur concernés, que ce soit directement ou avec leur permission, dans l'intention de faire passer l'enfant de sa famille d'origine (ou, s'il s'agit d'un enfant abandonné ou de père et de mère inconnus, du lieu ou de la famille où il a grandi) à la famille adoptive.

[2]Pages 62 à 67 du dossier du tribunal administratif.

[3]Selon la décision de la section d'appel, en page 4 : « l'appelant tient à aider son frère qui était malade et risquait de ne pouvoir pourvoir aux besoins d'une famille nombreuse; il désirait de son côté avoir des enfants. Son frère Balbir voulait répondre au voeu de l'appelant d'avoir des enfants et cherchait à donner à deux de ses enfants au moins la chance d'un meilleur avenir auprès de celui-ci. »

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