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Date : 20000829


Dossier : IMM-2335-99

OTTAWA (Ontario), le 29 août 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

     TEODORE SORIANO

     demandeur

     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur

     VU la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir le contrôle judiciaire et l'annulation de la décision rendue par un arbitre en date du 22 avril 1999 dans le cadre d'une enquête sur l'admission du demandeur au Canada, tenue le 22 avril 1999, portant que le demandeur est une personne décrite au sous-alinéa 19(1)c.1)(i) et à la suite de laquelle une mesure d'expulsion a été prise;

     ET APRÈS avoir entendu les avocats des parties le 23 août 2000 et rejeté oralement la demande, à la fin de l'audition;



ORDONNANCE


     LA COUR STATUE ET CONFIRME QUE :


     1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     2.      La question suivante est certifiée en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi comme question grave de portée générale :

         L'arbitre qui mène une enquête visant à déterminer si un intéressé est visé par le sous-alinéa 19(1)c.1)(i) de la Loi sur l'immigration a-t-il l'obligation de vérifier si une déclaration de culpabilité mentionnée dans le rapport, qui a été prononcée dans un autre pays, a été portée en appel et, le cas échéant, si l'appel a été accueilli, et si la déclaration de culpabilité mentionnée dans le rapport visait l'infraction mentionnée dans le rapport ou un infraction moindre?



« W. Andrew MacKay »

JUGE




Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.



Date : 20000829


Dossier : IMM-2335-99

ENTRE :

     TEODORE SORIANO

     demandeur

     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur






     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


Le juge MacKAY


[1]          Les présents motifs confirment ceux que j'ai prononcés oralement à la fin de l'audition de la demande de contrôle judiciaire tenue à Toronto (Ontario), le 23 août 2000 lorsque j'ai dit que j'étais d'avis de rejeter la demande, sous réserve de l'examen de la certification d'une question.

[2]          Le demandeur est un citoyen des Philippines qui est arrivé au Canada muni d'un visa de visiteur. Il a alors tenté d'entrer aux États-Unis, mais les autorités de l'immigration des États-Unis lui ont refusé l'entrée dans ce pays, apparemment parce qu'il y avait déjà été déclaré coupable d'infractions criminelles. Il a alors fait l'objet d'un rapport présenté par un agent de l'immigration canadienne en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée. Un arbitre a donc tenu une enquête sur ce rapport dans le but de déterminer si le demandeur était inadmissible au Canada parce qu'il n'était ni citoyen ni résident permanent du Canada et qu'il avait commis, à l'étranger, une infraction qui, si elle avait été commise ici, aurait été punissable d'un emprisonnement pouvant atteindre dix ans. La conclusion que le demandeur se trouve effectivement dans cette situation le placerait dans la catégorie des personnes visées au sous-alinéa 19(1)c.1)(i) et non admissibles au Canada.

[3]          Lors de l'enquête tenue le 22 avril 1999, l'arbitre a conclu que le demandeur appartenait à la catégorie décrite dans cette disposition de la Loi. Une mesure d'expulsion a été prise contre lui. Voici la transcription d'une partie de l'enquête (Q : Agent chargé de présenter les cas; R ou l'intéressé : M. Soriano) :

         Q : Êtes-vous un citoyen ou un résident permanent du Canada?
         R: Non Monsieur.
         Q : Le rapport allègue que vous avez été déclaré coupable en Californie le 8 mai 1991 d'une infraction de faux ou contrefaçon (inaudible) à déposer.
         R : Oui Monsieur.
         Q : Avez-vous été déclaré coupable de cette infraction?
         R : Oui Monsieur.
         Q : Voici une copie du California Penal Code concernant cette infraction. J'aimerais la déposer comme pièce.
         L'ARBITRE : Ce sera la pièce C-2
         - - - PIÈCE C-2 : Copie du California Penal Code
         Q : Avez-vous aussi été déclaré coupable en Californie le 30 novembre 1994 de vol d'une somme importante (grand theft)?
         R : Oui. J'ai simplement plaidé coupable d'une infraction réduite de délit. Une copie de la lettre de mon avocat...
         Q : Oui...
         R : (inaudible)
         Q : J'en ai une copie.
         R : J'ai entièrement restitué le montant de cette infraction et je dois dire qu'aujourd'hui je suis vraiment désolé de ce que j'ai fait.
         Q : Le montant -- le montant total de votre vol était onze mille dollars (11 000 $)?
         R : Oui Monsieur. Je l'ai restitué en entier.
         Q : Voici la lettre de votre avocat dont vous avez parlé. Elle décrit ce qui s'est passé devant le tribunal. J'aimerais (inaudible - bande coupée).
         L'ARBITRE : C--3
         - - - PIÈCE C-3 : Lettre de l'avocat
         Q : Et voici une copie de l'article 487 du code californien qui prévoit l'infraction de vol d'une somme importante.
         R : Oui Monsieur.
         L'ARBITRE : C'est la pièce C-4
         - - - PIÈCE C-4 : Copie de l'article 487 du code californien pour vol d'une somme importante
         AGENT CHARGÉ DE PRÉSENTER LES CAS : Merci, je n'ai rien d'autre.
         L'ARBITRE : Voulez-vous ajouter quelque chose, Monsieur? Une preuve que vous possédez?
         L'INTÉRESSÉ : Non Monsieur. Je veux simplement retourner dans mon pays le plus tôt possible.
         L'ARBITRE : C'est bien, alors la preuve n'est pas contestée. Il est clair que vous n'êtes pas un citoyen ni un résident permanent du Canada. En examinant le droit des États-Unis et en le comparant au droit canadien, je conclus que l'équivalence (inaudible) selon le contenu devant la Cour est exacte et qu'il faut prendre une mesure d'expulsion obligatoire.
         L'INTÉRESSÉ : Oui Monsieur.


[4]          Après l'audition, on a constaté, sur la foi du témoignage de l'ancien avocat du demandeur aux États-Unis, que la déclaration de culpabilité du demandeur relativement à la première infraction mentionnée, en 1991, a été portée en appel avec succès et que sa condamnation a été annulée. De plus, la deuxième infraction mentionnée, en 1994, a finalement mené à une déclaration de culpabilité pour simple délit à la suite d'une négociation de plaidoyers. Après l'audition et de la décision de l'arbitre, cette preuve, du moins en ce qui concerne la première infraction, a été fournie par l'ancien avocat de M. Soriano à l'avocat qui le représente en l'espèce. Elle n'a pas été présentée à l'arbitre.

[5]          Le demandeur fait valoir que l'arbitre, lorsqu'il se prononce sur l'équivalence entre l'infraction prévue par le droit américain et une infraction comparable reconnue par le droit canadien, doit examiner les textes législatifs en cause pour déterminer si les deux infractions sont équivalentes. Il prétend qu'au cours de cet exercice, l'arbitre doit établir les éléments essentiels de l'infraction sous les régimes législatifs respectifs. Il avance qu'en vertu de la loi, tant américaine que canadienne, la question de savoir si un appel a été formé et accueilli à la suite de la déclaration de culpabilité constitue un élément essentiel de toute condamnation. Quant à la deuxième infraction en cause, il plaide que l'arbitre était tenu de considérer une condamnation équivalente à une condamnation pour un délit et non pour le vol d'une somme importante, infraction dont le demandeur avait d'abord été accusé.

[6]          Le demandeur plaide essentiellement qu'un arbitre, lorsqu'il mène une enquête relativement à un rapport selon lequel une personne peut appartenir à la catégorie décrite au sous-alinéa 19(1)c.1)(i), a l'obligation de vérifier si un appel a été formé et, le cas échéant, quelle en a été l'issue, ainsi que si une condamnation mentionnée dans le rapport relativement à une infraction a finalement donné lieu à une déclaration de culpabilité d'une infraction moindre à la suite d'une négociation de plaidoyers ou d'une autre entente.

[7]          Je ne suis pas convaincu que l'arbitre avait cette obligation. Il est clair que, lorsque la question de savoir si une condamnation prononcée en vertu du droit étranger équivaut à une condamnation prononcée en vertu du droit canadien est soulevée devant lui, l'arbitre doit examiner les éléments essentiels des infractions qui seraient comparables. Lorsque cette question n'est pas soulevée, comme en l'espèce, je crois que l'arbitre a le droit de s'appuyer sur la preuve offerte dans le rapport de l'agent d'immigration et par l'intéressé. Dans le cadre du contrôle judiciaire de cette décision, la Cour s'intéresse à la question de savoir si la conclusion de l'arbitre en ce qui concerne l'équivalence des infractions est correcte par rapport à la preuve présentée à l'arbitre, qui n'a pas l'obligation de mener une enquête dont la portée irait au-delà de la preuve produite. Je tiens à souligner que l'arbitre, en l'espèce, a informé le demandeur de ce qui suit au début de l'audition :

[Traduction] L'ARBITRE : Monsieur, vous avez le droit de vous faire représenter par un avocat ou une autre personne avant le début de la procédure et je suis prêt à reporter l'audience à une autre date pour vous donner cette possibilité. Vous pouvez aussi choisir de comparaître en votre propre nom.
L'INTÉRESSÉ : Je comparais en mon propre nom.

[8]          Selon la preuve produite devant l'arbitre, j'estime qu'aucune erreur de droit ni de fait qui justifierait l'intervention de la Cour n'a été commise. Au regard de cette preuve, à tout le moins, la conclusion de fait portant qu'une déclaration de culpabilité a été prononcée relativement à l'infraction de 1991 était raisonnable et son équivalence avec une infraction prévue par le droit canadien punissable comme le prévoit le sous-alinéa 19(1)c.1)(i) n'était pas erronée. Cette équivalence n'a pas été contestée, sauf sur le fondement de la preuve qui n'a été connue qu'après l'audition et selon laquelle le demandeur, après avoir été déclaré coupable, a interjeté appel avec succès.

[9]          Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, comme le confirme l'ordonnance écrite.

[10]          Le demandeur a soutenu que la question suivante devait être certifiée pour être examinée par la Cour d'appel en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.

L'arbitre qui mène une enquête visant à déterminer si un intéressé est visé par le sous-alinéa 19(1)c.1)(i) de la Loi sur l'immigration a-t-il l'obligation de vérifier si une déclaration de culpabilité mentionnée dans le rapport, qui a été prononcée dans un autre pays, a été portée en appel et, le cas échéant, si l'appel a été accueilli, et si la déclaration de culpabilité mentionnée dans le rapport visait l'infraction mentionnée dans le rapport ou un infraction moindre?

[11]          La réponse à une question certifiée doit résoudre l'appel; voir Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1994), 176 N.R. 4. La question proposée découle de l'argumentation qui m'a été présentée. Bien que, dans les circonstances de l'espèce, cette question n'ait pas été soulevée devant l'arbitre, la question concernant l'obligation de cet agent dans le cadre d'une enquête constitue selon moi une question grave de portée générale. Si la Cour d'appel y répond par l'affirmative, sa réponse réglera l'appel en l'espèce.

[12]          L'ordonnance délivrée aujourd'hui certifie la question proposée comme question grave de portée générale car elle touche les responsabilités d'un arbitre qui mène une enquête en vertu de la Loi sur certaines personnes qu'un rapport qualifie d'inadmissibles au Canada.




                             _)     

                                     « W. Andrew MacKay »

     ___________________________

                                         JUGE


OTTAWA (Ontario)

29 août 2000




Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-2335-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Teodore Soriano c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              23 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MacKAY

EN DATE DU :                  29 août 2000


ONT COMPARU :

Me W. Lloyd MacIlquham              POUR LE DEMANDEUR

Me Kevin Lunney                  POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me W. Lloyd MacIlquham              POUR LE DEMANDEUR


Me Morris Rosenberg              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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