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                                                                                                                                       T-2680-95

                                                                                                                                       T-2682-95

 

 

Ottawa (Ontario), le mercredi 2 avril 1997

 

En présence de M. le juge Gibson

 

 

 

Entre :

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29,

 

ET des appels d'une décision d'un juge de

la citoyenneté,

 

ET MAY MAY HELEN LEE,

 

ET KAM KIN KENNETH LEE,

 

                                                                                                                                       appelants.

 

 

                                                    MOTIFS DU JUGEMENT

                                                             ET JUGEMENT

 

 

 

LE JUGE GIBSON

 

            Les appelants, qui sont mari et femme, en appellent d'une seule décision de la Cour de la citoyenneté qui a refusé leurs demandes de citoyenneté canadienne.

 

            Le juge de la citoyenneté a conclu que les appelants qui ont obtenu le statut d'immigrants reçus au Canada le 1er mars 1989 avaient [TRADUCTION] «[...] quelques attaches avec le Canada», mais que «la qualité de [leurs] attaches avec Hong Kong et la durée de [leurs] absences du Canada pendant les quatre ans précédant [leurs] demandes indiquent que le Canada n'est pas le lieu où [ils] vivent régulièrement, normalement et habituellement».  «Pendant la période de quatre prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, les appelants ont été absents du Canada pendant 1 145 jours, ce qui fait qu'il leur manque près de 780 jours sur la période de résidence exigée pour obtenir la citoyenneté canadienne.

 

            Dans les motifs d'un jugement rendu sur un appel en matière de citoyenneté dans Re Banerjee[1], appel portant également sur la résidence, le juge Dubé écrit ceci :

Toutefois, chaque cas est un cas d'espèce.  C'est la qualité de l'attachement au Canada qui doit être examinée.  Aucun élément particulier, ni aucun nombre d'éléments, ne saurait être déterminant dans quelque cas que ce soit[...]  La durée des absences en soi n'est pas déterminante.  Toutefois, lorsque l'on considère l'ensemble des circonstances qui entourent ces absences, leur durée peut consitituer un facteur d'appréciation de la qualité de l'attachement au Canada de la personne en cause[...]      [citations omises]

 

 

            Dans la décision Re Koo[2], Mme le juge Reed a énoncé six questions qu'il est utile de se poser dans des cas comme celui-ci.  Elle écrit ceci :

La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante : le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant «vit régulièrement, normalement ou habituellement».  Le critère peut être tourné autrement : le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence?  Il y a plusieurs questions que l'on peut poser pour rendre une telle décision :

 

(1)la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

 

(2)où réside la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

 

(3)la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

 

(4)quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

 

(5)l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

 

(6)quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

 

 

            En l'espèce, l'appelant a été longtemps employé dans une banque de Hong Kong.  Peu après avoir obtenu le droit d'établissement au Canada, il est retourné à Hong Kong où il a repris son emploi jusqu'à sa démission le 30 septembre 1991.  L'appelante est demeurée avec son mari et, en fait, ses périodes d'absence du Canada sont identiques à celles de ce dernier.  L'appelante accompagnait et appuyait son mari tant sur le plan personnel que pour prendre soin de sa mère âgée vivant à Hong Kong. 

 

            Après que l'appelant eut quitté son emploi à la banque, les appelants sont demeurés en Extrême-Orient jusqu'au milieu de février 1992.  Ils sont alors revenus au Canada et y sont demeurés pendant quelque huit mois et demi, à l'exception de deux brèves visites aux États-Unis.  Pendant leur période de résidence au Canada, les appelants ont formé une société, y ont investi des sommes considérables qui ont ensuite été investies dans l'immobilier à Vancouver.  La société s'occupe de construction et de gestion d'immeubles.

 

            À la fin de cette période de huit mois et demi, les appelants sont retournés en Extrême‑Orient pendant une période de 360 jours.  Ce long séjour a été suivi d'un court séjour de deux semaines au Canada, d'une autre période de 164 jours à Hong Kong ou en Chine, d'une période de moins de trois semaines au Canada suivie de nouveau par une période de 160 jours à Hong Kong ou en Chine, d'une période de trois semaines au Canada, et finalement d'une période de 78 jours à Hong Kong ou en Chine qui a mis fin à la période de quatre ans pertinente en l'espèce.

 

            D'après les faits des appels dont je suis saisi, je répondrais de la façon suivante aux questions qui sont posées dans la décision Re Koo :

 

(1)Les appelants ont été présents au Canada pendant une période de huit mois et demi suivie de longues absences plus récentes.  Pendant cette période, ils ont pris des mesures importantes pour centraliser leur mode de vie ou d'existence au Canada.

 

(2)Les liens familiaux les plus importants des appelants semblent être la mère âgée de l'appelant qui vit à Hong Kong.

 

(3)Je conclus que la forme de présence physique des appelants au Canada après leur premier séjour de huit mois et demi ressemble davantage à une visite qu'à un retour chez soi.  La preuve dont je suis saisi n'indique pas que les appelants ont géré activement leur entreprise à Vancouver, en dehors de leur séjour de huit mois et demi au Canada.

 

(4)Leurs absences physiques sont considérables.  Ces absences avaient pour but de prendre soin de la mère âgée du requérant à Hong Kong et de veiller à des intérêts commerciaux en Chine.

 

(5)Les absences du Canada, dans la mesure où elles avaient pour but de prendre soin de la mère âgée de l'appelant à Hong Kong peuvent être considérées comme étant de nature temporaire étant donné qu'elle est malade, sans pour autant souhaiter que tel soit le cas.  De même, l'appelant décrit ses intérêts commerciaux en Chine comme «temporaires», mais il reste à déterminer si cela se concrétisera.

 

(6)Finalement, les attaches des appelants avec le Canada semblent être plus importantes et à plus long terme que celles qui existent avec tout autre pays mais, d'après l'ensemble de la preuve dont je suis saisi, je doute fort que les appelants aient centralisé leur mode de vie au Canada.

 

            Compte tenu des conclusions précitées, et conscient du fait que ces appels sont de la nature d'audiences de novo, je conclus que les appels doivent être rejetés.

 

            L'avocat des appelants attire mon attention sur la règle 903 des Règles de la Cour fédérale[3] et, en particulier, sur l'obligation qui est faite à un juge de la citoyenneté par cette règle, sur réception d'une copie d'un avis d'appel, de transmettre au greffe le dossier intégral visé par un officier de justice compétent.  Le premier dossier visé qui a été transmis au sujet de ces appels était très incomplet.  L'avocat a signalé ce point.  Un dossier visé modifié a été fourni, mais il était tout aussi incomplet.  Ce n'est qu'après que l'avocat eut de nouveau exprimé ses préoccupations que le dossier intégral et visé a finalement été produit.  Il incombe aux juges de la citoyenneté et à leur personnel de soutien de se conformer pleinement et sans délai à la règle 903.  Il ne devrait pas incomber au greffe ou à l'avocat des appelants de veiller à ce que ces obligations soient respectées.

 

            Par conséquent, les appels sont rejetés.

 

 

                                                                                          FREDERICK E. GIBSON        

                                                                                                            Juge

 

 

 

 

Ottawa (Ontario)

le 2 avril 1997

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                           

 

François Blais, LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

 

N° DU GREFFE :T-2680-95

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE : LOI SUR LA CITOYENNETÉ c.

                                                            MAY MAY HELEN LEE

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :LE 26 MARS 1997

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

DATE :LE 2 AVRIL 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

SHELDON ROBINS                                     POUR LES APPELANTS

 

PETER K. LARGE                                                    AMICUS CURIAE

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

SHELDON M. ROBINS                                           POUR LES APPELANTS

AVOCAT ET PROCUREUR

TORONTO (ONTARIO)



    [1]  (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 235 (C.F. 1re inst.)

    [2]  (1993) 1 C.F. 286, pages 293-94

    [3]  C.R.C. 1978, ch. 663

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