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                                                                                                                               Date : 20040702

                                                                                                                    Dossier : IMM-2908-03

                                                                                                                 Référence : 2004 CF 928

ENTRE :

                                                          CATHERINE CECILIA

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de l'agent d'examen des risques avant renvoi Linda Parker (l'agent), datée du 10 mars 2003, statuant que la demanderesse n'est ni une « réfugiée » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » suivant les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

[2]         Catherine Cecilia (la demanderesse) est une citoyenne de la Malaisie qui allègue craindre la persécution aux mains des musulmans fanatiques malais parce qu'elle est catholique et tamoule. La demanderesse allègue aussi être une personne à protéger.


[3]         Selon l'agent, la demanderesse ne fait pas face à un risque personnel. De plus, l'agent a conclu que non seulement la demanderesse n'avait pas repoussé la présomption de la capacité de ltat de la protéger, mais qu'elle pouvait aussi bénéficier d'un refuge interne en Malaisie.

[4]         D'abord, la soumission de la demanderesse, dans son mémoire, au sujet du manque de compétence de l'agent est sans fondement. Les articles 112 à 114 de la Loi donnent au Ministre le pouvoir d'évaluer une demande de protection; en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi, le Ministre peut déléguer ce pouvoir à toute personne qu'il désigne; ainsi, l'agent avait pleinement compétence pour rendre la décision en cause.

[5]         La demanderesse soumet par ailleurs que l'agent a erré en concluant que le risque auquel elle fait face n'est pas un risque personnel. À cet égard, l'agent note les incohérences entre le témoignage de la demanderesse et le Formulaire de renseignements personnels (FRP) au sujet de l'endroit où a eu lieu l'incident du 13 mars 2001; il souligne en outre que la demanderesse s'est contredite au sujet de l'incident du 21 mars 2001, elle qui a indiqué dans son FRP que son fils avait été battu avec une barre de fer et qui a ensuite témoigné pour dire que ctait plutôt son mari qui avait été ainsi battu. Ces incohérences ou contradictions sont importantes, puisqu'elles mettent en question les incidents fondamentaux de la revendication. Il était donc raisonnable pour l'agent de conclure, considérant en outre la preuve documentaire, qu'une personne telle la demanderesse ne ferait pas face à un risque personnel de persécution en Malaisie.

[6]         Les notes de l'agent révèlent aussi clairement le bien-fondé de son analyse en ce qui concerne la question de la protection de l'État et du refuge interne disponible. D'abord, au sujet de la protection de ltat, l'agent m'apparaît avoir respecté les principes applicables en la matière, tels que résumés par la Cour d'appel fédérale dans Mendivil c. Canada (Secrétaire d'État), [1994] A.C.F. no 2021 (QL) :


Il est maintenant établi, à la suite de l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward [[1993] 2 R.C.S. 689], que l'incapacité de l'État de protéger les citoyens est une partie intégrante de la notion de réfugié au sens de la Convention, particulièrement au regard des mots « [crainte] justifiée » [R.C.S. à la page 722]. C'est au demandeur qu'il incombe de prouver cette incapacité. Le juge La Forest a souligné dans Ward qu' « en l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur » [R.C.S. à la page 725]. Sauf aveu de la part de l'État qu'il ne peut assurer la protection, le demandeur doit « confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État » [R.C.S. à la page 724] de le protéger.

[7]         Au sujet de la question de la disponibilité du refuge interne, l'agent a retenu la preuve documentaire indiquant que la demanderesse pourrait aisément s'installer dans une autre région de la Malaisie, tel le Sarawak, où il y a une population chrétienne importante. Il revenait à la demanderesse de démontrer qu'elle ne pouvait ou ne voulait pas se prévaloir d'un refuge interne en Malaisie, la disponibilité d'un refuge interne raisonnable portant atteinte au bien-fondéd'une revendication. En effet, dans l'arrêt Thirunavukkarasu v. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589, la Cour d'appel fédérale s'est prononcée ainsi, aux pages 597-598 :

. . . le demandeur du statut est tenu, compte tenu des circonstances individuelles, de chercher refuge dans une autre partie du même pays pour autant que ce ne soit pas déraisonnable de le faire. Il s'agit d'un critère souple qui tient compte de la situation particulière du demandeur et du pays particulier en cause. C'est un critère objectif et le fardeau de la preuve à cet égard revient au demandeur tout comme celui concernant tous les autres aspects de la revendication du statut de réfugié. Par conséquent, s'il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils ne seraient pas persécutés, les demandeurs de statut sont tenus de s'en prévaloir à moins qu'ils puissent démontrer qu'il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire.

[8]         En l'espèce, l'agent a évalué toute la preuve soumise et elle a conclu que la demanderesse n'avait pas démontré que le refuge interne disponible était déraisonnable. Puisqu'il s'agit ici d'une pure question d'appréciation des faits, la demanderesse, à mon sens, ne s'est pas déchargée du lourd fardeau de démontrer que la décision de l'agent est manifestement déraisonnable.

[9]         Finalement, la demanderesse voit une erreur dans la phrase suivante contenue à la deuxième page des notes de l'agent : « The applicant alleged that none of her friends from the church faced the same problems. »


[10]       De son côté, le défendeur plaide qu'il ne s'agit que d'une erreur cléricale, reconnaissant que c'est le mot « some » , au lieu du mot « none » , qui aurait dû être utilisé dans la phrase en question, compte tenu de ce que l'agent écrit plus loin à la septième page des mêmes notes : « The applicant also stated in her PIF that few friends from the church were facing the same problem in their areas. »

[11]       Vu l'ensemble de la preuve, je partage l'opinion du défendeur à ce sujet.

[12]       Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 2 juillet 2004


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2908-03

INTITULÉ :                                                       CATHERINE CECILIA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 23 juin 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 2 juillet 2004         

COMPARUTIONS :

Me Manuel Antonio Centurion                       POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Sébastien Dasylva                                               POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Manuel Antonio Centurion                             POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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