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Date : 20060314

Dossier : IMM‑1767‑05

Référence : 2006 CF 326

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

LIDIA ORELLANA DEL CID

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENENTÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), qui vise la décision datée du 4 février 2005 par laquelle une agente d’immigration a refusé d’accorder à la demanderesse, pour des motifs d’ordre humanitaire, une dispense l’autorisant à faire traiter au Canada sa demande de résidence permanente.

 

[2]               La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision de l’agente d’immigration et renvoyant l’affaire pour nouvelle décision à un autre agent d’immigration.

 

Le contexte

 

[3]               Lidia Orellana Del Cid (la demanderesse), une citoyenne guatémaltèque, est arrivée au Canada en octobre 1994 en vertu d’un visa de visiteur. Elle laissait derrière elle au Guatemala son mari et leurs deux filles. Elle avait l’intention d’être parrainée par son père, immigrant ayant obtenu le droit d’établissement au Canada, et de faire ensuite venir les autres membres de sa famille au Canada. Le visa de la demanderesse a expiré en octobre 1995, mais elle est toujours demeurée au Canada depuis son arrivée.

 

[4]               Pendant qu’elle vivait au Canada, la demanderesse a travaillé comme femme de ménage et gardienne d’enfants. Elle envoyait de l’argent au Guatemala pour payer les études de ses filles. Elle s’est finalement séparée de son époux guatémaltèque et a commencé à cohabiter avec son mari actuel, M. Chamale, un citoyen canadien. La demanderesse a eu deux filles au Canada avec M. Chamale, nées le 1er octobre 1999 et le 7 mars 2001, respectivement. Entre‑temps, l’époux guatémaltèque de la demanderesse est décédé dans un accident de voiture en septembre 2000. La demanderesse a épousé M. Chamale en mai 2003.

 

[5]               À l’heure actuelle, la demanderesse reste à la maison pour s’occuper de ses deux enfants nés au Canada pendant que son mari travaille comme cuisinier dans un restaurant. La famille habite dans la maison du frère de M. Chamale, avec la mère et le grand‑père de celui‑ci.

 

[6]               Voici les principaux éléments du dossier d’immigration de la demanderesse. La demanderesse a présenté une demande fondée sur des considérations humanitaires en 1997, qui a été rejetée en janvier 1998. Elle alors présenté une demande d’asile, qui a été rejetée en avril 2000.

 

[7]               En février 2001, un mandat de l’immigration a été lancé contre elle en raison de son défaut de quitter le Canada et de confirmer son départ. En novembre 2003, elle a été arrêtée par des agents d’immigration et remise en liberté sous cautionnement en espèces.

 

[8]               Le 1er décembre 2003, la demanderesse a présenté une seconde demande fondée sur des considérations humanitaires qui repose sur l’intérêt de sa famille au Canada. La demanderesse a également présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), qui a donné lieu à une évaluation négative du risque datée du 24 septembre 2004.

 

[9]               Le 4 février 2005, un agente d’immigration a rejeté la demande fondée sur des considérations humanitaires présentée par la demanderesse. Il s’agit ici du contrôle judiciaire de cette décision.

 

Les motifs de la décision de l’agente d’immigration

 

[10]           L’agente d’immigration a examiné les antécédents d’immigration de la demanderesse et a conclu que la demanderesse avait fait preuve d’un manque de respect et de considération envers les lois canadiennes en matière d’immigration. En outre, l’agente d’immigration a conclu que la demanderesse n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour justifier ses actions et montrer l’existence de raisons indépendantes de sa volonté.

 

[11]           L’agente d’immigration a noté que la demanderesse avait deux filles au Canada, âgées de 3 et 5 ans, respectivement, ainsi que deux filles au Guatemala, âgées de 12 et 13 ans. Pour ce qui est de l’intérêt des enfants de la demanderesse, l’agente d’immigration a déclaré :

[traduction]

Ils ont maintenant deux filles, Thelma et Damaris. Leurs filles sont âgées de cinq et trois ans, respectivement. La demanderesse fait face à un choix difficile. Elle va être obligée soit de laisser ses enfants au Canada, soit de les emmener avec elle. Je reconnais que ce sera une décision difficile à prendre pour la demanderesse. Je reconnais également que les enfants vont connaître une période difficile parce qu’ils seront séparés d’un de leurs parents. Je ne suis pas convaincue que l’intérêt de ces enfants sera compromis. Ils auront l’amour, les soins et l’appui du parent qui en aura la garde. Ce parent pourra veiller à ce que les enfants reçoivent les soins nécessaires, et leur offrir l’appui dont ils auront besoin pour surmonter les difficultés auxquelles ils risquent de faire face.

 

Je ne peux écarter le fait que la demanderesse a refait sa vie à une époque où elle n’avait aucun statut au Canada. Elle est demeurée au Canada bien après l’expiration de la période pour laquelle son séjour était autorisé. Elle a elle‑même créé la situation dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Je note également qu’elle a deux autres filles qui sont demeurées au Guatemala. Elles ont aujourd’hui 12 et 13 ans, respectivement. Lorsque la demanderesse a quitté le Guatemala, elles avaient deux et trois ans. Elles n’étaient pas plus âgées que le sont aujourd’hui ses enfants nés au Canada; cela n’a pas empêché la demanderesse de les laisser au Guatemala. Je note qu’elle est séparée de ses enfants depuis dix ans. Il est évident que les enfants qu’elle a au Guatemala méritent tout autant que les autres la présence physique de leur mère. Je ne suis pas convaincue qu’elle ait démontré que les difficultés auxquelles feront face ses enfants nés au Canada seront plus graves que celles qu’ont subies ses enfants qui n’ont pas vu leur mère depuis dix ans.

 

 

[12]           L’agente d’immigration a également examiné le degré d’établissement de la demanderesse au Canada. L’agente d’immigration a déclaré que la demanderesse « n’avait aucun antécédent professionnel, qu’elle n’avait pas suivi de cours de recyclage et qu’elle ne participait pas à la vie de sa collectivité ». De plus, la demanderesse n’avait jamais obtenu un permis de travail même si elle avait le droit d’en demander un après avoir présenté sa demande d’asile.

 

[13]           Pour ce qui est de la crainte de la demanderesse de retourner au Guatemala, l’agente d’immigration a noté que des membres de la famille de la demanderesse ont été tués au Guatemala et que la demanderesse conserve des souvenirs pénibles de sa vie au Guatemala. L’agente d’immigration a néanmoins conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve pour démontrer que la demanderesse serait en danger si elle retournait au Guatemala. L’agente d’immigration était convaincue que les règles de l’équité procédurale avaient été respectées dans le cas de la demanderesse, étant donné que celle‑ci a fait l’objet d’une décision ERAR négative et qu’elle a vu sa demande d’asile refusée.

 

[14]           L’agente d’immigration a rejeté la demande fondée sur des considérations humanitaires de la demanderesse pour le motif que la demanderesse n’avait pas démontré que l’obligation de demander un visa d’immigrant à l’étranger constituait une difficulté inusitée, excessive ou non méritée.

 

Les questions en litige

 

[15]           La demanderesse a soulevé les questions suivantes :

            1.         La décision de l’agente d’immigration était‑elle déraisonnable parce qu’elle n’a pas été réceptive, attentive et sensible à l’intérêt des enfants de la demanderesse?

            2.         L’agente d’immigration a‑t‑elle commis une erreur en omettant de demander et d’obtenir des renseignements supplémentaires concernant l’intérêt des enfants de la demanderesse?

 

Les arguments de la demanderesse

 

[16]           La demanderesse soutient que la question fondamentale soulevée par la présente demande est de savoir si la décision de l’agente d’immigration était raisonnable. La demanderesse soutient que l’agente d’immigration a rendu une décision déraisonnable parce qu’elle n’a pratiquement pas tenu compte de l’intérêt des enfants de la demanderesse nés au Canada. L’agente d’immigration n’a pas posé de questions sur le niveau de vie au Guatemala et sur l’effet que pourrait avoir sur ses enfants un tel changement de niveau de vie, dans le cas où la demanderesse les emmènerait avec elle au Guatemala. De plus, l’agente d’immigration n’a pas posé de questions au sujet des capacités linguistiques des enfants et de l’effet de ces capacités sur leurs études. La demanderesse soutient que, compte tenu de la décision Love c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1569, l’agente d’immigration était tenue de procéder à une analyse plus approfondie de l’intérêt des enfants que celle qu’elle a effectuée.

 

[17]           La demanderesse soutient qu’il incombait à l’agente d’immigration de se procurer d’autres éléments de preuve au sujet de l’intérêt des enfants, dans le cas où elle estimait disposer d’éléments insuffisants à ce sujet (voir Cheema (Tuteur à l’instance) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 638). La demanderesse fait valoir que l’agente d’immigration aurait dû s’informer sur la façon dont les enfants seraient pris en charge au Canada pendant que leur père travaille et sur l’effet de l’absence de leur mère sur les études de ses enfants.

 

Les arguments du défendeur

[18]           Le défendeur soutient qu’il n’existe pas de présomption simple selon laquelle l’intérêt des enfants doit l’emporter, sous réserve seulement des raisons contraires les plus graves (voir Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, au par. 13). Le fait que la situation des enfants de la demanderesse nés au Canada serait meilleure dans ce pays pour ce qui est du niveau de vie et des perspectives d’avenir ne peut jouer un rôle déterminant dans une décision fondée sur des considérations humanitaires (voir Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 91 aux par. 41 à 43).

 

[19]           Le demandeur soutient que la décision Love, invoquée par la demanderesse, a été notamment influencée par le fait que, dans le cas où le demandeur aurait été renvoyé du Canada, ses cinq enfants et leur mère auraient eu besoin de l’aide sociale, étant donné que l’épouse canadienne n’était pas en mesure de subvenir seule à ses besoins et à ceux de ses cinq enfants. Le défendeur soutient que tel n’est pas le cas en l’espèce. Il affirme qu’il existe des éléments de preuve qui laissent croire que le conjoint canadien, le principal salarié de la famille, est proche de ses filles et bénéficiera également de l’aide de sa mère et de son grand‑père qui résident avec la famille.

 

[20]           Le défendeur soutient que l’agente d’immigration a effectué une analyse appropriée de l’intérêt des enfants en tenant compte de la preuve présentée par la demanderesse (voir Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38). La demanderesse affirme que ses deux filles seraient atterrées et accablées si elle devait quitter le Canada pour demander un visa de résident permanent. Elle a également déclaré que ses enfants étaient attachés à leur père et qu’elles souffriraient beaucoup d’être séparées d’avec lui. Le défendeur soutient que l’agente d’immigration a compris les difficultés auxquelles faisait face la demanderesse et a examiné la situation de façon raisonnable dans les motifs de sa décision. Le défendeur soutient que, si la demanderesse estimait qu’il y avait lieu d’examiner de façon plus approfondie l’intérêt des enfants, elle aurait dû fournir à l’agente d’immigration des éléments de preuve suffisants pour amener celle‑ci à effectuer une analyse plus fouillée, chose que la demanderesse n’a pas faite.

 

Les dispositions légales pertinentes

 

[21]           Les demandes fondées sur des considérations humanitaires sont prévues à l’article 25 de la LIPR, qui énonce :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

 

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

(2) Le statut ne peut toutefois être octroyé à l’étranger visé au paragraphe 9(1) qui ne répond pas aux critères de sélection de la province en cause qui lui sont applicables.

 

(2) The Minister may not grant permanent resident status to a foreign national referred to in subsection 9(1) if the foreign national does not meet the province's selection criteria applicable to that foreign national.

 

Analyse et décision

 

[22]           La norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à la décision d’un agent d’immigration au sujet d’une demande fondée sur des considérations humanitaires est celle de la décision raisonnable simpliciter (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux p. 857 et 858).

 

[23]           La question no 1

            La décision de l’agente d’immigration était‑elle déraisonnable pour le motif que celle‑ci n’a pas été réceptive, attentive ou sensible à l’intérêt des enfants de la demanderesse?

            La partie de la décision de l’agente d’immigration qui concerne l’intérêt des deux enfants nés au Canada se lit ainsi :

[traduction]

J’ai examiné ses actions pendant la période qui suit son arrivée au Canada en 1994 et se termine avec son arrestation en 2003, et j’ai constaté qu’elle avait manifesté un manque de respect et de considération envers les lois d’immigration canadiennes. Elle n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants pour montrer que ses actions étaient justifiées et dues à des raisons indépendantes de sa volonté.

 

Au cours de son séjour au Canada, la demanderesse a épousé Hector Chamale, un citoyen canadien. Son mari n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve indiquant qu’il était prêt à la parrainer. Je note que la demanderesse ne possède pas le statut de résident temporaire au Canada et ne peut donc être parrainée à titre de membre de la catégorie de la famille. J’ai donc accordé peu d’importance au fait qu’elle n’ait pas été parrainée.

 

Ils ont maintenant deux filles, Thelma et Damaris. Leurs filles sont âgées de cinq et trois ans, respectivement. La demanderesse fait face à un choix difficile. Elle va être obligée soit de laisser ses enfants au Canada, soit de les emmener avec elle. Je reconnais que ce sera une décision difficile à prendre pour la demanderesse. Je reconnais également que les enfants vont connaître une période difficile parce qu’ils seront séparés d’un de leurs parents. Je ne suis pas convaincue que l’intérêt de ces enfants sera compromis. Ils auront l’amour, les soins et l’appui du parent qui en aura la garde. Ce parent pourra veiller à ce que les enfants reçoivent les soins nécessaires, et leur offrir l’appui dont ils auront besoin pour surmonter les difficultés auxquelles ils risquent de faire face.

 

Je ne peux écarter le fait que la demanderesse a refait sa vie à une époque où elle n’avait aucun statut au Canada. Elle est demeurée au Canada bien après l’expiration de la période pour laquelle son séjour était autorisé. Elle a elle‑même créé la situation dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Je note également qu’elle a deux autres filles qui sont demeurées au Guatemala. Elles ont aujourd’hui 12 et 13 ans, respectivement. Lorsque la demanderesse a quitté le Guatemala, elles avaient deux et trois ans. Elles n’étaient pas plus âgées que le sont aujourd’hui ses enfants nés au Canada; cela n’a pas empêché la demanderesse de les laisser au Guatemala. Je note qu’elle est séparée de ses enfants depuis dix ans. Il est évident que les enfants qu’elle a au Guatemala méritent tout autant que les autres la présence physique de leur mère. Je ne suis pas convaincue qu’elle ait démontré que les difficultés auxquelles feront face ses enfants nés au Canada seront plus graves que celles qu’ont subies ses enfants qui n’ont pas vu leur mère depuis dix ans.

 

 

[24]           La preuve dont disposait l’agente d’immigration indiquait que la demanderesse avait été détenue pendant trois jours par les autorités de l’immigration. Pendant ce temps, les enfants de la demanderesse ont refusé de manger et pleuraient sans cesse. Le mari de la demanderesse et père des enfants était présent. L’agente d’immigration n’a pas tenu compte, dans les motifs de sa décision, de la réaction des enfants aux trois jours pendant lesquels leur mère a été détenue par l’immigration.

 

[25]           Il existait également des éléments de preuve indiquant que l’enfant aînée fréquentait la maternelle et qu’elle y avait beaucoup d’amis. L’agente d’immigration savait que la demanderesse était le principal fournisseur de soins et qu’elle restait à la maison pour s’occuper des enfants pendant que son mari travaillait et subvenait aux besoins financiers de la famille. L’agente d’immigration savait également que la langue des enfants était l’anglais.

 

[26]           L’agente d’immigration a évalué l’intérêt des enfants de trois et cinq ans de la demanderesse sans examiner si cet intérêt serait compromis dans le cas où leur mère serait renvoyée au Guatemala, si ce n’est qu’elle a mentionné que les enfants auraient l’amour, le soutien et les soins que leur donnerait le parent qui en aurait la garde. Dans le cas où ce serait le père, l’agente d’immigration n’a pas déterminé qui serait la personne qui s’occuperait des enfants pendant que leur père travaillerait.

 

[27]           L’agente d’immigration n’a pas non plus examiné la situation des enfants dans le cas où la demanderesse les emmènerait avec elle au Guatemala. Par exemple, ils iraient dans un pays où la langue parlée n’est pas l’anglais. L’aînée serait retirée de la maternelle.

 

[28]           Je reconnais avec le défendeur que l’intérêt des enfants ne l’emporte pas toujours sur les autres facteurs. Cependant, en l’espèce, la décision n’indique pas que ce facteur a été mis en balance avec les autres.

 

[29]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que l’agente d’immigration ait procédé à un examen adéquat de l’intérêt des enfants.

 

[30]           La question en litige no 2

            L’agente d’immigration a‑t‑elle commis une erreur en omettant de demander et de se procurer des renseignements supplémentaires concernant l’intérêt des enfants de la demanderesse?

            J’estime que l’agente d’immigration avait l’obligation d’obtenir d’autres renseignements concernant l’intérêt des enfants nées au Canada si elle pensait que les renseignements fournis par la demanderesse n’étaient pas suffisants pour lui permettre d’évaluer l’intérêt des enfants.

 

[31]           Dans Bassan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 742, le juge McKeown a déclaré au paragraphe 6 :

Un agent examinant les raisons d=ordre humanitaire doit aller plus loin dans son enquête lorsqu=un enfant né au Canada est en cause, afin de démontrer l=attention et la sensibilité requises à l=importance des droits de l=enfant, de son intérêt supérieur et à l=épreuve qui pourrait lui être infligée par une décision défavorable. Comme l=indique Mme L=Heureux‑Dubé, de telles démarches « sont essentielles pour qu=une décision d=ordre humanitaire soit raisonnable ».

 

 

[32]           La présente affaire ne concerne pas le genre de situation décrite par le juge Evans dans Owusu, précité, au paragraphe 9 :

La moitié de phrase qui se trouve à la page quatre de la lettre de sept pages citée plus haut (au paragraphe [6]), dit uniquement que M. Owusu ne serait pas en mesure de faire vivre sa famille s’il était expulsé est trop indirecte, succincte et obscure pour imposer une obligation positive à l’agente de s’enquérir davantage sur l’intérêt supérieur des enfants. La lettre ne mentionnait pas que M. Owusu faisait vivre ses enfants avec l’argent qu’il gagnait au Canada et que ces enfants dépendaient financièrement de lui et seraient privés de cet appui s’il était expulsé. De plus, l’agente n’a été saisie d’aucune preuve de l’un ou l’autre de ces faits.

 

[33]           Je suis convaincu que la preuve dont disposait l’agente d’immigration en l’espèce était suffisante pour obliger l’agente à se renseigner davantage pour pouvoir examiner de façon adéquate l’intérêt des enfants nés au Canada.

 

[34]           La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie et l’affaire renvoyée pour nouvelle décision à un autre agent d’immigration.

 

[35]           Aucune des parties ne souhaite proposer une question grave de portée générale en vue de la faire certifier.


JUGEMENT

 

[36]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire renvoyée pour nouvelle décision à un autre agent d’immigration.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS DU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1767‑05

 

 

INTITULÉ :                                       LIDIA ORELLANA DEL CID

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 1er FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 14 MARS 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Poulton

POUR LA DEMANDERESSE

 

Michael Butterfield

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mamann & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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