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     Date : 20010123

     Dossier : IMM-3730-99


Entre :

     CHALABY, Farid Tadros

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD


[1]      Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision datée du 24 juin 1999 dans laquelle G. Sutherland, un agent des visas à l'Ambassade du Canada au Caire a décidé qu'il relevait de la catégorie des personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).

[2]      Le demandeur est un citoyen d'Égypte. Il a présenté sa demande de résidence permanente dans la catégorie des demandeurs indépendants à titre de nutritionniste.

[3]      Le demandeur a de fait été évalué au regard de la profession de nutritionniste (catégorie 3132 de la CNP). À l'issue de l'entrevue et dans une lettre datée du 29 avril 1999, l'agent des visas a donné au demandeur six semaines pour répondre à deux réserves. Premièrement, le demandeur ne semblait pas satisfaire aux exigences en matière d'éducation applicables à la profession de nutritionniste. Deuxièmement, le demandeur n'avait pas la formation pratique supervisée requise. Comme la façon dont le demandeur a répondu à ces réserves n'a pas convaincu l'agent des visas, la demande du demandeur a été rejetée dans une lettre datée du 24 juin 1999. Il n'a obtenu aucun point d'appréciation pour le facteur de l'expérience et il a obtenu un point d'appréciation pour le facteur professionnel. Dans sa décision, l'agent des visas a expliqué :

         [TRADUCTION]
             Je n'ai pas pu accorder de points d'appréciation pour le facteur de l'expérience parce que M. Chalaby ne serait pas considéré comme un nutritionniste qualifié au Canada. Indépendamment du nombre de points d'appréciation obtenu, le paragraphe 11(2) du Règlement sur l'immigration interdit à l'agent des visas de délivrer un visa d'immigrant à une personne, relevant de la catégorie dans laquelle M. Chalaby a présenté sa demande, qui n'a obtenu aucun point d'appréciation pour le facteur de l'expérience . . . .


[4]      La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, n'a pas changé la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à l'égard des décisions relatives aux visas d'immigrant. Comme l'a clairement établi la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Chiu Chee To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (22 mai 1996), A-172-93, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à l'égard des décisions discrétionnaires des agents des visas en ce qui concerne les demandes d'immigration est la même que celle qu'a énoncée la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, où le juge McIntyre a dit aux pages 7 à 8 :

         . . . C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. . . .



[5]      La première question à examiner porte sur l'évaluation par l'agent des visas de l'expérience du demandeur. Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration, 1978, DORS/78-172, modifié par DORS/93-44, prévoit que, indépendamment du nombre total de points d'appréciation accordé, l'agent des visas ne peut délivrer un visa à une personne qui n'a obtenu aucun point d'appréciation pour le facteur de l'expérience.

[6]      Pour ce qui est des facteurs de l'expérience et des études en ce qui concerne la profession de nutritionniste, l'agent des visas a déclaré ce qui suit :

         [TRADUCTION]         
             Je me dois d'exprimer mon désaccord avec l'opinion selon laquelle les exigences en matière d'études et de formation applicables aux diététistes et aux nutritionnistes sont entièrement différentes. La Classification nationale des professions (la CNP) indique qu'elles sont « habituellement les mêmes » . Pour les fins qui nous occupent, cela signifie que les demandeurs doivent satisfaire à ces exigences, à moins qu'il n'existe d'importants facteurs qui, de l'avis de l'agent des visas, font en sorte que le demandeur surmontera probablement ces exigences. Je ne crois pas que le demandeur serait en mesure de venir à bout des lacunes en matière d'études et de formation pratique supervisée comme je l'indique dans ma lettre du 28 avril 1999.
             Je ne souscris pas à l'opinion selon laquelle ses deux ans de pratique depuis 1994 dans une clinique en Égypte où il n'y a pas de nutritionniste qualifié équivaut à une formation pratique supervisée de un à deux ans, comme vous l'indiquez dans votre lettre.


[7]      Conformément aux exigences applicables, une personne doit habituellement avoir bénéficié d' « une formation pratique supervisée de un à deux ans » pour exercer la profession de nutritionniste au Canada. Comme le demandeur n'a pas bénéficié de supervision pendant ses deux ans de travail, il était pour l'agent des visas raisonnable et compatible avec une application régulière de ces exigences de conclure que son travail ne remplissait pas les conditions requises aux fins de cette évaluation (voir par exemple Hara c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (26 août 1999), IMM-6307-98).

[8]      En ce qui concerne la deuxième question litigieuse, portant sur la formation scolaire, l'agent des visas a conclu ce qui suit :

         [TRADUCTION]         
             Comme je l'ai expliqué à l'entrevue, je ne crois pas que vous satisfaites aux exigences en matière d'éducation applicables à la profession de nutritionniste décrites dans la Classification nationale des professions (la CNP), soit un baccalauréat ou une maîtrise en diététique, en nutrition ou dans un domaine connexe tel que les sciences alimentaires et les sciences de la nutrition ou la biochimie. Même si vous détenez un diplôme et un certificat en nutrition, en plus d'avoir fait des études dans les domaines médical et chirurgical, cela n'équivaut pas à mon avis à un baccalauréat ou à une maîtrise en nutrition.


[9]      Dans la décision Luliang c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (20 septembre 1999), IMM-6462-98, au paragraphe [20], le juge Pelletier résume avec exactitude le rôle de l'agent des visas lorsqu'il prend une décision :

             Si le rôle de l'agent des visas est d'appliquer la politique incluse dans l'annexe I, la sélection devrait être faite de manière à tenir compte des perspectives d'emploi réelles des candidats. Cela signifie notamment que l'appréciation des compétences devrait tenir compte des attentes d'un employeur canadien, agissant de manière raisonnable et de bonne foi. . . .


[10]      Dans cette perspective, je suis d'avis qu'un organisme canadien cherchant à embaucher un nutritionniste exigerait une personne dont les attestations d'études indiquent qu'elle possède un niveau de connaissance en nutrition qui permet de croire qu'elle a acquis une compétence appréciable dans ce domaine. Un tel employeur, agissant raisonnablement et de bonne foi, n'accepterait pas le diplôme en médecine du demandeur comme étant l'équivalent d' « [u]ne maîtrise ou [d']un baccalauréat en diététique, en nutrition ou dans un domaine connexe tel que les sciences alimentaires et les sciences de la nutrition ou la biochimie » . J'accepte les observations du défendeur selon lesquelles les rares cours de nutrition et de biochimie qu'a suivi le demandeur dans le cadre de son diplôme en médecine ne peuvent tout simplement pas être comparés à trois ans de spécialisation dans ces seuls domaines.

[11]      Enfin, je ne suis pas d'accord avec l'observation du demandeur selon laquelle l'agent des visas a commis une erreur en ne l'évaluant pas au regard de la CCDP. Le demandeur n'a pas établi que la demande a été envoyée avant la date limite du 1er mai 1997, comme l'exige Immigration Canada dans sa Note de service sur les opérations datée du 1er mai 1997 :

         Les dispositions transitoires, telles qu'établies à l'article 2.03 du projet de Règlement, obligent CIC à évaluer tous les cas reçus mais non évalués avant le 1er mai par rapport à la CCDP et à la Liste générale des professions telle qu'établie avant le 1er mai. Les cas reçus avant le 1er mai et portant clairement un tampon en ce sens, de même que ceux dont le cachet postal indique clairement la date ultime du 30 avril 1997, devraient être codés tels que reçus le 30 avril, à condition que la demande et les droits exigibles soient complets.


[12]      Après avoir examiné la preuve, je ne vois rien qui appuie l'observation du demandeur selon laquelle sa demande a été déposée avant le 1er mai 1997. Je ne peux accepter que le dépôt daté du 9 mars 1997 ou que la correspondance entre le demandeur et les ambassades équivaille à une preuve quant au moment où la demande a été déposée. En fait, la seule preuve selon laquelle le bureau de London a reçu la demande est un courriel interne daté du 13 mai 1997. Comme le fardeau de la preuve incombe au demandeur (paragraphe 8(1) de la Loi), je ne suis pas d'accord avec l'observation du demandeur sur ce point. Cette conclusion est compatible avec les jugements antérieurs de la Cour. À titre d'exemple, dans la décision Chen c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (26 février 1999), IMM-2001-98, le juge Blais a conclu ce qui suit :

         [22]      La date limite pour l'application des critères de la CCDP est le 1er mai 1997. Le demandeur invoque un mandat daté du 25 avril 1997, ainsi qu'une lettre d'accompagnement portant la date du 28 avril 1997 pour démontrer que la demande a été déposée avant le 1er mai 1997.
         [23]      Ces documents ne constituent cependant pas des indices quant au moment du dépôt de la demande. Le demandeur fait valoir que la demande a été envoyée par Federal Express, mais aucun accusé de réception n'a été déposé en preuve.
         [24]      Il ressort de la preuve que la demande du demandeur a été reçue le 6 mai 1997 (dossier du tribunal, aux pages 4 et 58). Faute d'autres éléments de preuve de la part du demandeur, la Cour est forcée de donner gain de cause au défendeur, car la charge de la preuve repose sur le demandeur.
         [25]      L'agent des visas a donc eu raison d'appliquer les critères de la CNP qui sont entrés en vigueur le 1er mai 1997.


[13]      Pour l'ensemble de ces motifs, l'intervention de la Cour n'est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.



                                     YVON PINARD

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 janvier 2001



Traduction certifiée conforme




Julie Boulanger, LL.M.





     Date : 20010123

     Dossier : IMM-3730-99


Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2001

En présence de : monsieur le juge Pinard


Entre :

     CHALABY, Farid Tadros

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


     ORDONNANCE



     La demande de contrôle judiciaire de la décision que G. Sutherland, un agent des visas à l'Ambassade du Canada au Caire, a rendue le 24 juin 1999, est rejetée.




                             YVON PINARD JUGE


Traduction certifiée conforme




Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :                  IMM-3730-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Chalaby, Farid Tadros c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 15 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :              le 23 janvier 2001

ONT COMPARU :

Me Pascal Lescarbeau                      POUR LE DEMANDEUR
Me Marie-Nicole Moreau                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Pascal Lescarbeau                      POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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