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M

     Date : 19971120

     Dossier : IMM-1200-97

ENTRE :

     MAJOR SINGH DHALIWAL,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

    

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire concernant une décision de la Section du statut de réfugié (la " SSR ") de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, à savoir que le requérant n'est pas un réfugié au sens de la Convention, conformément au sens que donne à cette expression le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1. La décision de la SSR porte la date du 19 février 1997.

[2]      Le requérant est sikh, et est un ancien résident du Pendjab (Inde). Sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention repose sur la crainte fondée d'être persécuté s'il est contraint de retourner en Inde, du fait de sa religion, de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social.

[3]      La situation que le requérant a vécue au Penjab est on ne peut plus familière. Il était agriculteur. Avant 1994, des militants sikhs lui ont rendu visite à son domicile, et ont obligé sa famille et lui à les soutenir en leur fournissant de la nourriture, un logement et un moyen de transport. À la fin de février 1994, il a été arrêté par la police, gardé en détention, interrogé et, selon la SSR, [TRADUCTION] " gravement torturé ". Il n'a été mis en liberté après 20 jours de détention qu'après le paiement d'un pot-de-vin et la promesse de devenir un informateur de la police contre les militants. À la suite de sa mise en liberté, il a subi des traitements médicaux pendant une période d'un mois et demi. Il est ensuite parti vivre chez des parents de son épouse, en Uttar Pradesh. La police de l'endroit s'est renseigné sur son compte, et il lui a été demandé de s'en aller par souci de sécurité pour la famille dans laquelle il vivait. Il s'est rendu ensuite à Delhi. Là encore, la famille où il vivait était peu disposée à l'héberger pendant un temps prolongé. Pour faciliter les dispositions à prendre en vue de son départ de l'Inde, il est retourné à son domicile, au Pendjab. Dans les jours qui ont suivi, il a été arrêté de nouveau. Cette fois-ci, la période de détention n'a duré que cinq jours, mais il a été torturé de nouveau.

[4]      Après avoir pris les dispositions nécessaires pour vendre une partie de sa terre agricole afin de financer son départ, le requérant a quitté l'Inde au milieu d'avril 1995 et a revendiqué le statut de réfugié, ici au Canada, avant la fin de ce mois-là.

[5]      La SSR a statué que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce que, selon elle, ce dernier disposait en Inde d'une possibilité de refuge intérieur (" PRI "). Le seul point litigieux qui m'a été soumis est celui de savoir s'il était raisonnablement loisible à la SSR de tirer une telle conclusion au vu de l'ensemble des éléments de preuve qui lui avaient été soumis, et si l'analyse qui avait permis à la SSR d'arriver à cette conclusion satisfaisait aux exigences énoncées dans les arrêts Rasaratnam c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration)2 et Thirunavukkarasu c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration)3.

[6]      Dans Rasaratnam (page 711 du recueil), le juge d'appel Mahoney a énoncé en termes succincts quel est le critère qui s'applique à une PRI :

         À mon avis, en concluant à l'existence d'une possibilité de refuge, la Commission se devait d'être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant ne risquait pas sérieusement d'être persécuté à Colombo et que, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles lui étant particulières, la situation à Colombo était telle qu'il ne serait pas déraisonnable pour l'appelant d'y chercher refuge.                 

En commentant le passage qui précède, le juge Linden, dans l'arrêt Thirunavukkarasu, écrit ceci :

         Ainsi, le demandeur du statut est tenu, compte tenu des circonstances individuelles, de chercher refuge dans une autre partie du même pays pour autant que ce ne soit pas déraisonnable de le faire.         

                                 [non souligné dans l'original]

Et d'ajouter le juge Linden :

         La possibilité de refuge dans une autre partie du même pays ne peut pas être seulement supposée ou théorique; elle doit être une option réaliste et abordable.         

[7]      Au vu des faits qui lui ont été soumis et, plus particulièrement, en faisant référence à la preuve documentaire, la SSR a conclu dans la présente affaire qu'il y avait des endroits en Inde qui offraient une PRI aux Sikhs du Pendjab.

[8]      La SSR a ensuite examiné le second volet du critère, soit la question de savoir si les endroits en question seraient raisonnables pour le requérant, compte tenu des circonstances de sa revendication particulière. Voici ce qu'a écrit la SSR :

         [TRADUCTION]                 
         Le demandeur a déclaré qu'il ne peut vivre en sécurité, ailleurs en Inde, pour les raisons suivantes. Premièrement, une enquête est menée sur les nouveaux arrivants originaires du Pendjab, et il est possible que des renseignements sur eux soient communiqués à la police de l'endroit, qui poserait ensuite des questions à la police du Pendjab. Le demandeur a déclaré que la police de l'Uttar Pradesh s'est rendue au domicile de ses parents afin de poser des questions sur lui. Deuxièmement, la police du Pendjab peut aussi le chercher. Troisièmement, la langue qu'il parle et ses habitudes de vie sont nettement différentes de celles des gens qui vivent à l'extérieur du Pendjab.                 

La SSR a ajouté ce qui suit :

         [TRADUCTION]                 
         Aucune preuve n'a été produite pour indiquer que la police ne sait ni ne pense que le demandeur était associé aux militants, à part pour ce qui est des activités susmentionnées. Le demandeur a déclaré de plus qu'il n'a jamais appartenu à un groupe militant et qu'il n'a jamais commis aucun crime. Même s'il a été arrêté et gardé en détention à deux reprises par la police du Pendjab, aucune accusation n'a jamais été portée contre lui. Les deux fois, il a été libéré après avoir fait la promesse d'agir comme informateur de la police contre les militants.                 

La SSR a donc reconnu dans ses motifs les circonstances qui sont particulières à la revendication du requérant. Compte tenu de ces circonstances particulières, la SSR, se fondant là encore essentiellement sur la preuve documentaire, a ensuite conclu qu'il ne serait pas déraisonnable que le requérant, dans les circonstances individuelles qui lui étaient particulières, cherche un lieu de refuge intérieur en Inde. Pour arriver à cette conclusion, la SSR s'est fondée en partie sur des éléments documentaires concernant l'évolution de la situation au Pendjab même.

[9]      Je conclus que la SSR a appliqué le critère approprié en droit pour tirer sa conclusion au sujet d'une PRI pour ce requérant particulier. En outre, indépendamment du fait que j'aurais pu arriver ou non aux mêmes conclusions au vu des faits soumis à la SSR, il n'y a pas lieu, selon moi, de conclure qu'il n'était pas raisonnablement loisible à la SSR de décider que le requérant avait une PRI en Inde.

[10]      En fin de compte, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucun des deux avocats n'a recommandé qu'une question soit certifiée, et aucune ne le sera.

                 (Signature) " Frederick E. Gibson ")

                         Juge

20 novembre 1997

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme

_______________________________

F. Blais, LL.L.


     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L'AUDIENCE :      19 novembre 1997     

NE DU GREFFE :          IMM-1200-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MAJOR SINGH DHALIWAL     

                     c.

                     MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE GIBSON

en date du 20 novembre 1997

ONT COMPARU :

     Me Mishal Abrahams      pour le requérant

     Me Brenda Carbonell      pour l'intimé     

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Kang & Co.

     Delta (C.-B.)          pour le requérant

     Me George Thomson

     Sous-procureur général

     du Canada              pour l'intimé

__________________

1.          L.R.C. (1985), ch. I-2.

2.          [1992] 1 C.F. 706 (C.A.).

3.          [1994] 1 C.F. 589 (C.A.).

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