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Date : 20051214

Dossier : IMM-1027-05

Référence : 2005 CF 1685

OTTAWA (Ontario), le 14 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PAUL U.C. ROULEAU

ENTRE :

TAFARI RENNOCK

demandeur

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), de la décision d'une agente d'expulsion (l'agente) prise le 9 février 2005, dans laquelle l'agente refusait d'exercer son pouvoir discrétionnaire de suspendre le renvoi du demandeur du Canada vers la Jamaïque. L'agente a noté que l'Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC) doit exécuter une ordonnance de renvoi aussitôt qu'il est raisonnablement possible de le faire, en vertu de l'article 48 de la LIPR. En l'espèce, l'agente a choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi du demandeur.

[2]                Le demandeur, Tafari Rennock, est venu au Canada en 2001 en utilisant une carte verte invalide des États-Unis. À son arrivée, il a omis de mentionner qu'il avait été déclaré coupable au criminel aux États-Unis par le passé.

[3]                Le demandeur est un citoyen de la Jamaïque. Il s'est marié à une citoyenne canadienne, Keisha Tavares, le 27 octobre 2001. Sa femme a donné naissance à un fils le 18 janvier 2003.

[4]                Depuis son arrivée au Canada, le demandeur s'est vu refuser sa demande d'asile, et des décisions défavorables ont été rendues pour l'examen des risques avant renvoi (ERAR) et pour une demande de prise en compte de considérations humanitaires (demande CH). Il est assujetti à une ordonnance de renvoi valide. Le demandeur attend présentement une décision pour une seconde demande CH, fondée sur le parrainage conjugal.

[5]                Le demandeur a reçu une convocation datée du 24 janvier 2005, l'informant que son renvoi du Canada était prévu pour le vendredi 31 mars 2005. Dans une lettre subséquente, datée du 28 janvier 2005, on a informé le demandeur que la date de renvoi avait été changée au 4 mars 2005.

[6]                Le 9 février 2005, l'agente a envoyé au demandeur une lettre refusant sa demande de report du renvoi. Cette lettre fait l'objet de la demande et se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Objet : Demande de report d'un renvoi - RENNOCK, Tafari

La présente concerne votre demande du 8 février 2005 concernant le report du renvoi de M. Rennock du Canada.

L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) est tenue, en vertu de l'article 48 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, d'exécuter une ordonnance de renvoi aussitôt qu'il est raisonnablement possible de le faire. J'ai examiné votre demande et je ne crois pas que le report de l'exécution de l'ordonnance de renvoi soit approprié dans les circonstances présentes.

M. Rennock doit se présenter pour son renvoi le 4 mars 2005, comme prévu.

[7]                Le 28 février 2005, le juge Campbell a entendu la demande présentée par le demandeur pour obtenir la suspension de son renvoi en attendant l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire et il a suspendu le renvoi en attendant qu'il soit statué sur la présente demande.

[8]                Le demandeur allègue que l'agente a commis une erreur en concluant qu'il ne réunit pas les conditions voulues pour la suspension administrative au regard de la nouvelle politique conjugale du ministre, L25(1), de la LIPR.

[9]                Le demandeur allègue aussi que l'agente a omis de prendre en compte l'intérêt supérieur de son fils en refusant de suspendre l'ordonnance de renvoi.

[10]            Bien que je sois d'avis que l'intérêt supérieur d'un enfant directement concerné devrait plutôt être examiné dans la deuxième demande CH du demandeur, qui est en instance, la politique conjugale L25(1) du ministre mérite un examen plus attentif étant donné qu'elle porte expressément sur le report d'un renvoi. La politique se lit comme suit :

L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a accepté d'accorder, aux demandeurs qui sont visés par cette politique d'intérêt public, une suspension administrative du renvoi. La suspension ne sera pas accordée aux demandeurs :

Qui sont interdits de territoire pour raison de sécurité (L34), pour atteinte aux droits humains et internationaux (L35), pour criminalité et grande criminalité (L36) ou pour crime organisé (L37) [...]

               

Les demandeurs qui présentent une demande aux termes de cette politique d'intérêt public après avoir été jugés prêts au renvoi par l'ASFC ne bénéficieront pas de la suspension administrative du renvoi.

[11]            Le défendeur fait valoir que le demandeur était prêt au renvoi lorsqu'une ordonnance de renvoi valide a été émise contre lui. Le défendeur note que, pour qu'un demandeur puisse demander un ERAR, il doit y avoir une ordonnance de renvoi valide en vigueur contre lui. Le défendeur soutient qu'il y avait une ordonnance de renvoi valide contre le demandeur avant que la décision défavorable soit rendue pour son ERAR le 10 décembre 2004.

[12]            Le défendeur fait valoir que le demandeur était prêt au renvoi avant de déposer sa demande CH de parrainage conjugal le 25 janvier 2005.

[13]            À mon avis, le défendeur a raison de soutenir que le demandeur était prêt au renvoi avant de déposer sa deuxième demande CH. La décision défavorable pour l'ERAR avait été rendue le 10 décembre 2004, ce qui donne à penser qu'une ordonnance de renvoi valide était en vigueur contre le demandeur avant cette date. De plus, la lettre de l'ASFC du 24 janvier 2005, qui précisait la date prévue pour le renvoi, était antérieure à la demande CH du demandeur. Je suis d'accord avec le défendeur qu'une ordonnance de renvoi valide indique que l'ASFC considère le demandeur prêt au renvoi.

[14]                La politique L25(1) précise que « Les demandeurs qui présentent une demande aux termes de cette politique d'intérêt public après avoir été jugés prêts au renvoi par l'ASFC ne bénéficieront pas de la suspension administrative du renvoi » . Le demandeur était réputé prêt au renvoi avant que la décision défavorable soit rendue pour son ERAR, donc avant qu'il dépose sa demande CH de parrainage conjugal en vertu de la politique L25(1).

[15]            Comme l'enchaînement des faits dans le temps règle la question de l'application de la politique L25(1), je suis d'avis que la décision discrétionnaire de l'agente était raisonnable et ne peut pas être infirmée. Il n'est pas nécessaire pour le moment d'examiner la question de la grande criminalité du demandeur ni ses allégations de réhabilitation. Comme je l'ai signalé plus haut, l'intérêt supérieur du fils mineur du demandeur devrait faire partie de la deuxième demande CH du demandeur, mais la demande présente n'est pas une décision CH. La décision de l'agente de ne pas reporter le renvoi du demandeur relevait raisonnablement de son pouvoir discrétionnaire.

JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Paul U.C. Rouleau »

JUGE SUPPLÉANT

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-1027-05

INTITULÉ :                                       TAFARI RENNOCK c. LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 30 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SUPPLÉANT ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                      LE 14 DÉCEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Suvendu Goswami

POUR LE DEMANDEUR

Alison Engel-Yan

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Suvendu Goswami

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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