Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040315

Dossier : T-1538-03

Référence : 2004 CF 387

Toronto (Ontario), le 15 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                      BORISSOTCHEVA, KSENIA

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience puis exposés par écrit pour plus de clarté et de précision)

[1]                Il s'agit d'un appel de la décision par laquelle la juge de la citoyenneté Rochelle Burns a rejeté la demande de citoyenneté présentée par la demanderesse.

[2]                La demanderesse est une citoyenne russe âgée de 23 ans. Elle est arrivée au Canada en tant que visiteur en 1996 et elle a obtenu le statut de résidente permanente le 10 mars 1997. La demanderesse a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 25 avril 2000. Dans des motifs en date du 25 juin 2003, la juge Burns a conclu que la demande de la demanderesse était prématurée, et ce, en raison du temps que celle-ci avait passé à l'étranger après le mois de mars 1997.

[3]                Au moment du dépôt de sa demande, il manquait à la demanderesse 326 jours sur les 1095 jours pendant lesquels elle devait avoir vécu au Canada pour pouvoir obtenir la citoyenneté canadienne. Ses absences prolongées correspondaient aux périodes pendant lesquelles elle avait étudié ou passé des vacances à l'étranger.

[4]                Les deux parties ont convenu que la norme de contrôle qu'il fallait appliquer en l'espèce se rapprochait de la norme de la décision correcte, comme l'a affirmé le juge Lutfy dans Lam c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 410. Dans une décision plus récente rendue dans l'affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.) c. Chang, [2003] A.C.F. no 1871, le juge Mackay a dit ce qui suit au paragraphe 7 :

À mon avis, à la lumière de l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 C.S.C. 19, la norme de contrôle applicable en l'espèce est la décision raisonnable simpliciter, mais la Cour n'a pas à faire preuve d'une très grande retenue à l'égard de la décision du juge de la citoyenneté. Cette norme tient à l'appréciation de la situation, y compris la disposition de la Loi qui permet d'interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté, à la nature de la question à juger lorsqu'on est en présence d'une question de droit et de fait dans laquelle l'application du droit est plus importante que la détermination des faits, et à l'expertise de la Cour relativement à celle du juge de la citoyenneté lorsqu'il s'agit de trancher des questions où l'application de la loi prévaut.


[5]                Je trouve le raisonnement du juge Mackay convaincant, et j'appliquerai la norme de la décision raisonnable simpliciter en l'espèce.

[6]                Dans la présente affaire, la juge de la citoyenneté a appliqué le critère exposé dans Re : Koo, [1993] 1 C.F. 286, et a posé les six questions qui ont été posées dans cette décision, c'est-à-dire :

1) la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

2) où résident la famille proche et les personnes àcharge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

3) la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

4) quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

5) l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

6) quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

[7]                Malheureusement, la juge n'a pas du tout répondu aux questions posées et a plutôt suivi un raisonnement dépourvu de logique. Par exemple, la réponse qu'elle a donnée à question no 2 était : [traduction] _ Lorsque vous étiez au Canada, vous habitiez avec vos parents _. Ceci ne règle pas la question de la résidence qui a été posée.


[8]                De même, la réponse donnée à la question no 5 était ambiguë :

[traduction]    Bien que le fait de suivre des études soit louable, vos efforts au cours de la période en question n'étaient pas axés sur l'obtention d'une éducation au Canada, ce qui vous aurait également permis d'en apprendre beaucoup sur ce pays, mais plutôt sur les études à l'étranger. Vous avez mentionné que vous désirez désormais suivre vos études dans une université canadienne. Toutefois, ceci n'entre pas en ligne de compte pour ce qui est des quatre ans de résidence aux fins de la présente demande. Compte tenu de ce que vous avez dit à l'audience au sujet de votre intention de suivre vos études dans une université canadienne à partir de maintenant, il semble que la présente demande soit prématurée.

En toute déférence pour la juge de la citoyenneté, ce commentaire ne répond pas à la question, qui était de savoir si les absences pouvaient être imputables au fait que la demanderesse suivait des études à l'étranger.

[9]                De la même façon, la réponse à la question no 6 n'est pas concluante. La juge de la citoyenneté a dit :

[traduction]    Vos efforts étaient axés sur l'obtention d'un éducation, et ce, à l'extérieur du Canada. Cependant, selon ce que vous avez dit à l'audience, cela va changer. Il s'ensuit encore une fois que la présente demande est prématurée.

Ce commentaire ne répond pas du tout à la question posée, qui était de savoir si les liens qui unissaient la demanderesse au Canada étaient plus forts que ses liens avec un autre pays.

[10]            Par conséquent, je conclus que la façon dont la juge a appliqué le critère exposé dans la décision Re : Koo, précitée, ne peut pas être considérée comme raisonnable.


[11]            Si l'on applique le critère de la décision Re: Koo de façon appropriée aux éléments de preuve qui ont été présentés en l'espèce, il est clair que la demanderesse, tout en suivant des études poussées à l'étranger, a centralisé son mode de vie au Canada. Par conséquent, elle remplit les conditions d'obtention de la citoyenneté canadienne prévues par la Loi.

[12]            L'appel doit donc être accueilli.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que l'appel soit accueilli.

      _ K. von Finckenstein _    

    Juge                       

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       T-1538-03

INTITULÉ :                      BORISSOTCHEVA, KSENIA

c.                                                               

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 15 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :    LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :     LE 15 MARS 2004

COMPARUTIONS:

Stephen W. Green               POUR LA DEMANDERESSE

Mary Matthews                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Green & Spiegel                  POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


             COUR FÉDÉRALE

                             

Date : 20040315

Dossier : T-1538-03

ENTRE :

BORISSOTCHEVA, KSENIA

                                                           

                                    demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                      

                                                           


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.