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Date : 20060307

Dossier : IMM-2588-05

Référence : 2006 CF 298

Toronto (Ontario), le 7 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                         JAVIER ARTURO GONZALEZ-CARDENAS                            

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur est un citoyen de la Colombie et de l'Équateur âgé de 37 ans qui prétend craindre d'être persécuté par des membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a jugé qu'il n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Le demandeur souhaite obtenir le contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue par la Commission.

[2]                Malgré les arguments clairs et solides de l'avocat du demandeur, je ne suis pas convaincue que la présente demande puisse être accueillie.

[3]                Le demandeur soutient qu'il a participé à une enquête privée sur l'enlèvement de son petit cousin (un étudiant à l'Université nationale à Palmira, en Colombie) vraisemblablement par des guérilleros des FARC. Le demandeur affirme que, en raison de ses liens avec l'enquête privée, un membre du front Alonso Cortes (FAC) est entré en contact avec lui et l'a informé qu'il était devenu une cible militaire des FARC. Il a considéré que cette menace équivalait à une peine de mort. Il prétend avoir demandé la protection du bureau du procureur général, de l'armée et de l'ombudsman. Cependant, ces organismes l'ont informé qu'ils n'avaient pas les ressources pour le protéger.

[4]                Un officier de l'armée aurait informé le demandeur que des jeunes hommes avaient été tués par les FARC. De plus, le demandeur a découvert que le FAC était une brigade mobile des FARC. Se croyant en grand danger, il a fui la Colombie en décembre 2002, muni de son passeport et d'un visa de visiteur américain. Il est resté à New York jusqu'à la mi-février 2003, puis il s'est rendu au Canada pour faire sa demande d'asile.

[5]                Le demandeur soutient que, après son départ de Colombie, son épouse a commencé à recevoir des appels de menaces provenant des FARC, qui voulaient savoir où il se trouvait. Des membres des FARC auraient menacé son épouse avec une arme à feu en septembre 2003. Sa soeur habitant en Équateur aurait également reçu des appels téléphoniques. En mai 2004, la mère du demandeur l'a informé que deux corps avaient été découverts près de Palmira. Le demandeur croit qu'il s'agit des corps de son cousin et de l'ami de ce dernier.

[6]                La SPR a accepté l'identité du demandeur. Elle a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve crédibles ou dignes de foi à l'appui des prétentions du demandeur. En particulier, la Commission n'a pas jugé, pour différentes raisons, que le demandeur intéressait les FARC. Pour en arriver à sa décision, particulièrement par rapport à la Colombie, la SPR a tiré un certain nombre de conclusions relativement à la crédibilité et à la plausibilité. Le demandeur convient que la norme de contrôle applicable à ces conclusions est la décision manifestement déraisonnable. Néanmoins, le demandeur les conteste et soutient que la norme exigée est respectée.

[7]                En ce qui concerne la crédibilité, le demandeur soutient que la Commission a tiré une conclusion défavorable de son témoignage parce qu'il avait évité de répondre à certaines questions et avait donné des réponses vagues. Cette conclusion constituerait une erreur manifestement déraisonnable, parce que le demandeur reçoit des soins psychiatriques depuis son arrivée au Canada et parce que la Commission n'aurait pas tenu compte de la preuve médicale expliquant son comportement. En plus, le demandeur soutient que les conclusions défavorables de la Commission relativement à la crédibilité, tirées à partir du témoignage selon lequel le demandeur aurait eu besoin d'une procuration pour participer à l'enquête, ne peuvent être défendues parce qu'il était un parent de la victime et qu'il pouvait enquêter sur la disparition de son cousin sans avoir besoin d'une procuration. Finalement, il conteste la conclusion de la Commission voulant qu'il ait embelli la relation qu'il entretenait avec son cousin. Son intérêt pour la disparition de son cousin pouvait très bien découler d'un devoir moral.

[8]                En ce qui concerne les éléments non plausibles, le demandeur conteste la conclusion voulant que ses activités politiques ne soient pas de nature à entraîner la persécution et il soutient que c'est la perception qu'ont les persécuteurs du demandeur qui compte, et non pas la perception qu'en a la Commission. Des éléments de preuve présentés à la SPR indiquent que les groupes de guérilleros définissent très largement qui constitue une personne agissant contre leurs intérêts. En outre, le demandeur met en doute la conclusion selon laquelle il était non plausible que les FARC le retrouvent puisqu'elles n'avaient pas retrouvé sa soeur. Il soutient qu'il était manifestement déraisonnable pour la Commission de conclure que, parce que les FARC n'avaient pas fait de mal à sa soeur, elles ne lui en feraient pas. Il appuie cette prétention sur le fait que sa soeur n'a pas participé à l'enquête. Ainsi, leurs situations étaient différentes.

[9]                Le demandeur conteste aussi d'autres conclusions. En particulier, il attaque celles tirées du manque d'éléments de preuve corroborants au sujet de l'enquête ainsi que le fait que la Commission n'ait pas mentionné dans ses motifs la preuve produite. Finalement, le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas d'élément de preuve crédible établissant que la politique des États-Unis envers les demandeurs d'asile colombiens avait changé de manière défavorable après le 11 septembre 2001.

[10]            En somme, le demandeur soutient que la SPR a commis un certain nombre d'erreurs qui soulèvent la question à savoir si la décision aurait été la même sans ces erreurs. Selon lui, la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie, que toutes ces conclusions constituent ou non des erreurs.

[11]            Il est possible que le demandeur puisse établir le bien-fondé d'une ou de plusieurs de ses allégations d'erreur. Cependant, je n'ai pas à prendre cette décision, car, à mon avis, la conclusion de la Commission voulant que le demandeur ne soit pas en danger en Équateur tranche la question.

[12]            Quand un demandeur d'asile est citoyen de deux pays, il doit faire sa demande par rapport aux deux pays : Tit c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 556 (C.F. 1re inst.). Sauf une exception, qui sera examinée plus bas, toutes les allégations d'erreur soulevées par le demandeur portent sur les conclusions de la Commission au sujet du bien-fondé de sa demande par rapport à la Colombie. La SPR a jugé du bien-fondé de la demande d'asile tant par rapport à l'Équateur que par rapport à la Colombie.

[13]            La seule conclusion de la Commission touchant à la situation en Équateur que conteste le demandeur est celle portant sur sa soeur. Le demandeur a affirmé avoir une soeur et deux demi-soeurs vivant en Équateur, dont l'une aurait été appelée et menacée par les FARC quand elles cherchaient à savoir où se trouvait le demandeur. La Commission a pris note que sa soeur n'avait été ni menacée ni contactée après son déménagement. La SPR a conclu que, parce que les FARC n'avaient pas retrouvé sa soeur en Équateur, même si elle travaillait comme journaliste dans les médias et même s'il serait relativement facile de la retrouver, il était non plausible que le demandeur y serait retrouvé. Cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable compte tenu de la preuve documentaire mentionnée par la Commission indiquant que les FARC ne sont pas actives dans cette région.

[14]            Puisqu'il s'agit de la seule conclusion parmi celles présentées par le demandeur comme motif de contrôle qui porte sur la décision relativement à l'Équateur, il s'ensuit nécessairement que la conclusion de la Commission, selon laquelle le bien-fondé de la demande d'asile par rapport à l'Équateur n'a pas été établi, ne doit pas être annulée. Cela suffit à trancher la demande, indépendamment des autres allégations d'erreur.

[15]            Les avocats n'ont pas proposé de question à certifier et aucune n'est soulevée en l'espèce.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                         « Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2588-05

INTITULÉ :                                                    JAVIER ARTURO GONZALEZ-CARDENAS

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 22 FÉVRIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 7 MARS 2006

COMPARUTIONS :

Douglas Lehrer

POUR LE DEMANDEUR

John Provart

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Vandervennen Lehrer

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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