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Date : 20040831

Dossier : IMM-8362-03

Référence : 2004 CF 1200

Montréal (Québec), le 31 août 2004

Présent : L'honorable juge Beaudry

ENTRE :

                                                                 SERGE NSILU

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire, en vertu du par. 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi), porte sur une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (tribunal), rendue le 29 septembre 2003. Dans cette décision, le tribunal a conclu que le demandeur ne satisfait pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » à l'article 96 de la Loi et n'est pas non plus une personne à protéger au sens de l'article 97 de la Loi.


QUESTION EN LITIGE

[2]                Le tribunal a-t-il commis une erreur manifestement déraisonnable dans l'évaluation de la crédibilité du demandeur?

[3]                Pour les motifs suivants, je réponds par la négative et je rejetterai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

FAITS

[4]                Citoyen de la République démocratique du Congo, le demandeur allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raison de ses opinions politiques imputées.

[5]                Voici les faits, tels que décrits par le tribunal. Le demandeur est un travailleur indépendant et coursier co-pilote de Cessna. Le demandeur est le neveu de Jacques Kiagundi qui était un officier dans l'armée de Mobutu. Suite à la chute du régime de Mobutu, l'oncle du demandeur est envoyé en formation à la base militaire de Kitana. Plus tard, l'oncle se rallie secrètement au MLC, mouvement rebelle dirigé par Jean Pierre Bemba.


[6]                Le 15 août 2002, la police se présente à la résidence du demandeur. Il est accusé d'espionnage, de travailler contre le pouvoir et de fournir de l'information aux rebelles du MLC. Il est arrêté et détenu pendant un certain temps. Certains militaires aident le demandeur à s'évader. Il se réfugie à Brazzaville. Le 26 septembre 2002, il quitte Brazzaville et transite par la France pour arriver aux États-Unis le 27 septembre 2002. Il y réside jusqu'au 3 octobre 2002, date à laquelle il arrive au Canada et y demande le statut de réfugié le lendemain.

DÉCISION CONTESTÉE

[7]                Le tribunal a jugé le demandeur non crédible quant à des éléments importants de sa demande d'asile. Il a donné les explications suivantes:

Le demandeur fait état qu'à (sic) la question 41 de son FRP, il aurait été arrêté et détenu par la police à cause de son association avec les rebelles du MLC. Durant l'audience, le demandeur a témoigné à l'effet qu'il n'a jamais été membre du MLC et qu'il n'avait jamais côtoyé les rebelles du MLC tandis qu'à la pièce A-4 [notes de l'agent d'immigration], le demandeur fait état qu'il était membre du MLC depuis 3 ans, ce qui est contraire à son témoignage.

Le demandeur fait aussi état lors de son témoignage qu'il fut détenu pendant un mois par les autorités tandis qu'à la question 41 de son FRP on fait état qu'il fut détenu pendant une période d'une semaine et demie, ce qui est contraire à son témoignage.

Le tribunal conclut que le demandeur ne fut jamais détenu par les autorités de son pays et que son histoire a été créée de toutes pièces.

De plus, le tribunal doit souligner le trajet du demandeur pour venir au Canada et y demander l'asile. Il quitte son pays et transite par la France et les États-Unis où il a séjourné du 26 septembre 2002 au 3 octobre 2002 sans y demander l'asile. Le tribunal trouve le comportement du demandeur, suite à son départ de son pays, incompatible avec sa crainte alléguée de persécution. Si le demandeur avait réellement une crainte de persécution, il aurait tout au moins fait une demande d'asile en France où (sic) aux États-Unis.

ANALYSE

[8]                Le caractère manifestement déraisonnable de la décision est la norme de contrôle dans un cas semblable.


[9]                Selon le demandeur, le tribunal n'a pas tenu compte de ses explications avant d'en arriver à une conclusion de manque de crédibilité. Par ailleurs, le demandeur trouve déraisonnable la mention du délai de sept jours passé aux États-Unis sans demander la protection. Le tribunal n'aurait pas tenu compte de ses raisons pour ne pas avoir revendiquer le statut de réfugié.

[10]            Selon la Cour, le tribunal était justifié d'en arriver à un manque de crédibilité au sujet de la participation du demandeur au MLC. Trois versions différentes ont été données par ce dernier.

[11]            Concernant sa période de détention, le tribunal n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable en raison de l'existence de contradictions évidentes. Lors de son témoignage, le demandeur a déclaré avoir été détenu pendant un mois par les autorités. Aucune durée n'est précisée dans son Formulaire de renseignements personnels (page 50, Dossier du tribunal); il déclare, à l'entrevue, avoir été torturé pendant une semaine et demie « et puis il y a eu un ordre pour que nous soyons transférés à Lubumbashi » . Dans son affidavit par contre, le demandeur affirme au paragraphe 16 ce qui suit :

Malgré le fait qu'après trois jours de mon arrestation nous a informé (sic) que nous allons être transférer (sic) dans la prison de Lubumbashi, ce fait a eu lieu plus tard, après environ 1 mois et demi. (Je souligne)

À un autre endroit, il indique ... « pendant 2 jours ils nous frappaient » .


[12]       Quant au délai pour revendiquer la protection, le demandeur s'appuie sur Liblizadeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 979 (1ère inst.) (QL) et Gavryushenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 194 F.T.R. 161 (C.F. 1ère inst.), pour soutenir qu'il n'était pas obligé de revendiquer le statut de réfugié à la première occasion soit en France et aux États-Unis. Malgré que les délais des transits ne sont pas tellement longs, la Cour n'a pas l'intention d'intervenir à ce sujet. Il s'agit d'un élément parmi d'autres qui a été considéré par le tribunal, ce n'est pas le seul. Les contradictions importantes mentionnées, concernant des éléments cruciaux dans la revendication du demandeur ont permis au décideur de trancher comme il l'a fait.

[13]            En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[14]            Les parties ont décliné de soumettre des questions à certifier. Cette cause ne comporte aucune question à certifier.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                 Michel Beaudry                  

Juge


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-8362-03

INTITULÉ :                                        SERGE NSILU

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 30 août 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


ET ORDONNANCE :                       LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS ET DE

L'ORDONNANCE :                          le 31 août 2004

COMPARUTIONS :

Me Lia Cristinariu                                  POUR LE DEMANDEUR

Me Diane Lemery                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Lia Cristinariu                                  POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)



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