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                                                                                                                                 Date : 20050128

                                                                                                                        Dossier : IMM-87-05

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 145

ENTRE :

                                                          KRISHAN PAL SINGH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

De MONTIGNY J.

[1]                M. Krishan Pal Singh (le demandeur) sollicite un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi prise à son encontre jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue relativement à sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du 30 novembre 2004, rendue par Mme Bernier, l'agente d'examen des risques avant renvoi (l'agente d'ERAR), qui a conclu que :

Suite à l'analyse de la preuve entière, j'estime que le demandeur n'a pas démontré qu'il est ciblé en Inde. Les éléments présentés sont insuffisants pour affirmer qu'il est un sujet d'intérêt, une personne recherchée par les autorités indiennes, qui court des risques personnels de retour. Malgré certaines tensions au pays, la preuve objective indique que les conditions actuelles sont plutôt stables au Pendjab. De plus, il existe une protection de l'État et un refuge à l'intérieur du pays. Le demandeur ne correspond pas au profil d'une personne à risque. Il peut retourner en Inde.


[2]                Le demandeur est un sikh de 43 ans, citoyen de l'Inde, qui a allégué avoir raison de craindre d'être persécuté du fait des opinions politiques qu'on lui impute et de son appartenance à un groupe social. Il allègue craindre d'être persécuté par les autorités policières, lesquelles croient qu'il transportait des explosifs et des munitions, aidant ainsi les groupes de militants sikhs.

[3]                Le demandeur est arrivé au Canada le 14 mars 1999 et il a présenté une demande d'asile le 17 mars. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande le 2 octobre 2000 au motif que son histoire n'était pas crédible. Le demandeur n'a pas déposé de demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision.

[4]                Le 18 octobre 2000, le demandeur a présenté une demande dans le cadre du programme relatif à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (CDNRSRC) en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration. Le 5 avril 2003, le demandeur a été avisé que sa demande dans la CDNRSRC n'existait plus et que celle-ci serait alors traitée comme une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR).

[5]                Les 14 mai et 10 juin 2004, le demandeur a formulé des observations à l'appui de sa demande d'ERAR, alléguant essentiellement les mêmes risques que ceux présentés devant la CISR. Il a ajouté qu'il craignait de retourner en Inde en tant que demandeur d'asile dont la demande a été rejetée.

[6]                Le 30 novembre 2004, la demande d'ERAR du demandeur a été rejetée pour les motifs susmentionnés.


[7]                Dans ses observations orales et écrites, l'avocat du demandeur a passé beaucoup de temps à décrire la persécution à laquelle faisaient face les sikhs au Panjab ainsi que l'immunité dont jouissait la police concernant la torture et d'autres formes de violence. Il souligne que la décision de l'agente d'ERAR mettait l'accent sur le danger général encouru par un hypothétique sikh moyen et qu'elle laissait passer le fait qu'il avait déjà été torturé et qu'il était soupçonné d'être un militant.

[8]                L'avocat du demandeur a également soutenu que l'agente d'ERAR avait commis une erreur en concluant que le demandeur aurait une possibilité de refuge intérieur (PRI) et en rejetant la preuve corroborante sans motif pour ce faire.

[9]                Pour que le demandeur puisse se voir accorder un sursis à l'exécution de son renvoi, il doit satisfaire au critère en trois volets établi par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Toth. C'est-à-dire qu'il doit démontrer : 1) qu'il y a une question sérieuse à trancher, (2) qu'il subirait un préjudice irréparable si la mesure d'expulsion était exécutée et (3) que la prépondérance des inconvénients le favorise plutôt que le ministre.

[10]            Il est maintenant bien établi que le but du processus d'examen des risques avant renvoi est d'apprécier l'évolution des risques depuis l'audition de la demande d'asile, non pas de procéder à une deuxième audience relative à la demande d'asile. La Cour doit faire preuve de retenue à l'égard de la décision de l'agente d'ERAR, puisqu'elle implique des conclusions de fait, concernant aussi bien la situation personnelle du demandeur que le dossier relatif aux droits de la personne du pays où il serait renvoyé.


[11]            En l'espèce, l'avocat du demandeur a repris la même documentation objective présentée à l'agente d'ERAR pour faire valoir que les sikhs sont toujours visés par la police et que ceux qui sont soupçonnés d'être des militants sont toujours en danger au Panjab. Pour répondre à cet argument, il suffit de dire que l'agente d'ERAR a examiné les divers rapports déposés par le demandeur et elle a reconnu que, malgré les améliorations réalisées depuis la fin des années 1990, des violations des droits de la personne sont toujours commises à l'égard des sikhs en vue poursuivant ou soupçonnés de poursuivre des activités séparatistes.

[12]            L'agente d'ERAR est arrivée à la conclusion que le demandeur n'était pas personnellement en danger parce qu'elle était d'avis qu'on n'avait pas fait la démonstration qu'il était actif politiquement ou qu'il avait été lié aux militants sikhs. Comme elle l'a déclaré :

Le demandeur n'a pas réussi à établir qu'il est relié aux militants Sikhs de quelque manière que ce soit. Il a indiqué dans ses observations écrites qu'il n'a jamais été politiquement actif dans son pays ou qu'il a été impliqué avec les militants Sikhs. Il n'a également pas démontré que les membres de sa famille ont été ou sont impliqués dans la politique ou avec les militants, ce qui aurait pu faire de lui une personne susceptible d'être soupçonnée d'avoir des liens avec les militants. Avec les éléments dont je dispose, il m'apparaît peu probable que les autorités indiennes le suspectent d'entretenir des liens avec les militants Sikhs. Je ne peux donc affirmer qu'il est personnellement visé par les risques allégués.

[13]            Compte tenu de la preuve dont elle disposait (y compris la nouvelle preuve documentaire et les lettres soumises pour confirmer l'histoire du demandeur), l'agente d'ERAR avait certainement le droit de tirer ces conclusions (comme l'avait fait avant la Section de la protection des réfugiés) et, en l'absence d'une conclusion manifestement déraisonnable, la Cour ne devrait certainement pas y substituer son propre jugement ni apprécier à nouveau la preuve. On peut affirmer la même chose relativement à son appréciation concernant la possibilité d'un refuge intérieur.


[14]            Quant à l'exigence d'un préjudice irréparable, le demandeur n'a pas démontré qu'il serait réellement en danger s'il devait être renvoyé en Inde. Comme la Cour l'a décidé dans un certain nombre de cas, lorsque tant la Section du statut de réfugié qu'un agent d'ERAR ont conclu que le récit du demandeur n'était pas crédible, ce même récit ne peut servir de fondement à un argument de préjudice irréparable dans le cadre d'une demande de sursis : Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1182; Saibu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 151; Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 751; Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 1 C.F. 483 (1re inst.).

[15]            Dans les circonstances, la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur.

[16]            Par conséquent, la présente demande sera rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                           « Yves de Montigny »          

      Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-87-05

INTITULÉ :                                                                KRISHPAN PAL SINGH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 24 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LE JUGE de MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :                                               LE 28 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy                                                            POUR LE DEMANDEUR

Suzon Létourneau                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Istvanffy                                                            POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


                                                                                                                                 Date : 20050128

                                                                                                                        Dossier : IMM-87-05

Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE de MONTIGNY

ENTRE :

                                                          KRISHAN PAL SINGH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                           « Yves de Montigny »          

      Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.

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