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Date : 20020724

Dossier : T-831-01

                                                                                              Référence neutre : 2002 CFPI 818

ENTRE :

           

       CANADA (MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION)

demandeur

- et -

                                                          PIETRO GAMBINO

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]                 Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le demandeur) interjette appel de la décision, en date du 21 mars 2001, du juge de la citoyenneté Northcote. Dans sa décision, celui-ci a accueilli la demande de citoyenneté de M. Pietro Gambino (le défendeur).


[2]                 Le défendeur est un citoyen de l'Italie. Le 15 janvier 1993, il est entré au Canada avec sa femme et sa toute jeune fille. Il a déménagé au Canada à cause de son emploi au Groupe Banca Commerciale Italiana.

[3]                 Le défendeur était alors entré au Canada avec un visa pour gens d'affaires, alors que sa femme et sa fille l'avaient fait avec des visas de visiteur. Le 12 octobre 1996, le défendeur et sa famille ont obtenu le statut de résidents permanents. Sa femme et lui ont eu un deuxième enfant au Canada. Ce dernier est né le 4 décembre 1993 et est citoyen canadien.

[4]                 Le défendeur a travaillé au Canada de 1993 à 1998. Il a été muté aux bureaux de la compagnie en Hongrie et, en mars 1998, a dû quitter le Canada pour aller en Hongrie. Son affectation devait être temporaire et il détenait, pendant son absence du pays, un permis de retour pour résident permanent. Au début, sa femme et ses enfants sont restés au Canada et il venait les voir aussi souvent qu'il le pouvait. Il n'était cependant pas souvent présent et a décidé que, compte tenu de l'âge des enfants, ces absences étaient néfastes pour la famille. La femme et les enfants du défendeur ont donc rejoint celui-ci en Hongrie en mai 1999.

[5]                 Le défendeur et sa famille ont toujours été locataires au Canada. Après le déménagement de la femme et des enfants du défendeur, en mai 1999, le bail de leur logement a été résilié.


[6]                 Le 30 avril 1999, le défendeur a présenté une demande de citoyenneté canadienne pour lui, sa femme et sa fille. Il a rempli et retourné un questionnaire sur la résidence le 27 juillet 2000, ou vers cette date.

[7]                 Le 21 février 2001, il s'est rendu au Bureau de la citoyenneté à Scarborough (Ontario) pour une audition devant le juge de la citoyenneté Northcote. Celui-ci a conclu que même s'il manquait, en raison d'absences temporaires dans les quatre ans qui ont précédé la date sa demande, 310 jours au défendeur pour qu'il ait résidé pendant au moins trois ans au Canada, ce dernier avait satisfait aux exigences d'obtention de la citoyenneté prévues à la Loi sur la citoyenneté, 1974-75-76, ch. 108, art. 1, modifiée (la Loi). Le juge a aussi noté dans sa décision que le défendeur et sa femme [TRADUCTION] « espèrent faire à nouveau, dans un avenir prochain, du Canada le centre de leur mode de vie » .

[8]                 Le demandeur cherche à obtenir le contrôle de cette décision sur le fondement que le juge de la citoyenneté a commis des erreurs de fait et de droit en décidant d'approuver la demande de citoyenneté du défendeur. Plus particulièrement, il soutient que le défendeur n'a pas satisfait aux exigences de l'alinéa 5(1)c) de la Loi parce qu'il n'a pas résidé un minimum de 1095 jours au Canada, comme requis.


[9]                 Le défendeur prétend que la décision du juge de la citoyenneté est correcte et que la Cour doit la confirmer. Il fait valoir qu'il a toujours eu l'intention de demander la citoyenneté au Canada et que son absence en Hongrie, pour fins d'affaires, était temporaire. Dans de telles circonstances, les 310 jours manquants de résidence au Canada ne doivent pas fonder le rejet de sa demande de citoyenneté.

[10]            Je suis d'avis que la présente demande doit être accueillie. Il appert que le juge de la citoyenneté a commis des erreurs de fait et de droit en concluant que le défendeur avait fait du Canada le centre de son mode de vie et démontré son intention de demander la citoyenneté canadienne.

[11]            Le juge de la citoyenneté prétend s'être appuyé sur Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (C.F. 1re inst.) pour conclure que le défendeur avait démontré qu'il avait fait du Canada le centre de son mode de vie. À mon avis, le juge de la citoyenneté a mal interprété cette décision.

[12]            Dans la décision Re Papadogiorgakis, précitée, la Cour a conclu que les absences temporaires du Canada pour fins d'études n'étaient pas une renonciation à avoir le Canada comme centre de mode de vie. En l'espèce, la preuve montre que le défendeur a, en mai 1999, fait déménager sa femme et ses enfants de Toronto (Ontario) pour les réinstaller en Hongrie. Peu après ce déménagement, le demandeur a présenté sa demande de citoyenneté canadienne. Entre le moment où il a été muté en Hongrie et le déménagement de sa famille, le défendeur allait une fois de temps en temps rejoindre sa famille à Toronto.


[13]            Je suis d'avis que le défendeur a cessé de faire du Canada le centre de son mode de vie quand il a abandonné son logement et a fait déménager sa famille en Hongrie. Je conclus de plus que le juge de la citoyenneté, en mentionnant que le défendeur avait l'intention de faire à nouveau du Canada le centre de son mode vie, a également reconnu que ce dernier avait cessé de centrer son mode de vie sur ce pays. Il n'y aurait pas à établir à nouveau un mode de vie centré sur le Canada si cette façon de vivre n'avait pas précédemment cessé.

[14]            J'accepte les prétentions du demandeur et j'accueille l'appel. La décision du juge de la citoyenneté est infirmée.

« E. Heneghan »

Juge

  

OTTAWA (Ontario)

Le 24 juillet 2002

  

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                                                        T-831-01

INTITULÉ :                                                        MCI c. PIETRO GAMBINO

                                                                            

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                               TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                             LE 13 JUIN 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                    LE 24 JUILLET 2002

   

COMPARUTIONS :

DEBRA DRUKARSH                           POUR LE DEMANDEUR

IRA NISHISATO                                                POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MINISTÈRE DE LA JUSTICE                          POUR LE DEMANDEUR

130, RUE KING O.

M5X 1K6

BORDEN & ELLIOT

40, RUE KING O.

M5H 3Y4                                                             POUR LE DÉFENDEUR

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