Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010830

Dossier : IMM-814-01

Référence neutre : 2001 CFPI 977

ENTRE :

                                                           OLGA MONKA ELONGA

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     Défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 16 janvier 2001, déterminant que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]                 La demanderesse, âgée de vingt-deux ans, est citoyenne de la République démocratique du Congo (RDC). Elle revendique le statut de réfugié au sens de la Convention en raison de son appartenance à un groupe social, la famille, et de ses opinions politiques.

[3]                 La demanderesse a terminé ses études au mois de juillet 1999, et elle vivait avec sa famille à Kinshasa. Son père travaillait pour la société nationale d'électricité, mais il a décidé de démissionner et de devenir journaliste à La tempête des tropiques . Entre juillet et octobre 1999, il aurait signé des articles au sujet de la guerre sévissant dans l'est du pays.

[4]                 Le dernier article aurait été publié au mois d'octobre 1999. La demanderesse a déposé en preuve un article écrit par son père et publié au mois de février 1999 dans le Weekend africain.

[5]                 La demanderesse a travaillé comme bénévole au bureau de son père du mois d'août au mois de novembre 1999. Elle y exécutait des travaux généraux. Elle a témoigné qu'à quatre reprises, elle a distribué des feuillets publicitaires résumant les articles à paraître.

[6]                 Le 17 novembre 1999, son père a quitté le domicile familial et n'est jamais revenu. Elle prétend qu'il aurait reçu une fausse convocation à une réunion et aurait été arrêté.

[7]                 Le 22 novembre 1999, la demanderesse s'est présentée au ministère des droits humains pour essayer d'avoir de l'aide, mais sa démarche n'a rien donné. Le même jour, des soldats sont venus à la maison familiale; ils ont ligoté sa mère et ses frères, puis ont battu et violé sa mère.

[8]                 Les soldats auraient déclaré que son père se prenait pour un patriote avec ses articles. Ils auraient également remarqué que la demanderesse était la personne qui travaillait au même journal que lui. Toutefois, ils ne l'ont pas emmenée.

[9]                 La demanderesse a décidé de se cacher sans sa famille et elle est allée dans un cercle de prière à Kinshasa. Elle y est demeurée jusqu'au 6 décembre 1999, puis elle est partie pour Brazzaville. Pendant qu'elle vivait cachée, elle n'a pas cherché à se renseigner sur sa famille.

[10]            Elle s'est ensuite rendue en Côte d'Ivoire où elle est restée deux mois, soit jusqu'au 17 février 2000, puis elle est venue au Canada le 18 février 2000.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]           

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur au sujet des faits en cause dans la revendication?

2.          La Commission a-t-elle omis de tenir compte des autres motifs invoqués par la demanderesse ou a-t-elle tiré une conclusion abusive ou omis de tenir compte d'éléments de preuve ou d'évaluer des éléments de preuve crédibles?


3.          La Commission a-t-elle omis de tenir compte de la notion de perception relativement à l'agent de persécution et commis par là une erreur de droit?

4.          La Commission a-t-elle omis de tenir compte d'éléments de preuve, et a-t-elle mal interprété des éléments de preuve en déterminant que la demanderesse n'était pas crédible?

ANALYSE

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur au sujet des faits en cause dans la revendication?

[12]            La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur de droit manifeste lorsqu'elle a conclu que la demanderesse avait déclaré dans son témoignage qu'elle avait demandé les deux documents datés de mars 2000 (certificat de naissance et attestation provisoire de réussite) au mois d'août 2000, et lorsqu'elle a déterminé qu'il était peu probable qu'une demande présentée en août 2000 lui ait permis d'obtenir des documents datés de mars 2000.

[13]            La demanderesse souligne que les deux documents ont été fournis à la Commission au mois de mai 2000 avec le Formulaire de renseignements personnels (FRP), lequel a été déposé le 23 mai 2000. Elle fait donc valoir que cette erreur fausse toute l'analyse de la Commission relativement aux raisons pour lesquelles la demanderesse est partie de la RDC au moment où elle l'a fait.


[14]            Le défendeur explique que les deux documents datés de mars 2000 émanant de la RDC ont été délivrés après l'arrivée au Canada de la demanderesse le 18 février 2000. Il fait remarquer que la demanderesse, lorsque le fait que les documents avaient été délivrés postérieurement à son arrivée au Canada lui a été signalé, a témoigné qu'elle les avait demandés à son oncle lorsqu'elle lui avait parlé au téléphone, au mois d'août 2000. Plus tôt lors de son témoignage, elle avait été interrogée longuement sur ses contacts avec sa famille, et elle avait indiqué qu'elle n'en avait reçu aucune nouvelle avant le mois d'août 2000, lorsqu'elle avait parlé avec son oncle.

[15]            Priée de concilier ces éléments de preuve et d'expliquer, en particulier, comment son oncle avait pu lui envoyer des documents datés de mars 2000 (c'est-à-dire des documents qui ont été créés après son départ de la RDC) alors que la demande n'en avait été faite que le mois d'août suivant, la demanderesse a déclaré qu'elle n'avait pas d'explication à offrir.

[16]            Le défendeur souligne en outre qu'indépendamment de la question de savoir quand la demanderesse a effectivement reçu les documents, c'est ce témoignage qu'elle a donné à ce sujet, et qu'elle n'a pas certifié ne pas avoir fait ces déclarations au cours de son témoignage oral. Si les documents avaient été reçus avant le mois de mai 2000, la demanderesse l'aurait mentionné dans son témoignage oral. Mais elle a déclaré qu'elle n'a communiqué avec des membres de sa famille qu'au mois d'août 2000 et que c'est à ce moment qu'elle a demandé les documents. La demanderesse n'était manifestement pas crédible relativement au moment où elle a reçu les documents et à la façon dont elle les a obtenus.

[17]            De plus, même si elle avait reçu les documents avant le mois de mai 2000 et si elle les avait joints à son FRP, la question de savoir pourquoi la demanderesse a fait des déclarations contradictoires sur ce point dans son témoignage oral demeure inexpliquée.

[18]            J'ai examiné la transcription de l'audience ainsi que la décision de la Commission, et je ne puis que convenir avec le défendeur que la demanderesse n'a pas réussi à concilier son témoignage avec la question de savoir comment son oncle a pu lui transmettre des documents datés de mars 2000 alors qu'elle n'a pas communiqué avec sa famille entre les mois de décembre 1999 et août 2000. Le fait que la demanderesse ait eu ces documents en main au mois de mai 2000 ne l'aide pas non plus car il signale une autre contradiction dans la version des faits de la demanderesse et ne contribue aucunement à concilier les divers éléments de preuve. Il m'est impossible de conclure que la Commission a commis une erreur sur ce point; la Commission pouvait raisonnablement conclure que cet élément de preuve entachait la crédibilité de la demanderesse.

2.          La Commission a-t-elle omis de tenir compte des autres motifs invoqués par la demanderesse ou a-t-elle tiré une conclusion abusive ou omis de tenir compte d'éléments de preuve ou d'évaluer des éléments de preuve crédibles?


[19]            La demanderesse fait valoir qu'elle a présenté des éléments de preuve crédibles indiquant qu'elle courait un danger en RDC. La Commission a en outre conclu que son père était journaliste et que c'est un métier risqué dans ce pays. Des éléments de preuve documentaire indiquaient également que lorsque les autorités ne parvenaient pas à localiser quelqu'un, elles avaient l'habitude d'arrêter ou de brutaliser un membre de la famille proche. Par conséquent, la demanderesse est en danger à cause de son lien de filiation. Elle affirme que la Commission n'a rien compris à la preuve. En fait, la Commission aurait mal interprété son témoignage, et elle aurait déclaré, sans plus, que les soldats ne s'intéressaient pas à la demanderesse. Or, selon elle, les soldats se sont assez intéressés à elle pour la brutaliser, la ligoter, la violer presque et l'interroger sur les raisons pour lesquelles elle distribuait des tracts.

[20]            Le défendeur soutient pour sa part que la Commission a tenu compte de tous les éléments de preuve et qu'elle n'a pas commis d'erreur d'interprétation à leur sujet. Elle a raisonnablement tiré des conclusions négatives d'éléments de preuve qui n'étaient pas crédibles ou dignes de foi. Plus précisément, le défendeur affirme que la Commission n'a commis aucune erreur susceptible de révision, malgré le fait qu'elle n'a pas mentionné tous les éléments de preuve dans sa décision.

[21]            Le défendeur fait aussi valoir que la préférence accordée à certains éléments de preuve découle de l'appréciation de la preuve que la Commission doit effectuer. La Commission a le pouvoir de faire fond sur certains éléments de preuve et d'en écarter d'autres lorsqu'il y a conflit ou incohérence entre eux.

[22]            À l'argument de la demanderesse voulant qu'elle soit en danger à cause de son père, le défendeur oppose qu'il doit exister un lien entre la situation personnelle de la demanderesse et la situation générale des droits de la personne dans le pays qu'elle fuit. En l'absence d'éléments de preuve crédibles établissant qu'une menace pèse sur un demandeur, on ne saurait lui reconnaître le statut de réfugié. Même si la Commission n'a pas rejeté la preuve de la demanderesse selon laquelle son père était journaliste, il reste qu'elle n'a pas ajouté foi à sa relation des faits et aux raisons qu'elle a données pour expliquer sa fuite de la RDC, et qu'il s'ensuit que la demanderesse ne s'est pas acquittée du fardeau de prouver qu'il y avait un lien entre sa situation personnelle et la situation générale en matière de droits de la personne.

[23]            Relativement à la prétention de la demanderesse voulant que la Commission ait omis de tenir compte d'éléments de preuve documentaire, je fais miens les propos de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Florea c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 598 :

Le fait que la Section n'a pas mentionné tous et chacun des documents mis en preuve devant elle n'est pas un indice qu'elle n'en a pas tenu compte; au contraire un tribunal est présumé avoir pesé et considéré toute la preuve dont il est saisi jusqu'à preuve du contraire. Les conclusions du tribunal trouvant appui dans la preuve, l'appel sera rejeté.

                                                                                                                                                                       


[24]            La demanderesse prétend que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve crédibles qu'elle a soumis à l'audience. Elle soutient que la Commission, n'ayant pas mis en doute qu'elle se considérait comme activiste, qu'elle avait travaillé bénévolement au journal de son père, que les soldats avaient envahi sa maison et qu'ils l'avaient battue ainsi que ses frères et sa mère, aurait dû mentionner ces éléments de preuve dans sa décision.

[25]            Je dois toutefois souligner que la Commission a jugé non crédible l'affirmation de la demanderesse selon laquelle elle aurait travaillé au journal. À la page 5 de sa décision, la Commission a écrit que la demanderesse n'avait pas établi qu'elle avait travaillé au journal.

[26]            L'absence de crédibilité de la demanderesse sur ce point a soulevé des doutes relativement à l'ensemble de sa revendication. La Commission a également relevé de nombreuses autres incohérences et invraisemblances qui ont porté atteinte à la crédibilité de la demanderesse.

[27]            La Commission a également déterminé que la demanderesse n'avait pas rempli le profil    journalistique qu'elle s'était attribué (témoignage de la demanderesse, à la p. 174 du dossier du tribunal), et elle a aussi abordé la question de la venue des soldats chez la demanderesse. Je ne puis conclure que la Commission a omis de prendre en considération les éléments de preuve soumis par la demanderesse et d'examiner les diverses questions soulevées.

3.          La Commission a-t-elle omis de tenir compte de la notion de perception relativement à l'agent de persécution et commis par là une erreur de droit?


[28]            Selon la demanderesse, la Commission a commis une erreur en ne prenant pas en considération que, indépendamment du fait que la demanderesse ait ou non été journaliste, la perspective pertinente était celle de l'agent de persécution, ce qui posait la question de savoir si la demanderesse serait perçue comme une journaliste.

[29]            La demanderesse soutient en outre que la Commission ne peut tout simplement pas accepter qu'elle ait suscité l'intérêt des agents de persécution et que cette attitude révèle l'erreur signalée par la Cour d'appel dans l'arrêt Chen c. M.E.I. (4 octobre 1993), A-30-91.

[30]            Relativement à l'importance qu'elle présentait pour les agents de persécution, la demanderesse prétend que la Commission a erronément substitué sa propre vision à celle des agents de persécution. Selon elle, il n'est pas nécessaire qu'une personne occupe une position officielle pour éveiller l'intérêt d'agents de persécution.

[31]            Elle affirme que la Commission a commis une erreur en n'examinant pas comment elle était perçue par les agents de persécution et en considérant plutôt qu'elle ne correspondait pas à un profil quelconque.

[32]            Le défendeur allègue que la Commission a pris en considération la perspective du persécuteur mais qu'elle n'a pas jugé que la revendication reposait sur des éléments de preuve crédibles et dignes de foi.

[33]            Il soutient que la Commission n'a pas commis d'erreur en relevant que la demanderesse n'était pas journaliste ou qu'elle n'avait pas le profil d'un journaliste. Elle n'était pas journaliste et, si elle l'avait été, la Commission aurait dû analyser différemment la question. Il fait valoir que la demanderesse ne craignait pas d'être perçue comme une journaliste, mais bien que des opinions politiques lui soient imputées en raison de ses activités au journal. C'est cette crainte que la Commission a prise en considération.

[34]            Le défendeur souligne que la Commission a bien tenu compte de la perception du persécuteur mais qu'elle a conclu à l'absence d'éléments de preuve crédibles et dignes de foi établissant que le prétendu persécuteur avait attribué des opinions politiques quelconques à la demanderesse ou qu'il pourrait le faire. La Commission a raisonnablement conclu que les autorités n'avaient imputé aucune opinion à la revendicatrice et qu'elles ne s'intéressaient pas à elle. Selon la Commission, si tant est que les autorités se sont manifestées, c'est parce qu'elles s'intéressaient au père de la demanderesse. Même après avoir constaté que la demanderesse avait travaillé au journal, elles ne l'ont pas arrêtée ni emmenée.


[35]            De plus, après avoir relevé de nombreux problèmes de crédibilité, notamment le fait que la demanderesse n'a jamais pensé à communiquer avec le journal et l'explication qu'elle a donnée de cette omission, savoir qu'elle ignorait le numéro de téléphone, la Commission n'a même pas cru que la demanderesse avait accompli au journal toutes les tâches qu'elle avait décrites. Le défendeur fait également observer que, bien qu'elle ait été avisée que la Commission ne croyait pas qu'elle avait travaillé au journal et qu'elle ait eu la possibilité de réfuter cette conclusion, elle n'a présenté aucun autre élément de preuve pour corroborer ce fait. Le défendeur reconnaît qu'il n'est pas obligatoire de fournir une preuve corroborante, mais il soutient que, compte tenu du manque de crédibilité de la défenderesse et du fait qu'elle avait fini par déposer une lettre du journal qui ne disait rien au sujet du travail qu'elle y aurait accompli, il était raisonnable que la Commission éprouve des doutes au sujet de la preuve de la demanderesse sur ce point.

[36]            Selon moi, la Commission a tenu compte de la perspective des agents de persécution et a examiné si la demanderesse pourrait être persécutée en raison de ses actes. Elle a examiné le fait que la demanderesse exécutait des travaux généraux pour le journal et a estimé que c'est parce qu'ils s'intéressaient à son père et non à elle que les soldats sont allés chez elle. La Commission a en outre conclu que la demanderesse n'avait pas établi qu'elle avait travaillé pour le journal. Ces conclusions portaient sur les actes de la demanderesse et sur la perception qu'en auraient les agents de persécution. Je ne puis conclure que la Commission a commis une erreur.

4.          La Commission a-t-elle omis de tenir compte d'éléments de preuve, et a-t-elle mal interprété des éléments de preuve en déterminant que la demanderesse n'était pas crédible?


[37]            La demanderesse affirme que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire selon laquelle le gouvernement intercepte le courrier et surveille les conversations téléphoniques, lorsqu'elle a conclu que la demanderesse aurait dû se procurer des éléments de preuve établissant qu'elle travaillait pour le journal et qu'elle aurait dû recevoir d'autres nouvelles de sa famille.

[38]            À l'allégation de la demanderesse selon laquelle la Commission n'a pas tenu compte de la situation régnant dans le pays, le défendeur oppose que la demanderesse n'a pas prouvé cette affirmation. Le défendeur fait observer qu'aucun élément de preuve n'établit que la demanderesse ou son avocat ont fait état de l'interception de communications pendant l'audience devant la Commission. L'affidavit d'Anthony Kako ne renferme aucune attestation de ce fait, bien qu'il ait certainement été possible d'en inclure une.

[39]            Selon le défendeur, il incombait à la demanderesse d'établir que c'est à cause de l'interception des communications qu'elle n'avait pu obtenir les éléments de preuve nécessaires; elle devait prouver, en outre, que le problème d'interception s'appliquait à elle, tout particulièrement parce qu'elle avait réussi à déposer en preuve des documents provenant de la RDC et qu'elle avait pu parler à son oncle au téléphone. Puisqu'il n'est pas établi que la demanderesse a soulevé cette question devant la Commission, il s'ensuit, selon le défendeur, que cette dernière pouvait à bon droit présumer qu'elle n'avait pas à se prononcer là-dessus.


[40]            Encore une fois, ce n'est pas parce que la Commission ne mentionne pas tous les éléments de preuve qu'elle ne les a pas pris en considération. Je ne suis dire que la preuve documentaire au sujet du courrier fait naître des doutes au sujet de la conclusion de la Commission et permet d'affirmer que cette dernière s'est trompée. De plus, malgré la preuve documentaire selon laquelle le gouvernement interceptait le courrier et surveillait les communications téléphoniques, il était démontré que la demanderesse avait pu obtenir des documents établissant que son père travaillait pour le journal.

[41]            La demanderesse soutient, relativement à la lettre postérieure à l'audience, que la Commission a conclu à tort qu'elle soulevait des doutes concernant son témoignage et qu'elle introduisait une contradiction parce qu'elle pouvait laisser entendre que son père était au travail au journal.    L'élément de preuve pouvait signifier que le père n'était pas en détention à la date de la lettre.

[42]            La Commission, toutefois, a conclu que son père réunissait les caractéristiques des personnes à risque et que, selon la preuve documentaire, il arrive souvent que les journalistes finissent pas être libérés.

[43]            La demanderesse fait valoir que la Commission a commis une erreur en tirant une conclusion négative sans l'avoir entendue sur ce point.


[44]            Au sujet de cette lettre, le défendeur soutient qu'elle n'avait pas soulevé de doutes concernant le témoignage de la demanderesse puisque les doutes avaient pris naissance à l'audience. La Commission avait estimé, en fait, que rien dans la lettre ne la justifiait de modifier la conclusion à laquelle elle était parvenue à l'audience au sujet de la crédibilité de la demanderesse.

[45]            Selon le défendeur, la Commission n'a pas tiré de conclusion négative des questions se rapportant au statut réel du père de la demanderesse.

[46]            Relativement à la lettre postérieure à l'audience, la Commission avait écrit, à la p. 5 de ses motifs :

Le tribunal n'a pas mis en doute le fait que le père de la revendicatrice est journaliste. C'est plutôt le travail de celle-ci au journal La tempête des Tropiques qui n'a pas été établi. Cette lettre d'attestation ne change pas la décision du tribunal concernant la crédibilité de la revendicatrice.

De plus, ce document semble confirmer que le père de la revendicatrice est, en date du 1er décembre 2000, correspondant particulier du journal. A-t-il été libéré, est-il de retour au travail? Le tribunal ne peut répondre à cette question et la revendicatrice n'a pas demandé de reprendre l'audience de son dossier. De toute façon, comme il a été dit précédemment, cette pièce ne change rien à l'analyse du témoignage de la revendicatrice.

[47]            Comme il appert de la décision de la Commission, celle-ci n'a pas tiré de conclusion négative de la lettre; elle a expliqué que le document ne lui avait pas fait changer sa décision. Je ne puis conclure que la Commission a commis une erreur dans l'appréciation de cet élément de preuve.


[48]            La demanderesse prétend en outre que la Commission a commis une erreur en ne lui accordant pas le bénéfice du doute. Elle affirme que la Commission était tenue de comparer son témoignage avec la preuve documentaire et qu'en cas de concordance, il lui fallait donner le bénéfice du doute à la demanderesse relativement aux éléments de preuve que celle-ci n'avait pas réussi à fournir.

[49]            Le défendeur soutient que la demanderesse n'a pas droit au bénéfice du doute à cause de la prépondérance des éléments non plausibles de son témoignage.

[50]            Le paragraphe 204 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du HCNUR énonce ce qui suit :

204.          Néanmoins, le bénéfice du doute ne doit être donné que lorsque tous les éléments de preuve disponibles ont été réunis et vérifiés et lorsque l'examinateur est convaincu de manière générale de la crédibilité du demandeur. Les déclarations du demandeur doivent être cohérentes et plausibles, et ne pas être en contradiction avec des faits notoires.

[51]            En l'espèce, la Commission a conclu, sur la base de contradictions et d'invraisemblances, que la demanderesse manquait de crédibilité.

[52]            De plus, comme la Cour d'appel l'a exposé dans l'arrêt Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315    :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être.


[53]            À mon avis, la décision de la Commission n'est pas entachée d'erreur. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[54]            L'avocat de la demanderesse a proposé une question pour certification :

[Traduction]

Lorsqu'est présenté à la Commission un argument relatif à l'aspect de la revendication touchant les raisons du danger couru par le revendicateur, la Section du statut de réfugié est-elle tenue d'examiner l'argument?

[55]            L'avocat du défendeur s'est opposé à la question, soutenant qu'elle avait déjà reçu réponse.

[56]            Selon moi, il ne s'agit pas d'une question d'une importance générale. Aucune question ne sera donc certifiée.

    « Pierre Blais »                               

             Juge

Ottawa (Ontario)

30 août 2001

TRADUCTION CERTIFIÉ CONFORME

                                                                     

Ghislaine Poitras


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                   

DOSSIER :                                           IMM-814-01

INTITULÉ :                                        Olga Monka Elonga c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              16 août 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                      30 août 2001

COMPARUTIONS:

M. Micheal Crane                                                POUR LA DEMANDERESSE

Mme Amina Riaz                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Micheal Crane                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.