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                                                                                                                      Date: 20000718

                                                                                                                  Dossier: T-595-96

ENTRE:

                                       JASON PRIOR ET CLINTON PRIOR,

                                                                                                                           demandeurs,

                                                                     -et-

LES PROPRIÉTAIRES DU « TALAPUS » ET LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LEDIT NAVIRE, LE NAVIRE « TALAPUS » , MARK GRIMWOOD et CLOVERLEAF SHIPPING LTD.,

                                                                                                                             défendeurs.

                                                                                                                Dossier: T-2204-96

ENTRE:

                              STEPHEN GOREHAM ET MERLE GOREHAM,

                                                                                                                           demandeurs,

                                                                     -et-

LES PROPRIÉTAIRES DU « TALAPUS » ET LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LEDIT NAVIRE, LE NAVIRE « TALAPUS » , MARK GRIMWOOD et CLOVERLEAF SHIPPING LTD.,

                                                                                                                             défendeurs.

                                                 MOTIFS DU JUGEMENT

(Version révisée des motifs prononcés oralement à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 9 mai 2000)

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

[1]         À la clôture de l'instruction, j'ai décidé de rendre décision. J'ai donc demandé au sténographe officiel de prendre en note les motifs de la décision, et j'ai précisé qu'ils formeraient, après révision, la base des motifs du jugement. J'ai par la suite invité les parties à soumettre des observations écrites quant aux dépens.

[2]         Deux points procéduraux ont été réglés au début de l'audience. Premièrement, les deux actions, no T-2204-96 et T-595-96, ont été réunies pour instruction conjointe, du consentement des parties, conformément à la règle 105. Deuxièmement, M. Mark Grimwood a été autorisé à se représenter lui-même et à représenter sa société, Cloverleaf Shipping Ltd. (ci-après appelée Cloverleaf).

[3]         Par leur action, les demandeurs réclament, sous le régime de la partie 3 de la Loi sur la marine marchande du Canada, des gages non payés relativement à diverses périodes de service sur le « TALAPUS » , un navire appartenant à Cloverleaf, ou relativement à diverses périodes de disponibilité en 1995 et 1996, et ils contestent le bien-fondé de compensations opérées par les défendeurs.

[4]         La Cour a entendu six témoins : Merle Goreham et son frère Stephen Goreham, Jason Prior et son frère Clinton Prior, Thomas Noack et Mark Grimwood. Les frères Prior, qui sont tous deux citoyens australiens et résident en Australie, ont témoigné par conférence téléphonique, sur consentement des parties et conformément à la règle 32 des Règles de la Cour fédérale (1998).

Crédibilité des témoins

[5]         Les conditions d'engagement des demandeurs ont fait l'objet d'une entente orale qui n'a pas été constatée par écrit. Les parties ont déposé peu de documents datant de cette époque pouvant donner des précisions sur le contenu de l'entente relativement aux heures de travail, aux périodes de service, au taux de rémunération, au moment du versement des gages et aux retenues à prélever. Par conséquent, ces modalités doivent être établies au moyen des dépositions orales des témoins. Comme certains de ces témoignages se contredisent, c'est en fonction de la crédibilité des témoins que certaines conclusions factuelles ont été tirées.

[6]         Les défendeurs n'ont pas sérieusement contesté la crédibilité de Stephen Goreham. Il m'a paru un témoin franc et crédible; par conséquent, je reçois la totalité de sa déposition.

[7]         Son frère Merle m'a également paru honnête. Toutefois, les souvenirs qu'il avait des faits étaient parfois vagues et pouvaient même être contradictoires, probablement en raison du temps écoulé depuis les événements. Je n'ai donc pas accordé de poids à son témoignage avant d'avoir des éléments de preuve corroborante.

[8]         Bien que Jason et Clinton Prior n'aient pas été présents en personne à l'audience, j'ai quand même pu les entendre. J'ai eu l'impression qu'ils étaient des témoins sincères. Leurs souvenirs avaient perdu en précision, mais les deux frères ont été fermes relativement aux faits essentiels, et ils n'avaient pas, selon moi, tendance à exagérer. Les contradictions peu nombreuses qui sont ressorties en contre-interrogatoire n'ont pas sérieusement ébranlé leur crédibilité.

[9]         Quant à M. Noack, je n'ai pas accordé grand poids à son témoignage car il n'était pas pertinent pour les questions en litige.

[10]       M. Grimwood est le seul témoin que les défendeurs ont cité. Il a donné un témoignage très détaillé sur les circonstances ayant entouré l'engagement des demandeurs et l'expédition de pêche ratée qu'ils ont faite ensemble. Bien que M. Grimwood se soit exprimé avec éloquence et que sa mémoire ait semblé excellente, je demeure perplexe devant l'absence de documents pouvant corroborer la version qu'il donne de ce qu'a été l'entente conclue avec les demandeurs. Son témoignage au sujet des arrangements pris avec les demandeurs était intéressé et, à mon avis, manquait de sincérité.

[11]       J'ai trouvé que M. Grimwood s'était montré désinvolte vis-à-vis les réclamations de gages des demandeurs. Je crois qu'il a voulu abuser de leur nature simple et confiante. Son omission de coucher par écrit les modalités de l'engagement a été source d'incertitude et visait au bout du compte à faire obstacle aux efforts des demandeurs pour recouvrer leurs gages. Lorsqu'il y a eu contradiction entre les témoignages des demandeurs et de M. Grimwood, j'ai donc accordé préséance à ceux des demandeurs.

Les gages réclamés par Jason et Clinton Prior

[12]       Les demandeurs Jason et Clinton Prior ont déclaré dans leur témoignage qu'ils avaient conclu un contrat oral de louage de services avec M. Grimwood, en vertu duquel ils devaient travailler comme matelots de pont sur le « TALAPUS » et accomplir divers travaux d'entretien en préparation de l'expédition Vancouver-Alaska-Japon et pendant le voyage. Il n'est pas contesté que M. Grimwood agissait en qualité de mandataire de Cloverleaf. L'entente était que ces deux demandeurs effectueraient des travaux préparatoires sur le navire du 1er au 15 juin 1995 au tarif horaire de 15 $. Jason Prior a témoigné qu'il avait travaillé 171 heures en vertu de cette entente. Clinton Prior a déclaré qu'il avait travaillé le même nombre d'heures. Jason Prior a aussi affirmé qu'il était convenu que lui et son frère toucheraient 150 $ par jour lorsqu'ils s'embarqueraient pour l'expédition vers l'Alaska le 16 juin 1995.

[13]       Les défendeurs ne contestent pas sérieusement le nombre d'heures de travail accomplies par les frères Prior du 1er au 16 juin. En fait, ils avaient compté 173 heures de travail à Jason et 166 heures à Clinton dans un document comptable préparé après le retour du Talapus de son expédition ratée. Je conclus, sur le fondement des éléments de preuve qui m'ont été présentés, que les frères Prior ont effectivement travaillé le nombre d'heures qu'ils réclament pour la période du 1er au 16 juin. Plus particulièrement, je juge fiable le registre d'heures tenu par Clinton Prior et soumis comme pièce à l'appui en l'instance.

[14]       Je suis d'avis d'accueillir la réclamation des Prior, savoir 171 heures chacun à 15 $ l'heure pour la période allant du 1er au 16 juin 1995.

[15]       Jason Prior a témoigné que le 17 juin 1995 ou vers cette date, il a commencé à travaillé avec l'équipage du « TALAPUS » pour préparer le navire à la traversée vers le Japon. Il a ajouté qu'il s'était entendu avec M. Grimwood sur le versement de gages de 150 $ par jour pendant le voyage. Il s'attendait à recevoir cette rémunération quotidienne à compter du 16 juin jusqu'à la fin du voyage. Selon sa déclaration, il avait compris qu'il toucherait 150 $ par jour pour le « temps de service en mer » .

[16]       M. Grimwood a témoigné qu'après le 16 juin, les Prior n'ont recommencé à travailler sur le navire que lorsque celui-ci est parti de Vancouver tôt le matin du 21 juin 1995. Il a en outre insisté sur le fait que les Prior avaient pris congé pendant la fin de semaine du 17 et 18 juin.

[17]       En contre-interrogatoire, les deux frères ont reconnu qu'ils pouvaient avoir pris des congés avant le départ. Au vu de la preuve qui m'a été soumise, je conclus que les Prior ont effectivement pris congé pendant la fin de semaine du 17 et 18 juin 1995 et qu'ils n'ont pas travaillé pendant ces journées. Je rejetterais par conséquent leur réclamation pour ces deux jours.

[18]       Pour ce qui est des témoignages contradictoires de ces deux demandeurs et de M. Grimwood concernant le travail accompli les 19 et 20 juin, j'accorde la préférence à celui des frères Prior. Je conclus en effet que la préparation du navire avait nécessité un travail de dernière minute considérable et qu'on avait demandé aux deux frères de travailler sur le navire les 19 et 20 juin, ce qu'ils avaient fait.

[19]       Bien que la preuve touchant le nombre d'heures travaillées les 19 et 20 juin ne soit pas claire, je suis d'avis qu'ils ont accompli de longues heures pendant les deux jours et qu'ils ont droit à une rétribution. Comme le tarif de 150 $ par jour ne devait s'appliquer qu'une fois le navire en mer, j'allouerais 80 $ par jour pour chacun des frères en me fondant sur les principes du quantum meruit.

[20]       Les parties conviennent que les Prior ont servi en mer pendant 41 jours et que leurs gages devaient être de 150 $ par jour. J'accueillerais donc leur réclamation quant à ces 41 jours à 150 $ par jour.

La réclamation de Stephen Goreham

[21]       Stephen Goreham n'a pas été engagé directement par M. Grimwood. Son frère Merle l'a appelé chez lui en Nouvelle-Écosse, le 19 juin 1995, pour l'informer que M. Grimwood avait consenti à engager les deux frères à un salaire de 280 $ par jour passé à bord.

[22]       M. Grimwood a témoigné que le tarif de rémunération convenu pour Merle et Stephen était de 250 $ par jour passé en mer. Il a semblé dire que les Goreham avaient fait monter le tarif à 280 $ après avoir vu un document judiciaire préparé par M. Noack pour une autre instance introduite devant cette cour, dans laquelle des gages de capitaine à ce tarif étaient réclamés des défendeurs.

[23]       Comme je l'ai déjà mentionné, j'estime que Stephen est un témoin très crédible et je n'ai aucune raison de mettre en doute son affirmation selon laquelle il a été informé le 19 juin 1995 que le tarif quotidien était de 280 $. J'accorde préséance aux témoignages de Merle et Stephen Goreham, et je conclus que M. Grimwood a convenu de verser 280 $ par jour pour les services rendus en mer par les deux frères.

[24]       Rien n'indique, qui plus est, que M. Grimwood ait cherché à confirmer à Stephen Goreham les conditions de son engagement lorsque celui-ci s'est embarqué. Il était donc légitime que ce dernier se fie à la déclaration de son frère, lequel agissait pour le compte de M. Grimwood pour faire venir son frère de Halifax.

[25]       Il n'est pas contesté que le service en mer de Stephen Goreham a duré du 21 juin au 31 juillet 1995; j'accueillerais donc la réclamation de 41 jours de gages à 280 $ par jour, pour un montant total de 11 480 $. À l'audience, il a soumis une réclamation supplémentaire afférente à du travail exécuté en préparation du voyage. Rien ne m'autorise, selon moi, à octroyer plus que le redressement demandé au paragraphe 6 de la déclaration, et je rejette pas conséquent cette réclamation supplémentaire.

[26]       Les défendeurs ne contestent pas qu'ils ont convenu de rembourser les frais de transport aérien de Stephen Goreham de Halifax à Vancouver, sur présentation d'une facture. La copie d'un billet d'avion aller de Halifax à Vancouver coûtant 1 148,11 $ a été déposée à l'instruction. J'accueillerais par conséquent la réclamation de 1 148,11 $.

La réclamation de Merle Goreham

[27]       Ainsi qu'il en a déjà été fait mention, Merle Goreham a donné l'impression d'être un témoin honnête, quoique sa déposition ait pu paraître quelque peu fragile. Il a fallu, finalement, que sa réclamation soit prouvée suivant la prépondérance des probabilités.

[28]       Merle Goreham a témoigné que le 17 juin 1995, il s'est entendu verbalement avec M. Grimwood pour fournir des services [TRADUCTION] « analogues à ceux d'un capitaine de navire » au même salaire que le capitaine précédent, 280 $ par jour. Comme je l'ai déjà dit, je suis d'avis que le montant de 280 $ est celui qui avait déjà été établi avec M. Grimwood le 17 juin 1995. Cette entente a été corroborée par Stephen Goreham qui avait parlé à son frère le 19 juin 1995. De plus, les défendeurs ne contestent pas l'existence d'une entente conclue antérieurement avec M. Noack, laquelle prévoyait une rémunération de 280 $ par jour. Les défendeurs n'ont pas expliqué pourquoi le taux de rémunération quotidien d'un capitaine varierait d'un voyage à l'autre.

[29]       Merle Goreham a déclaré qu'il avait travaillé sur le navire avant le départ de celui-ci. Toutefois, la preuve dont je dispose ne me permet pas de conclure qu'il était entendu qu'il serait rémunéré pour ces services. En fait, les gages réclamés dans la déclaration se rapportent à la période du 21 juin au 31 juillet. Je rejetterais donc toute réclamation de gages afférente à des dates antérieures au 21 juin 1995.

[30]       Je suis d'avis d'accueillir la réclamation de Merle Goreham relativement à 41 jours de gages à 280 $ par jour, soit une somme de 11 480 $.

[31]       Je rejette la réclamation de Merle et Stephen Goreham relative à une indemnité de disponibilité applicable après le voyage, car j'estime qu'il n'existait aucune entente avec les défendeurs au sujet d'une indemnité de ce type postérieure au 31 juillet 1995.

[32]       Je rejette également la réclamation de Merle Goreham afférente à toute période subséquente. Selon la preuve qui m'a été présentée, l'entente conclue avec M. Grimwood en 1996 était tacite. Il appert que Merle Goreham a été rémunéré pour le travail qu'il a accompli sous forme d'avances en espèces et de logement gratuit. Au mieux, le témoignage de Merle Goreham relatif aux détails de la réclamation pour services rendus en 1996 est lacunaire. Le témoin ne se rappelait même pas avoir reçu des avances que M. Grimwood a prouvé lui avoir versées pendant cette période.

Les avances versées aux demandeurs

[33]       Les défendeurs ont cherché à opérer compensation avec des retenues sur les gages dûs aux demandeurs. Les témoignages sont contradictoires au sujet du versement d'avances aux Prior et aux Goreham pendant la période en cause. Il incombait aux défendeurs d'établir selon la prépondérance des probabilités qu'ils avaient effectivement versé les avances. En l'absence d'éléments de preuve documentaire, le témoignage des récipiendaires des avances a été préféré à celui du payeur.

[34]       Jason Prior a témoigné qu'il n'avait reçu que 1 600 $ des défendeurs au début du mois de juin 1995. Il reconnaît toutefois, au paragraphe 7 de la déclaration, avoir touché un montant supplémentaire de 2 000 $ à titre de gages. M. Grimwood a déclaré qu'il avait versé 4 750 $ au total à Jason Prior. Ma conclusion est que Jason Prior a touché 3 600 $ d'avances, lesquelles peuvent à bon droit être déduites de sa réclamation.

[35]       Clinton Prior a reconnu avoir reçu des défendeurs une première avance de 1 600 $, puis une autre de 300 $. Je conclus que la somme de 1 900 $ a été versée en avances à Clinton Prior, et qu'il convient de la défalquer de sa réclamation totale.

[36]       À la page 3 de son affidavit, M. Grimwood déclare que diverses avances ont été versées à Merle Goreham. Il mentionne une avance de 300 $ faite le 31 juillet 1995. Ma conclusion est que cette somme ne constituait pas un acompte sur des gages, mais plutôt le remboursement de dépenses engagées par Merle Goreham pour le compte des défendeurs.

[37]       Les défendeurs prétendent avoir versé une autre avance, de 600 $, à Merle Goreham, le 15 août 1995. Ils affirment que cette somme était un acompte sur les gages à verser pour le récent voyage. Selon moi, Merle Goreham a bien reçu les 600 $, toutefois cette somme ne se rapportait pas à ses services en mer mais à du travail exécuté après le retour du navire à Vancouver.

Les retenues pour pension

[38]       Les défendeurs ont effectué une retenue quotidienne sur les gages des demandeurs, de 10 $ pour le personnel de passerelle (les Goreham) et de 12 $ pour les autres membres d'équipage (les Prior), pour couvrir diverses dépenses, comme les repas, les articles de nettoyage, les serviettes et les installations de blanchissage. Le demandeur Merle Goreham a témoigné qu'il était convenu avec M. Grimwood que les gages seraient nets de toute déduction. C'est aussi ce qu'avait compris son frère Stephen.

[39]       Merle Goreham a fait valoir avec constance qu'il n'avait jamais consenti à une retenue pour les repas. Jason Prior corrobore cette affirmation en déclarant qu'il n'y a eu aucune entente, verbale ou autre, stipulant qu'il devait payer la nourriture. Le défendeur Mark Grimwood a affirmé qu'il incombait à l'équipage de contribuer aux frais des repas suivant les normes de l'industrie. Il a donc calculé des frais journaliers de 10 $ pour l'équipage de passerelle et de 12 $ pour l'équipage de pont.

[40]       Il ressort de la preuve que ce n'est qu'après le voyage que les demandeurs ont été mis au courant des retenues (exception faite des droits afférents aux licences de pêche en ce qui concerne les frère Prior). Je rejette la prétention de M. Grimwood voulant que les demandeurs aient approuvé ces retenues. Les demandeurs n'ont pas accepté la comptabilité intéressée préparée par M. Grimwood après le voyage. Toutefois, ils n'étaient pas en mesure de la contester, et ils s'étaient résignés à accepter toute offre raisonnable des défendeurs. J'estime que les retenues journalières ont été effectuées unilatéralement par les défendeurs sans l'accord des demandeurs. Je suis en outre d'avis que les parties s'étaient entendues sur le fait que les gages seraient nets de toute déduction autre que légale. Par conséquent, je rejette la compensation opérée par les défendeurs à l'égard de dépenses à bord.

Les retenues afférentes aux droits de licence de pêche

[41]       Ni Jason ni Clinton Prior ne contestent la retenue de 122 $ effectuée sur leurs gages respectifs au titre des droits afférents à une licence de pêche pour l'Alaska. Par conséquent, j'accorde cette retenue. Merle et Stephen Goreham nient avoir consenti à acheter une telle licence ou à en rembourser les droits aux défendeurs. Ces derniers n'ont pas réussi à démontrer qu'ils étaient fondés à opérer compensation de ces frais sur les gages des Goreham. Je refuse donc cette déduction.

Les retenues afférentes à la pension à bord - Clinton Prior

[42]       Les défendeurs allèguent que Clinton Prior a consenti à payer pour être logé à bord du navire du 15 août au 17 octobre 1995. M. Grimwood a témoigné qu'il avait conclu une entente avec Clinton Prior, selon laquelle ce dernier devait payer 12 $ par jour. Clinton Prior nie l'existence de cette entente; il soutient plutôt que l'arrangement tacite était qu'il pourrait loger sur le navire, sans frais.

[43]       Premièrement, je ne suis pas convaincu qu'on puisse à bon droit effectuer une retenue de ce genre sur les gages d'un marin. Deuxièmement, les défendeurs n'ont pas réussi à établir de façon satisfaisante qu'il y a eu entente relativement au paiement d'un loyer. Il me paraît étrange que Clinton Prior ait été autorisé à demeurer sur le navire pendant deux mois sans qu'une entente écrite soit signée ou un paiement exigé. Selon moi, Clinton a été tacitement autorisé à monter à bord du navire à son gré.

[44]       M. Grimwood a également retenu la somme de 738.31 $ par suite de la disparition du navire d'un survêtement protecteur Fitzwright. Cette déduction n'est absolument pas fondée, et je la rejette. Je suis d'avis que M. Grimwood a effectué cette retenue après le fait, unilatéralement et sans droit, afin de réduire la réclamation pour gages non payés.

Les retenues pour frais de téléphone cellulaire

[45]       Les défendeurs veulent retenir un montant pour des frais de téléphone cellulaire engagés par les Prior alors qu'ils étaient en mer. Cette retenu pose problème. D'un côté, les Prior ne nient pas avoir fait usage du téléphone cellulaire des défendeurs et ils ne contestent même pas les frais qui leur sont imputés.

[46]       Les factures de téléphone cellulaire produites par M. Grimwood indiquent que les Prior ont bien utilisé ce téléphone pendant un nombre considérable d'heures. Toutefois, je ne peux faire abstraction du fait qu'ils étaient confinés sur le navire, lequel a été en mer plus longtemps que la période prévue. Les défendeurs auraient dû fixer des limites à l'utilisation du téléphone et avertir les utilisateurs des frais exigibles avant de demander un remboursement. Par conséquent, je refuse toute compensation relative à des frais de téléphone.

Conclusions

[47]       Les demandeurs ne sont pas parvenus à prouver que le défendeur Mark Grimwood devrait être tenu personnellement responsable des actions de Cloverleaf. Il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve pour justifier la levée du voile corporatif. Je suis donc d'avis de rejeter l'action visant le défendeur Mark Grimwood personnellement.

[48]       J'ai pris en considération le paragraphe 212(4) de la Loi sur la marine marchande du Canada. La preuve indique que M. Merle Goreham n'était pas le seul capitaine du navire et qu'il partageait les tâches de ce poste avec d'autres personnes dont son frère. Par conséquent, je ne suis pas disposé à accorder des dommages-intérêts pour retard à payer des gages de capitaine.

[49]       J'ai examiné les observations écrites des parties au sujet des dépens, des débours et des intérêts. Les demandeurs ont soumis un mémoire de dépens établissant les honoraires des avocats et les débours selon la colonne III du tarif B. À mon avis, un somme globale conviendrait mieux dans les circonstances.

[50]       Les deux actions n'étaient pas particulièrement complexes et portaient sur des sommes relativement modestes. Le fait que les demandeurs étaient représentés par le même avocat a permis de réaliser des économies, et les parties ont coopéré en consentant à la réunion des instances pour instruction conjointe et au témoignage par téléphone des Prior.

[51]       Même si les demandeurs ont inutilement prolongé l'instance en ne limitant pas leur témoignage aux questions pertinentes, l'allongement a eu des incidences minimales sur les dépens. Les réclamations des demandeurs n'étaient pas exagérées, et ces derniers ont obtenu gain de cause quant à la plupart de leurs demandes. Compte tenu des offres écrites de règlement, j'accorderais la somme globale de 25 000 $ à titre d'honoraires et des débours de 3 500 $, incluant les taxes, en me fondant plus ou moins sur le mémoire de dépens proposé par les demandeurs.

[52]       En résumé, les réclamations des demandeurs sont accueillies ainsi qu'il suit.

[53]       Jason Prior a droit aux gages suivants :

a) 2 565 $ pour la période du 1er au 16 juin 1995,

b) 160 $ pour les 19 et 20 juin 1995,

c) 6 150 $ pour la période du 21 juin au 31 juillet 1995,

soit une somme totale de 8 875 $. Une retenue de 3 600 $ est autorisée au titre d'avances sur gages ainsi qu'une retenue de 122 $ au titre des droits afférents à l'obtention d'une licence de pêche en Alaska. Le solde dû à Jason Prior s'établit donc à 5 153 $.

[54]       Clinton Prior a droit au même montant de gages que son frère Jason. Les retenues autorisées sont de 1900 $ au titre d'avances sur gages et de 122 $ au titre des droits afférents à l'obtention d'une licence de pêche en Alaska. Le solde dû à Clinton Prior est de 6 853 $.

[55]       Le montant des gages dûs à Stephen Goreham est de 11 480 $. Il a aussi droit à 1 148 $ au titre du remboursement de son billet d'avion aller de Halifax à Vancouver. J'accueillerais la réclamation totale de Stephen Goreham au montant de 12 628.11 $.

[56]       Le montant total des gages dûs à Merle Goreham est de 11 480 $.

[57]       Les réclamations accueillies ci-dessus doivent être acquittées sans délai par Cloverleaf, avec les intérêts avant jugement, au montant de 13 248,63 $ et les dépens de 28 500 $.

                                                                                                    « Roger R. Lafrenière »                                                                                                                      Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

18 juillet 2000

Traduction certifiée conforme

                                     

Ghislaine Poitras, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :T-595-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :JASON PRIOR ET CLINTON PRIOR

                                                            -et-

LES PROPRIÉTAIRES DU « TALAPUS » ET LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LEDIT NAVIRE, LE NAVIRE « TALAPUS » , MARK GRIMWOOD et CLOVERLEAF SHIPPING LTD.

DATE DE L'AUDIENCE :Les 3, 4, 5, 8 et 9 mai 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE PRONONCÉS LE MARDI 18 JUILLET 2000

ONT COMPARU :

M. Jeffrey J. Smith pour les demandeurs

M. Mark Grimwood                              pour lui-même et pour les autres défendeurs


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bromsley Chapelski

Boîte 12106, Square Nelson

Pièce 1538, 808, rue Nelson

Vancouver (C.-B.)

V6Z 2H2                                              pour les demandeurs


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :T-2204-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :STEPHEN GOREHAM ET MERLE GOREHAM

                                                            -et-

LES PROPRIÉTAIRES DU « TALAPUS » ET LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LEDIT NAVIRE, LE NAVIRE « TALAPUS » , MARK GRIMWOOD et CLOVERLEAF SHIPPING LTD.

DATE DE L'AUDIENCE :Les 3, 4, 5, 8 et 9 mai 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE PRONONCÉS LE MARDI 18 JUILLET 2000

ONT COMPARU :

M. Jeffrey J. Smith pour les demandeurs

M. Mark Grimwood                              pour lui-même et pour les autres défendeurs


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bromsley Chapelski

Boîte 12106, Square Nelson

Pièce 1538, 808, rue Nelson

Vancouver (C.-B.)

V6Z 2H2                                              pour les demandeurs


                                                                            Date: 20000718

                                                                        Dossier: T-595-96

ENTRE:

JASON PRIOR ET CLINTON PRIOR,

                                                                                 demandeurs,

-et-

LES PROPRIÉTAIRES DU « TALAPUS » ET LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LEDIT NAVIRE, LE NAVIRE « TALAPUS » , MARK GRIMWOOD et CLOVERLEAF SHIPPING LTD.,

                                                                                   défendeurs.

                                                                      Dossier: T-2204-96

ENTRE:

STEPHEN GOREHAM ET MERLE GOREHAM,

                                                                                 demandeurs,

-et-

LES PROPRIÉTAIRES DU « TALAPUS » ET LES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LEDIT NAVIRE, LE NAVIRE « TALAPUS » , MARK GRIMWOOD et CLOVERLEAF SHIPPING LTD.,

                                                                                   défendeurs.

                            MOTIFS DU JUGEMENT

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