Ottawa (Ontario), le 7 février 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
NARIMAN ZAKY
GAK ALBER ADLY
GORGET ALBER ADLY
GOMANA ALBER ADLY
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. Alber Guirguis, Mme Nariman Zaky et leurs trois enfants sont venus au Canada en 2004 après le rejet de leur demande d'asile aux États-Unis. La famille s'était enfuie de l'Égypte en 2000. Les demandeurs ont allégué que des extrémistes musulmans les ont maltraités en Égypte en raison de leur appartenance à la religion copte. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a examiné la demande d'asile des demandeurs, mais l'a rejetée.
[2] Les demandeurs prétendent que la Commission a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable au sujet de leur crédibilité, en ne tenant pas compte de leur explication au sujet de leur retard à demander l'asile aux États-Unis et en omettant d'effectuer une analyse approfondie de la preuve documentaire. Ils me demandent d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience devant un autre tribunal de la Commission différemment constitué. Cependant, je ne vois pas de raison d'infirmer la décision de la Commission et je devrai, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
I. Les questions en litige :
1. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la version des faits des demandeurs n'était pas crédible?
2. La Commission a-t-elle omis de tenir compte de l'explication des demandeurs au sujet de leur retard à demander l'asile aux États-Unis?
3. La Commission a-t-elle omis d'effectuer une analyse approfondie de la preuve documentaire?
II. Analyse
A. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la version des faits des demandeurs n'était pas crédible?
[3] Je ne peux infirmer la conclusion de la Commission au sujet de la crédibilité que si elle ne s'appuie pas sur la preuve.
[4] Les demandeurs contestent quatre des motifs sur lesquels la Commission s'est fondée pour conclure qu'ils n'avaient pas présenté une description réelle de ce qu'ils avaient vécu en Égypte. Je note que les demandeurs n'ont pas contesté d'autres motifs de la Commission.
(i) Les raisons du déménagement des demandeurs en Jordanie
[5] Mme Zaky a témoigné qu'elle et les membres de sa famille se sont enfuis en Jordanie en 1981 parce qu'ils craignaient pour leur sécurité après le massacre d'Ez-Zawia El-Hamra. Dans son témoignage écrit, Mme Zaky avait mentionné un enchaînement de faits un peu différent. Elle avait alors témoigné qu'après le massacre, la famille avait déménagé dans un autre district du Caire, Al-Alzton. Par la suite, la famille avait déménagé en Jordanie quand M. Guirguis y avait trouvé un emploi.
[6] La Commission a remarqué cette différence dans la preuve et a conclu qu'elle faisait partie d'un certain nombre d'exagérations du récit des demandeurs. Il existait une différence entre les deux versions, bien qu'elle ne soit pas majeure, et je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur en prenant note de cette différence dans son évaluation globale de la crédibilité des demandeurs.
(ii) L'agression à coup de couteau contre le fils
[7] M. Guirguis a mentionné, dans son témoignage écrit, que son fils avait été poignardé par un extrémiste en janvier 2000. Au départ, Mme Zaky n'avait pas fait mention de cette agression. Cependant, elle a modifié son témoignage écrit juste avant l'audience afin d'y ajouter une référence à l'agression. La Commission a tiré une conclusion défavorable parce que Mme Zaky avait omis de décrire un incident d'une telle importance lors de son premier témoignage.
[8] Là encore, je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur dans sa façon de traiter la preuve.
[9] Je note, cependant, que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a affirmé que les demandeurs n'avaient pas présenté de rapport médical corroborant l'agression. Au vu de la transcription, un rapport médical a été présenté à la Commission. Pour une raison quelconque, il semble que ce rapport n'ait pas été retenu comme élément de preuve. La Commission a par la suite oublié de mentionner ce rapport dans ses motifs. Si l'absence du document avait été relevée de façon plus évidente dans l'évaluation de la crédibilité, cette erreur aurait pu fournir une raison de s'interroger sur le caractère raisonnable de la conclusion de la Commission. Dans les circonstances, et à la lumière de la preuve dans sa totalité, l'erreur de la Commission ne justifie pas l'infirmation de sa décision.
(iii) Les menaces d'enlèvement
[10] Au point d'entrée, M. Guirguis a mentionné qu'il craignait que des extrémistes musulmans enlèvent sa fille. À ce moment, Mme Zaky n'a pas fait état de ses craintes, mais plus tard, dans son témoignage écrit, elle a expliqué que la famille avait reçu des menaces réelles d'enlèvement. La fille est allée plus loin, en ajoutant qu'elle avait été victime de nombreuses tentatives d'enlèvement.
[11] La Commission a relevé ces différences dans les témoignages des demandeurs et a conclu que la preuve au sujet du risque d'enlèvement n'était pas digne de foi. Une fois de plus, je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable en raison des incompatibilités dans la preuve qui lui a été présentée.
(iv) « Gifler » plutôt que « battre »
[12] Dans son témoignage écrit, Mme Zaky a expliqué qu'elle avait été « battue » et insultée par des extrémistes en janvier 2000. Dans son témoignage oral, elle a mentionné qu'elle avait été « giflée » et insultée. La Commission a noté que se faire battre était différent de se faire gifler et, une fois de plus, elle a conclu que cette divergence minait la crédibilité des demandeurs.
[13] La différence entre « gifler » et « battre » est réelle, mais n'est pas énorme. À mon avis, la Commission avait le droit de relever cette différence, mais ne devait pas en exagérer l'importance. Au vu des motifs, je ne crois pas qu'elle ait exagéré l'importance de la différence.
[14] À mon avis, l'évaluation de la Commission au sujet de la crédibilité des demandeurs était fondée sur la preuve qui lui avait été présentée et, par conséquent, je ne vois aucune raison d'infirmer sa décision.
B. La Commission a-t-elle omis de tenir compte de l'explication des demandeurs au sujet de leur retard à demander l'asile aux États-Unis?
[15] Après être arrivés aux États-Unis, les demandeurs ont attendu presque un an avant d'y demander l'asile. Leurs demandes ont été rejetées en 2003, ce qui les a poussés à demander asile au Canada. La Commission n'a pas été convaincue par l'explication des demandeurs au sujet de ce retard - soit qu'ils ne savaient pas comment déposer une demande d'asile.
[16] La Commission peut certainement tenir compte du retard afin de déterminer si des demandeurs d'asile ont agi de façon incompatible avec une véritable crainte de persécution. En l'espèce, la Commission a examiné la longueur du retard et l'explication des demandeurs. Ce n'était qu'un des facteurs parmi d'autres que la Commission a examinés avant de conclure que les demandeurs n'avaient pas présenté de preuve suffisante d'une véritable crainte de persécution. Je ne relève aucune erreur dans l'approche de la Commission.
C. La Commission a-t-elle omis d'effectuer une analyse approfondie de la preuve documentaire?
[17] La Commission a cité des preuves documentaires qui corroboraient l'allégation des demandeurs selon laquelle, en Égypte, les filles coptes risquaient d'être enlevées. Elle a aussi tenu compte de l'opinion d'un sociologue qui a expliqué que le terme « enlèvement » est souvent utilisé afin de faire référence à la conversion de jeunes coptes à l'islam, même si cette conversion est volontaire. La Commission a conclu que la preuve documentaire donnait à penser que les coptes égyptiens subissaient généralement de la discrimination, mais n'étaient habituellement pas persécutés ou traités de façon cruelle et inusitée.
[18] Les demandeurs prétendent que la Commission aurait dû donner une plus grande importance à la preuve documentaire qui appuyait leurs allégations et qu'elle n'aurait pas dû tenir compte de l'opinion contraire qu'elle a citée. Il s'agit simplement d'une question quant à l'importance qu'il faut accorder à la preuve, et la Cour ne peut pas revoir une telle décision au cours d'un contrôle judiciaire. La conclusion de la Commission était appuyée par la preuve documentaire. Elle ne peut pas être infirmée uniquement parce que les demandeurs ont un point de vue différent à ce sujet.
[19] Par conséquent, je devrai rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties ne m'ont pas demandé de certifier une question de portée générale et je n'en énoncerai aucune.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;
2. Aucune question de portée générale n'est énoncée.
JUGE
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-714-05
INTITULÉ : ALBER GUIRGUIS, ET AL c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ont.)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 14 décembre 2005
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Le juge O'Reilly
DATE DES MOTIFS : Le 7 février 2006
COMPARUTIONS:
Hart A. Kaminker POUR LES DEMANDEURS
Leena Jaakkimainen POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hart A. Kaminker POUR LES DEMANDEURS Toronto (Ont.)
tOTTT
Toronto (Ont.) POUR LE DÉFENDEUR
Date : 20060208
Dossier : IMM-714-05
Ottawa (Ontario), le 8 février 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
ALBER GUIRGUIS
NARIMAN ZAKY
GAK ALBER ADLY
GORGET ALBER ADLY
GOMANA ALBER ADLY
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
VU la requête des demandeurs visant à l'obtention d'une ordonnance accueillant leur demande de contrôle judiciaire eu égard à leurs observations écrites supplémentaires;
APRÈS examen des observations des demandeurs et du défendeur;
ET APRÈS prise en compte du fait que les documents relatifs à la requête ont été présentés après que la Cour eut rejeté la demande de contrôle judiciaire des demandeurs dans le jugement rendu le 7 février 2006;
ET APRÈS prise en compte du fait que, au cours de l'audition de la demande de contrôle judiciaire le 14 décembre 2005, les demandeurs ont sans équivoque retiré l'argument qu'ils souhaitent maintenant faire examiner par la Cour;
ET étant convaincue qu'elle n'a présentement pas la compétence d'examiner les demandes additionnelles des demandeurs ou de modifier son jugement sur le fond;
LA COUR ORDONNE que :
1. La requête soit rejetée.
« James W. O'Reilly »
JUGE
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice