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Date : 20041202

Dossier : T-339-04

Référence : 2004 CF 1693

Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 2 décembre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                         CHENG HSIUNG CHEN

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                                  intimé

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE                    

[1]                M. Cheng Hsiung Chen, citoyen de Taiwan, et sa famille sont entrés au Canada comme résidents permanents du Canada le 7 août 1993. Sa femme et ses enfants vivent depuis dans la région de Vancouver et sont devenus citoyens canadiens.


[2]                Le 24 avril 2003, M. Chen a demandé la citoyenneté_canadienne. Bien qu'ayant réussi l'examen de citoyenneté prescrit, M. Chen s'est vu refuser la citoyenneté canadienne le 3 février 2004, au terme d'une audience devant le juge de la citoyenneté, au motif qu'il ne satisfaisait pas aux exigences de résidence exposées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, modifiée (la Loi). M. Chen interjette appel de cette décision en se fondant sur le paragraphe 14(5) de la Loi. Plus précisément, M. Chen cherche à obtenir une ordonnance d'annulation de la décision du juge de la citoyenneté et s'adresse à la Cour pour qu'elle décide d'accueillir sa demande de citoyenneté canadienne.

LES QUESTIONS SOULEVÉES

[3]                M. Chen soulève les deux questions suivantes :

1.          Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur dans l'interprétation des exigences de résidence de l'alinéa 5(1)c) de la Loi?

2.          Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en ne prenant pas en considération les critères applicables lorsqu'il a examiné si M. Chen avait ou non centralisé son mode de vie au Canada?

[4]                Ces deux questions sont en fait les deux facettes d'une même question et sont discutées ensemble dans l'analyse qui suit.

L'ANALYSE


[5]                Habituellement, les décisions d'un juge de la citoyenneté faisaient l'objet d'un contrôle selon la norme de la décision correcte (Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), [2001] A.C.F. no 778 au paragraphe 7 (1re inst.)). Toutefois, dans une décision récente de la Cour fédérale (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Fu, 2004 CF 60, aux paragraphes 6 et 7), Madame la juge Tremblay-Lamer a suggéré que la norme de la décision raisonnable simpliciter est plus appropriée du fait que la question de savoir si une personne a satisfait aux exigences de résidence prévues par la Loi est une question mixte de fait et de droit et qu'il faut faire preuve d'une certaine retenue à l'égard des décisions des juges de la citoyenneté étant donné leurs connaissances spécialisées et leur expérience. J'accepte cette norme de révision comme appropriée. Par conséquent, dans la mesure où ont été démontrées une connaissance de la jurisprudence et une appréciation des faits et de la manière dont ils s'appliquent en regard du critère de la loi, il convient de faire preuve de retenue.

[6]                Dans l'évaluation de la demande de M. Chen, le juge de la citoyenneté s'est fondé sur la décision Affaire intéressant Koo, [1993] 1 C.F. 286; (1992), 19 Imm. L.R. (2d) 1 (1re inst.). Dans cette décision, le juge Reed a formulé six facteurs pouvant aider à décider si le Canada est le pays où le demandeur de la citoyenneté « vit régulièrement, normalement ou habituellement » ou si le Canada est le pays où le demandeur a « centralisé son mode de vie » .

[7]                M. Chen soutient qu'on ne voit pas clairement quel critère autre que sa présence au Canada pendant 135 jours le juge a pris en compte et que :


·            le juge n'a pas tenu compte de la maladie grave de la mère de M. Chen. M. Chen prétend que son absence du Canada, en partie, jusqu'en juillet 2000, s'expliquait par la nécessité de lui donner des soins. Le juge a conclu que les absences n'étaient pas reliées à une « urgence humanitaire » .

·            il n'y a pas d'analyse de la portée de l'absence intentionnelle de M. Chen pour des fins religieuses plutôt que pour des fins d'emploi.

[8]                En l'espèce, je suis persuadée que les six facteurs de la décision Koo ont été évalués par le juge de la citoyenneté et qu'il a dûment pris en compte la preuve dont il était saisi. Le juge a fourni une lettre de refus détaillée qui passe en revue l'ensemble de la demande de citoyenneté canadienne de M. Chen, dans son rapport avec la question de la résidence. En plus de souligner une insuffisance de 970 jours de résidence, il a noté les indices de résidence au Canada de M. Chen, la nature de ses séjours à Taiwan et la présence de sa famille au Canada. Bref, sur le fondement de la preuve dont il était saisi, le juge de la citoyenneté a appliqué correctement la preuve aux facteurs visés pour établir la résidence. Sa décision n'a pas été déraisonnable.

[9]                Il est vrai que le juge de la citoyenneté n'a pas fait mention de la maladie de la mère de M. Chen. Cependant, je note que ce motif d'explication de ses voyages à Taiwan est disparu en 2000 au moment du décès de sa mère. Passé cette période, les raisons humanitaires de sa présence à l'étranger n'existaient plus. Par conséquent, je n'estime pas que le juge de la citoyenneté a commis une erreur importante en ne mentionnant pas la maladie de la mère de M. Chen.

[10]            De plus, je ne vois pas de différence entre un séjour intentionnel hors du Canada pour des fins religieuses sans but lucratif et un séjour à l'étranger pour des raisons d'affaires ou d'emploi. Dans les deux cas, la question est la même : les absences ont-elles un caractère structurel et font-elles partie d'un mode de vie distinct? S'agissant de M. Chen, ses absences ont un caractère structurel et sont l'expression de sa propre volonté. La raison sous-jacente aux absences n'est pas pertinente à l'égard de la décision du juge de la citoyenneté en l'espèce.

[11]            En conclusion, M. Chen demanderait à la Cour d'apprécier de nouveau la preuve produite devant le juge de la citoyenneté pour en arriver à une conclusion différente; or ce n'est pas le rôle de la Cour.

CONCLUSION

[12]            Pour ces motifs, je conclus que le juge de la citoyenneté n'a pas commis d'erreur qui justifie une intervention de la Cour et que l'appel de M. Chen ne doit pas être accueilli.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

L'appel de l'appelant est rejeté.

« Judith A. Snider »

    Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-339-04

INTITULÉ :                                       CHENG HSIUNG CHEN c. LE MINISTRE

DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 2 décembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :            Le 2 décembre 2004

COMPARUTIONS :

Lu Chan                                                                                    POUR L'APPELANT

Jonathan Shapiro                                                                       POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lu Chan                                                                                     POUR L'APPELANT

Avocats

Burnaby (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                                      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada


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