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Date : 19990121


Dossier : IMM-6349-98


OTTAWA (ONTARIO) LE 21 JANVIER 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER


ENTRE :

     KIN WING LAU,

     demandeur,


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.



     ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.



" Danièle Tremblay-Lamer "

JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier





Date : 19990121


Dossier : IMM-6349-98


ENTRE :

     KIN WING LAU,

     demandeur,


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE TREMBLAY-LAMER :


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle un agent des visas a refusé au demandeur la résidence permanente au Canada à titre de parent aidé. Le demandeur a déjà à deux reprises porté son dossier devant la Cour (IMM-831-97; IMM-3345-94). Les deux fois, il a obtenu gain de cause, les décisions des agents des visas étant infirmées et le dossier renvoyé pour nouvel examen. Après décision du juge Campbell dans le dossier IMM-831-97, un troisième agent des visas a, à son tour, rejeté la demande. C'est cette troisième décision que le demandeur conteste en l'espèce.

LES FAITS

[2]      Le demandeur est citoyen de la République populaire de Chine. Il est marié et père de deux enfants. En Chine, le demandeur gagnait sa vie en tant qu'agriculteur et aide-cuisinier. Ses parents et ses deux frères habitent Toronto. À l'époque où il formula sa demande initiale, le demandeur avait reçu une offre d'emploi de chacun de ses frères, ainsi qu'une promesse d'aide qui valait pour lui, son épouse et pour leurs enfants.

[3]      Lors d'un examen précédent de son dossier, le demandeur s'était vu accorder 71 points, soit un nombre satisfaisant aux exigences prévues dans la Loi sur l'immigration1 (la Loi), mais l'agente des visas, exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 19782 (le Règlement), rejeta néanmoins son dossier. Saisi d'une demande de contrôle judiciaire, le juge Campbell estima qu'en s'en tenant trop strictement à une directive du sous ministre énonçant les critères à retenir pour l'évaluation des dossiers, l'agente des visas avait indûment borné l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Renvoyant l'affaire pour nouvel examen, le juge Campbell estima que le litige ne portait aucunement sur le nombre de points attribués mais uniquement sur la question de savoir si " l'exercice défavorable du pouvoir discrétionnaire est approprié ".

[4]      L'ordonnance du juge Campbell précisait que " dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, le cas échéant, les " bonnes raisons " mentionnées au paragraphe 11(3) du Règlement doivent être évaluées en fonction notamment de : i) deux offres d'emploi auxquelles une grande importance doit être accordée; et ii) l'engagement, auquel une grande importance doit être accordée. "

[5]      Le troisième agent des visas, exerçant lui aussi le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement, rejeta la demande car, d'après lui, le nombre de points d'appréciation obtenu par le demandeur reflétait mal les chances qu'il avait de réussir son installation au Canada.

[6]      La lettre notifiant au demandeur l'avis de l'agent des visas comportait notamment les passages suivants :

[traduction] Pour conclure que l'exercice dans un sens défavorable au requérant, du pouvoir discrétionnaire dont nous disposons se justifie en l'occurrence, nous avons tenu compte des faits suivants :
     Bien que vous n'ayez déjà, auparavant, pas pu satisfaire aux critères de sélection, en grande partie pour des raisons de compétence linguistique, vous n'avez rien fait pour améliorer vos chances de réussir votre installation au Canada, pour ce qui est de votre possibilité de communiquer dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. ... Vous n'avez pas été capable de vous exprimer suffisamment pour expliquer comment le fait que vous n'ayez pas la moindre connaissance de l'anglais pourrait faire obstacle à votre installation au Canada.
     Votre instruction s'arrête à l'école primaire, sans complément de formation. Vous pouvez écrire le chinois mais votre connaissance de la grammaire est très faible. Votre maniement des caractères et idéogrammes démontre une connaissance médiocre de l'idéographie chinoise. Je considère que vos aptitudes à cet égard sont un indice des chances que vous avez de réussir votre installation au Canada.
     Conformément à l'ordonnance rendue par la Cour, j'ai pris en compte les offres de travail que vous ont faites vos deux frères au Canada. Votre plus jeune frère, qui a parrainé votre demande, est actuellement cuisinier dans un restaurant. Vous avez déclaré que ce frère avait peut-être à une certaine époque une participation dans ce restaurant mais qu'à l'heure actuelle il n'y était que salarié. Étant donné que votre frère y travaille en tant qu'employé, on ne peut guère accorder de poids à l'offre d'emploi qu'il vous avait faite.
     Selon les renseignements fournis par votre avocat, votre second frère est actionnaire minoritaire d'un restaurant chinois où il est cuisinier. Vous n'étiez pas au fait des conditions contenues dans l'offre de travail et vous ne saviez pas les différences qu'il pourrait y avoir entre les aliments préparés au Canada et ceux que l'on préparerait en République populaire. Selon les états financiers non vérifiés concernant les opérations de ce restaurant au cours deux dernières années, celui-ci a enregistré un bénéfice net avant impôt de 11 007 $ et 9 982 $ respectivement. Cela étant, et conformément à l'ordonnance de la Cour voulant que l'on accorde un poids considérable à l'offre d'emploi, j'estime que cette entreprise, dont votre frère détient 25 p. 100 des parts, n'est pas à même de vous fournir un emploi à temps plein, et certainement pas au salaire annuel de 26 000 $ indiqué dans l'offre d'emploi. Vous n'avez personnellement fourni aucune documentation fiscale susceptible de confirmer ou d'infirmer cette conclusion ou de démontrer que l'entreprise de votre frère rapporte suffisamment pour maintenir l'offre d'emploi qui a été faite et/ou pour subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille comme l'exigent les textes en vigueur. Vous avez été avisé des préoccupations que m'inspiraient ces deux offres d'emploi et vous n'avez rien fait pour y répondre.
     ... Au Canada, vous vous attendez à exercer le métier de cuisinier et à ce que l'un ou (et) l'autre de vos frères pourvoient entièrement à vos besoins, espérance par ailleurs parfaitement conforme à un manque total de prospection ou de préparatifs.
     ...
     On ne constate chez vous aucune connaissance du Canada ou de la situation de l'emploi, deux domaines qui, pourtant, sont de nature à influencer vos chances de vous y installer et d'y gagner votre vie. Vous avez été interrogé assez longuement concernant vos projets éventuels d'emploi au cas où les offres de travail qui vous ont été faites de manière informelle ne se réaliseraient pas ou ne s'avéreraient pas durables. Vous avez répondu que vos frères, installés au Canada, vous aideraient et vous fourniraient tout ce dont vous avez besoin. Vous avez presque 51 ans, vous ne parlez pas anglais, vous avez passé toute votre vie dans un village à la campagne, vous n'avez travaillé que comme ouvrier agricole et comme aide-cuisinier uniquement chargé de la friture. ... L'absence chez vous de tout effort de prospection, que vous confirmez d'ailleurs vous-même, le fait que vous comptiez entièrement sur des forces extrinsèques (vos proches), votre manque de compréhension et de connaissance du marché canadien du travail et l'absence, chez vous, de toute solution de rechange, ne plaide guère en faveur de vos facultés d'adaptation, de votre esprit d'initiative, de votre motivation ou de votre débrouillardise.
     En ce qui concerne d'éventuelles solutions de rechange, vous n'avez rien prévu au cas où il vous faudrait chercher un emploi pour subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille. Vous avez toujours déclaré que vos frères s'occupent de vous. Mais, rappelons qu'une des offres informelles d'emploi qui vous ont été faites est neutralisée par le fait qu'un de vos frères n'est pas du tout en mesure de vous offrir un emploi et que la situation financière dans laquelle se trouve l'autre frère fait que son offre informelle d'emploi ne saurait se concrétiser. À mon avis, il est irréaliste de votre part de compter entièrement, comme vous le faite, sur les autres, et cela témoigne chez vous d'une absence des éléments susceptibles de vous permettre de réussir votre installation au Canada.
Il ressort des faits exposés ci-dessus que vous éprouverez de grandes difficultés économiques à vous installer au Canada, au point où il y a lieu d'exercer négativement le pouvoir discrétionnaire qui nous est reconnu.
Avant de rendre une décision finale, et conformément à l'ordonnance de la Cour, je vous ai communiqué les faits sur lesquels nous nous sommes fondés pour exercer, dans un sens qui vous est défavorable, notre pouvoir discrétionnaire et nous vous avons accordé soixante (60) jours pour y répondre avant que n'intervienne la décision finale3.

[7]      L'agent des visas est parvenu à cette conclusion après avoir examiné les deux offres d'emploi, décidant, après s'être également penchée sur les divers autres facteurs concernant le demandeur et sa situation, que ni l'une ni l'autre des deux offres n'était susceptible de se réaliser.

QUESTIONS EN LITIGE

     a) Est-ce à tort que l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur la situation présente et non pas sur les faits tels qu'ils étaient à l'époque où a été déposée la demande initiale?
     b) Si l'agent des visas ne s'est pas trompé de période de référence, a-t-il conduit le réexamen de la demande conformément à l'ordonnance du juge Campbell?
     c) L'ordonnance du juge Campbell a-t-elle pour conséquence que les facteurs examinés par la précédente agente des visas sont devenus res judicata, ce qui aurait pour effet d'empêcher l'actuel agent des visas d'en tenir compte?

ANALYSE

[8]      L'alinéa 11(3)b) du Règlement confère à l'agent des visas le pouvoir de refuser un visa d'immigrant s'il estime qu'il y a de " bonnes raisons " de penser que le nombre de points accordé ne rend pas bien compte des chances qu'a le demandeur de réussir son installation au Canada. Voilà ce que prévoit cette disposition :


11.(3) A visa officer may

     ...
     (b) refuse to issue an immigrant visa to an immigrant who is awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10

if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.

11.(3) L'agent des visas peut

     ...

     b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,

s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

1) La période de référence

[9]      Le demandeur fait valoir, en se fondant pour cela sur les affaires Wong c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration4 et Yeung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)5, que l'évaluation du dossier du demandeur aurait dû être menée sur la base des faits tels qu'ils étaient à l'époque où la demande fut déposée auprès des services de l'immigration, et non pas sur les faits tels qu'ils étaient à l'époque du réexamen du dossier. Il ressort de ces deux affaires, d'après moi, qu'en ce qui concerne le droit et la réglementation applicables, la date de " verrouillage " est l'époque où la demande a été formulée. Il n'en est cependant pas ainsi. La présente demande concerne l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.

[10]      J'estime que lorsqu'un agent des visas exerce le pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu, il est tenu de se fonder sur les faits tels qu'ils se trouvent à l'époque où est exercé ledit pouvoir discrétionnaire. Il en va particulièrement ainsi lorsqu'un changement de circonstances est intervenu. Si, par exemple, les frères du demandeur n'étaient plus en vie, ou s'ils avaient vendu leur commerce et étaient allés s'installer dans un autre pays, il serait illogique de demander à l'agent des visas de rendre un avis ne tenant aucun compte de ces nouveaux faits. Je me fonde en cela sur l'ouvrage de Clive Lewis, Judicial Remedies in Public Law6, dans lequel l'auteur affirme que :

[traduction]
Il incombe au décideur de tenir compte de tous les facteurs pertinents à l'époque où il doit rendre la deuxième décision, et il n'a aucune obligation de s'en tenir aux éléments existant à l'époque où fut initialement rendue la décision invalide.

[11]      Notons que cette approche peut également se révéler favorable au demandeur, notamment lorsque celui-ci a pu améliorer ses aptitudes ou obtenir une solide offre d'emploi. Malheureusement, en ce qui concerne le demandeur en l'espèce, les circonstances ne se sont pas améliorées.

[12]      À l'époque où il déposa initialement sa demande, le demandeur avait reçu une offre d'emploi de chacun des deux frères qu'il a au Canada. Mais, lorsque ces deux offres vinrent à être examinées, un des deux frères n'était plus propriétaire de restaurant et n'était pas, en tant que simple employé, en mesure de faire une offre d'emploi. De la même manière, le second frère ne se trouvait guère dans une situation financière lui permettant de faire une offre d'emploi car, selon des états financiers non vérifiés, son restaurant ne faisait pas suffisamment de bénéfices pour offrir au demandeur, comme il l'avait fait plus tôt, un salaire de 24 000 $ par an. L'agent des visas a tenu compte de cela et a décidé que les offres d'emploi n'étaient plus réalisables.

[13]      C'est à juste titre que l'agent des visas a retenu la période contemporaine pour décider s'il y avait lieu ou non d'exercer son pouvoir discrétionnaire.

2) Conformité avec l'ordonnance du juge Campbell

[14]      Selon le juge Campbell, le troisième agent des visas devait à nouveau décider si dans cette affaire, le pouvoir discrétionnaire avait été exercé conformément à la teneur d'une remarque incidente faite par le juge Strayer dans l'affaire Chen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)7.

[15]      Dans l'affaire Chen8, le juge Strayer s'était penché sur la question de savoir ce que peuvent être de " bonnes raisons " de croire que le nombre de points ne reflète pas adéquatement les chances qu'a l'immigrant de " réussir [son] installation " au Canada. Il a estimé que ces " bonnes raisons " ont trait aux aspects économiques de l'installation.

Même si ce paragraphe exige uniquement que l'agent des visas soit " d'avis qu'il existe de bonnes raisons ", ces raisons doivent être de nature à le porter à croire que l'immigrant n'est pas en mesure de s'établir avec succès au sens économique du terme.9

[16]      Il s'agissait, dans l'affaire Chen, de savoir si le fait que le demandeur avait tenté d'accélérer l'examen de sa demande en offrant un pot-de-vin à l'agent des visas justifiait, de la part de celui-ci, l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Le juge Strayer a estimé que, même si le demandeur avait manifesté une moralité douteuse, le pouvoir discrétionnaire reconnu à l'agent des visas par l'alinéa 11(3)b) se limitait aux facteurs économiques et que ce pouvoir ne saurait par conséquent être exercé au regard de facteurs non économiques tels qu'une moralité douteuse.

[17]      Dans sa décision, M. Chubak s'est longuement penché sur les deux offres d'emploi, ainsi que nous l'avons vu plus haut, décidant sur la base de la bonne période de référence, qu'à l'époque du réexamen, ni l'une ni l'autre de ces offres n'était réalisable.

[18]      Puis, M. Chubak s'est penché sur le fait que le demandeur arrivait de la campagne, qu'il parlait à peine anglais et qu'il ne connaissait que médiocrement le chinois; ses aptitudes étaient des plus restreintes et il n'avait jamais habité une grande ville; le demandeur voulait s'installer à Toronto mais ignorait tout du marché du travail; il se contentait de dire que ses frères s'occuperaient de lui. Dans sa lettre au demandeur, M. Chubak conclut en disant que " Il ressort des faits exposés ci-dessus que vous éprouverez de grandes difficultés économiques à vous installer au Canada, au point où il y a lieu d'exercer, dans un sens qui vous est défavorable, le pouvoir discrétionnaire qui nous est reconnu "10.

[19]      Cette conclusion montre bien que, conformément à l'ordonnance du juge Campbell, M. Chubak s'est effectivement penché sur la situation du demandeur, tenant compte notamment du fait que les offres d'emploi et la promesse d'aide n'étaient plus réalisables, afin d'apprécier si, conformément au principe posé dans l'affaire Chen, le demandeur parviendrait, économiquement s'entend, à s'installer au Canada. M. Chubak était d'avis que ce n'était pas le cas.

3) Res judicata

[20]      Au niveau de la res judicata, le juge Campbell s'est borné à conclure que, en s'en tenant trop strictement à la directive du sous-ministre, Mme Barr avait mal exercé son pouvoir discrétionnaire.

[21]      Le juge Campbell a ordonné que soit réexaminée la question de savoir si l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, dans un sens défavorable au demandeur, se justifiait en l'espèce. Dans l'affaire Mao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)11, le juge Pinard a déclaré que dans la mesure où les raisons concernant les chances qu'a le demandeur, au plan économique, de parvenir à s'installer au Canada, l'agent des visas peut se fonder sur bien des facteurs pour décider si de bonnes raisons justifient l'exercice négatif de son pouvoir discrétionnaire :

Dès lors que les motifs invoqués par l'agent des visas pour justifier l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en vue de rendre une décision défavorable se rapportent aux chances du requérant de s'établir avec succès au Canada sur le plan économique, et qu'ils ne se rapportent pas à une autre de ses chances de s'établir avec succès, l'agent des visas peut à bon droit fonder sa décision sur un nombre indéterminé de facteurs ...12

[22]      Pour se faire une opinion à cet égard, il était loisible à M. Chubak de procéder à sa propre appréciation des facteurs touchant aux chances qu'avait le demandeur de réussir, au plan économique, son installation au Canada.

[23]      En cela, M. Chubak n'a fait que se conformer à l'ordonnance du juge Campbell, aux termes de laquelle il devait réexaminer la question de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire à la lumière du principe énoncé dans l'affaire Chen. Cela étant, il n'y a pas lieu d'appliquer en l'occurrence la doctrine de l'autorité de la chose jugée.

[24]      J'estime que M. Chubak n'a commis aucune erreur justiciable du contrôle judiciaire et qu'il a exercé le pouvoir discrétionnaire qui est le sien conformément à l'ordonnance du juge Campbell.

CONCLUSION

[25]      Pour l'ensemble de ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[26]      L'avocat du demandeur a proposé à la Cour de certifier les questions suivantes :

1)      Dans le cas où il est fait droit à une demande de contrôle judiciaire, le sous-ensemble de faits couvert par l'ordonnance de la Cour, y compris les questions qui auraient pu être soulevées, relève-t-il de la res judicata, et cela a-t-il pour effet d'interdire ultérieurement à un agent des visas de revenir sur eux, les faits en question étant amalgamés au jugement? Cette question ne vise que les appréciations rétrospectives, telles que celles dont il était question dans l'affaire Kaloti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (8 septembre 1998), IMM-4932-97 (C.F. 1re inst.).

2)      Quelle est la période de référence à retenir aux fins de l'exercice du pouvoir discrétionnaire lorsque l'appréciation s'est faite en 1994 - convient-il de limiter l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire à la seule année 1994?

Je ne vois guère comment, en raison de l'autorité de la chose jugée, l'ordonnance de la Cour aurait pour effet d'interdire l'évaluation à laquelle il est, justement, enjoint à l'agent des visas de procéder. Il n'y a pas lieu en l'espèce de certifier l'une ou l'autre de ces questions. Aucune question ne sera en l'occurrence certifiée par la Cour.



     " Danièle Tremblay-Lamer "

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 21 janvier 1999




Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-6349-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      KIN WING LAU c.

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE      L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 14 janvier 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE :      le 21 janvier 1999



ONT COMPARU :

M. Cecil L. Rotenberg      POUR LE DEMANDEUR

M. Kevin Lunny      POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg      POUR LE DEMANDEUR

Don Mills (Ontario)

Morris Rosenberg      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      DORS/78-172.

3      Lettre de G. Chubak à Liu Jian Rong (7 septembre 1998).

4      (1986), 64 N.R. 309 (C.A.F.).

5      (1992), 17 Imm. L.R. (2d) 191 (C.F. 1re inst.).

6      (London: Sweet & Maxwell, 1992) à la p. 151.

7      [1991] 3 C.F. 350 (1re inst.); inf. [1994] 1 C.F. 639 (C.A.); et conf. [1995] 1 R.C.S. 725.

8      Ibid.

9      Ibid à la p. 361.

10      Supra, note 3.

11      (16 janvier 1997), IMM-844-96 (C.F. 1re inst.)

12      Ibid au par. 6.

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