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Date : 20050929

Dossier : IMM-846-05

Référence : 2005 CF 1337

Ottawa (Ontario), le 29 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

LEE, KWANG HOO

YOU, SUN ME

LEE, JONG MIN

LEE, JONG GEUN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire présentée aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), qui vise la décision par laquelle un agent d'immigration (l'agent) a décidé que les demandeurs n'avaient pas justifié l'octroi d'une dispense fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, aux termes de l'article 25 de la Loi.

[2]                Le demandeur principal Kwan Hoo Lee, sa femme, ses deux enfants et les autres demandeurs sont des citoyens coréens.

[3]                Les demandeurs ont présenté une demande d'asile au Canada le 8 août 2002 et sollicité un examen des risques avant renvoi (ERAR) le 10 mai 2004. Dans les deux cas, leur statut de personnes à protéger n'a pas été reconnu. La décision négative de la Section de la protection des réfugiés a été prononcée le 28 avril 2003, et la décision relative à l'ERAR, le 10 janvier 2005. L'autorisation d'interjeter appel a été refusée le 24 mai 2005.

[4]                Les demandeurs ont également sollicité la résidence permanente au moyen d'une dispense fondée sur des considérations d'ordre humanitaire présentée aux termes de l'article 25 de la Loi, le 28 mai 2003. La décision de l'agent, datée du 11 janvier 2005, porte que les demandeurs n'ont pas établi les conditions d'octroi d'une dispense pour des motifs d'ordre humanitaire.

[5]                La demande d'asile initiale des demandeurs tire son origine d'un prêt d'argent consenti en Corée. Ils étaient à l'époque propriétaires d'un restaurant et ils ont emprunté de l'argent auprès d'une personne privée pour exploiter leur entreprise. Il semble qu'ils ont emprunté cet argent auprès de prêteurs usuriers, qui ont frappé et harcelé le demandeur principal et sa famille parce qu'il n'avait pas remboursé la somme empruntée. Les demandeurs n'ont pas communiqué avec la police ou avec d'autres autorités en Corée. Les demandeurs soutiennent que l'agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de la crainte subjective qu'ils éprouvent à l'égard de ces prêteurs.

[6]                Aujourd'hui, le demandeur principal et son épouse exploitent à Burnaby, en C.-B., une entreprise de fabrication d'enseignes dont ils sont propriétaires. Ils soutiennent que cette entreprise est un élément dont il convient de tenir compte dans le cas d'une demande fondée sur des considérations d'ordre humanitaire.

[7]                Les deux fils du demandeur principal fréquentent l'école primaire en C.- B. et les demandeurs soutiennent que les enfants subiraient un préjudice si la famille était obligée de retourner en Corée. Un des enfants, qui est suivi par un psychologue coréen au Canada, est très anxieux; il souffre d'insomnie, de grande fatigue, d'hypersensibilité et de troubles psychologiques.

[8]                Les demandeurs sont également des membres actifs de l'Église On-Nu-Ri de Vancouver; ils soutiennent que ce fait milite en la faveur de l'octroi d'une dispense fondée sur des considérations d'ordre humanitaire.

[9]                L'agent a conclu qu'il n'existait pas suffisamment de motifs pour rendre une décision positive. Il note que la question de la crainte subjective a été examinée dans le cadre de l'examen de la demande d'asile et dans l'examen ERAR.

[10]            Il note que le demandeur principal exploite une entreprise d'enseignes au Canada dont il est propriétaire, mais il conclut que le demandeur n'a pas établi que le fait de fermer cette petite entreprise causerait un préjudice disproportionné aux travailleurs canadiens ou à l'économie locale. L'agent écrit que le demandeur principal n'a pas fourni beaucoup de preuves démontrant que ses aptitudes commerciales sont rares au Canada ou que la fermeture de cette entreprise causerait un préjudice important à l'économie locale ou aurait un effet sur des citoyens canadiens.

[11]            L'agent fait remarquer que le demandeur principal a l'expérience de divers types d'entreprises et qu'il ne devrait éprouver aucune difficulté à se trouver du travail en Corée, où vivent des membres de sa famille qui sont prêts à l'aider; en outre, de nombreux membres de sa famille vivent en Corée et il n'a aucun parent proche au Canada.

[12]            L'agent a ensuite examiné la question des enfants. Il conclut que les père et mère des enfants ainsi que les autres membres de la famille peuvent protéger les enfants contre des actes de violence en collaborant avec les autorités coréennes pour contenir les activités criminelles des prêteurs en question. Les études étayent la décision de l'agent selon laquelle les autorités coréennes poursuivent activement les prêteurs et les autres membres du crime organisé en Corée. Il est mentionné que le demandeur principal et son épouse n'ont jamais informé les autorités coréennes des activités exercées par ces prêteurs usuriers. En ce qui concerne l'intérêt des enfants, l'agent a conclu que les enfants sont encore jeunes, que leur langue maternelle est le coréen et qu'ils sont citoyens coréens.

[13]            Pour conclure, l'agent mentionne le fait que les demandeurs n'ont tenu aucun compte des règles canadiennes en matière d'immigration. Ils n'ont pas quitté le pays en mars 2001, alors qu'ils devaient le faire à l'expiration de leurs visas de visiteurs et n'ont présenté une demande d'asile qu'en août 2002 (soit 16 mois après l'expiration de leur statut de visiteur); le demandeur principal et son épouse étaient au chômage et les enfants ne fréquentaient pas l'école. De plus, la famille n'a pas communiqué à CIC l'adresse d'une résidence à laquelle ils pouvaient être rejoints.

[14]            L'agent a jugé que les demandeurs n'avaient pas établi des motifs d'ordre humanitaire justifiant une dispense et il a rendu une décision négative.

[15]            Les demandeurs soutiennent que l'agent n'a pas pris en considération l'intérêt des enfants, plus particulièrement l'état psychologique de leur fils, et que l'agent n'a pas tenu compte des lacunes des services de police coréen, à cause desquelles ils ne peuvent retourner en Corée.

[16]            Les demandeurs soutiennent que l'agent a commis une erreur lorsqu'il a conclu que les demandeurs n'étaient pas suffisamment intégrés dans la collectivité et que l'agent n'a pas tenu compte de l'effet qu'aurait la fermeture de l'entreprise sur la famille et non pas uniquement sur la collectivité.

[17]            Enfin, les demandeurs soutiennent que l'agent n'a pas pris en considération le temps qu'ils ont vécu au Canada (quatre ans environ) pour apprécier les difficultés que les demandeurs connaîtraient s'ils retournaient en Corée.

[18]            Le demandeur principal a déposé un affidavit à l'appui de la présente demande qu'il a produit à l'audience; le défendeur soutient que l'information et les documents contenus aux paragraphes 14 à 18 de l'affidavit n'ont pas été régulièrement transmis à l'agent et ne devraient pas être pris en considération dans le cadre de la présente demande. Le défendeur sollicite la radiation des paragraphes 14 à 18 de l'affidavit et des pièces connexes.

[19]            À titre de question préliminaire, je mentionne que je souscris à l'opinion du défendeur au sujet de l'admissibilité des paragraphes 14 à 18 de l'affidavit du demandeur principal et des pièces connexes. Dans le cas d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour ne tient pas compte des preuves nouvelles ou des preuves qui n'ont pas été régulièrement présentées au décideur administratif. Par conséquent, je n'examinerai ni les paragraphes 14 à 18 de l'affidavit du demandeur principal, ni les pièces associées (voir par exemple Abeida c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1281, au paragraphe 27).

[20]            Outre les preuves non admissibles, les demandeurs présentent quatre arguments principaux :

a.        L'agent n'a pas tenu compte de l'intérêt des enfants aux termes de l'article 25 de la Loi;

b.       L'agent n'a pas tenu compte du degré d'intégration des demandeurs dans la collectivité;

c.        L'agent n'a pas tenu compte des lacunes des services de police en Corée;

d.       Le temps que les demandeurs ont passé au Canada n'a pas été pris en considération comme il le fallait.

[21]            L'agent a tenu compte des enfants, et ce, à plusieurs reprises, dans sa décision. Il a raisonnablement conclu que les parents et les membres de leur famille pourraient protéger leurs enfants en Corée. Il note que les demandeurs, y compris les enfants, n'ont pas de famille proche au Canada; tous leurs proches sont en Corée. Leur retour en Corée rapprocherait les enfants des membres de leur famille; la langue maternelle des enfants est le coréen; ce sont des citoyens coréens et ils sont relativement jeunes. Je suis convaincu que l'agent a tenu compte de l'intérêt des enfants lorsqu'il a rendu sa décision.

[22]            Le deuxième argument que soulève le demandeur est que l'agent n'a pas tenu compte de leur degré d'intégration dans la collectivité. Bien au contraire, l'agent a expressément mentionné le fait que les demandeurs étaient membres d'une église, le fait qu'ils étaient propriétaires et exploitants d'une entreprise de fabrication d'enseignes ainsi que les lettres de référence émanant de membres de la collectivité qui souhaitaient appuyer les demandeurs. L'agent a considéré tous les facteurs relatifs à l'intégration dans la collectivité et a conclu que la fermeture de l'entreprise de la famille Lee ne causerait pas des difficultés disproportionnées à la collectivité locale ou à des travailleurs canadiens. L'agent a également conclu que les demandeurs n'avaient pas produit de preuves indiquant que leur degré actuel d'intégration était tel qu'en cas de retour, ils subiraient des difficultés disproportionnées ou imméritées. Il est évident que l'agent a examiné l'intégration de la famille et a tiré des conclusions raisonnables au sujet de cette intégration et de l'entreprise familiale.

[23]            La troisième question soulevée par les demandeurs est que l'agent n'a pas apprécié les lacunes des services de police coréens. Cet argument est tout à fait dépourvu de fondement; cette appréciation a été effectuée dans le cadre de l'examen ERAR. Aux termes de l'article 25 de la Loi, il incombe au demandeur d'établir l'existence de circonstances d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'une dispense à l'égard de l'exigence selon laquelle la demande de résidence permanente doit être présentée de l'étranger.

[24]            Le dernier point soulevé par les demandeurs est le temps qu'ils ont passé au Canada. Les demandeurs soutiennent qu'ils sont ici depuis plus de quatre ans et que l'agent n'a pas tenu compte de la durée de leur séjour lorsqu'il a prononcé sa décision. Bien au contraire, l'agent a fait remarquer que les demandeurs ont manifesté un manque de respect à l'égard de CIC en demeurant au Canada pendant 16 mois sans avoir aucun statut avant de présenter une demande d'asile en 2003. Il a signalé que le reste du temps que les demandeurs ont passé au Canada a été consacré à la demande d'asile, à la demande d'ERAR et à la demande fondée sur des considérations d'ordre humanitaire qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire et qu'à l'heure actuelle, ils n'ont pas démontré qu'ils étaient mieux intégrés au Canada qu'ils ne l'étaient en 2003 au moment du dépôt de la demande initiale fondée sur des considérations d'ordre humanitaire. La conclusion de fait à laquelle l'agent est arrivé sur cette question est raisonnable.

ORDONNANCE

À la lumière de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Paul U.C. Rouleau »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-846-05

INTITULÉ :                                        KWANG HOO LEE et al.

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 14 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE Rouleau

DATE DES MOTIFS :                       LE 29 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

James Henshall                                                                          POUR LES DEMANDEURS

Scott Nesbitt                                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

James Henshall

Avocat                                                                                      POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ont.)

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