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                                                                                                                               Date : 20041102

                                                                                                                    Dossier : IMM-9238-03

                                                                                                               Référence : 2004 CF 1485

ENTRE :

                                           ROSA YASMIN DOMINGUEZ NAPURI

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR), rendue le 29 octobre 2003, statuant que la demanderesse n'est ni une « réfugiée » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » aux termes des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.

[2]         Rosa Yasmin Dominguez Napuri (la demanderesse) est une ressortissante péruvienne née en 1961. Elle allègue avoir été persécutée dans son pays par des terroristes, sans qu'elle puisse faire appel aux autorités de son pays pour la protéger.


[3]         La demanderesse prétend qu'elle aurait demandé, par l'entremise de son avocate, une remise de l'audience du 14 avril 2003, vu sa fragilité psychologique à ce moment-là . Essentiellement, la demanderesse soutient que la CISR a fait erreur en s'appuyant sur les faits pour rejeter sa demande sans tenir compte du rapport psychologique. Il y a eu, selon la demanderesse, déni de justice parce qu'elle a été obligée de procéder alors qu'elle ntait pas prête.

[4]         Il n'y a aucune preuve au dossier que la demanderesse ait demandé une remise de l'audience en raison de son état psychologique. On ne trouve qu'une lettre datée du 8 avril 2003 (moins d'une semaine avant l'audience), adressée par la procureure de la demanderesse à la CISR, qui demande que le panel et l'interprète soient des femmes. À l'audience, l'interprète est une femme mais le commissaire qui préside est un homme. L'avocate tente de faire état de la difficulté que cela pose, mais le commissaire écarte l'objection et l'audience procède sans autre objection.

[5]         La Cour a souvent traité du problème de lvaluation psychologique comme outil pour étayer la crédibilité d'un revendicateur d'asile.

[6]         Comme lcrivait la juge Reed dans l'arrêt Danailov c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 1019 (1re inst.) (QL) :

[2]             En ce qui concerne les arguments relatifs aux conclusions du tribunal sur la crédibilité, j'ai lu la transcription et la décision du tribunal avant d'entendre les prétentions des avocats. Ayant eu l'avantage d'entendre celles-ci, la seule conclusion qui s'impose est que la décision du tribunal était tout à fait justifiée compte tenu de la preuve dont il avait été saisi. Quant à l'appréciation du témoignage du médecin, il est toujours possible d'évaluer un témoignage d'opinion en considérant que ce témoignage d'opinion n'est valide que dans la mesure où les faits sur lesquels il repose sont vrais. Si le tribunal ne croit pas les faits sous-jacents, il lui est tout à fait loisible d'apprécier le témoignage d'opinion comme il l'a fait.


[7]         Je crois qu'en l'espèce les conclusions de la CISR sont également justifiées par les preuves au dossier. Le rapport psychologique fait état des faits rapportés par la demanderesse; il corrobore le traumatisme, il ne peut corroborer les faits qui justifieraient l'octroi de l'asile. Comme lcrivait le juge Rothstein dans la décision Rosales c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 1454 (1re inst.) (QL), au paragraphe 14 :

. . . la lettre d'un psychiatre ne prouve pas en elle-même qu'un demandeur de statut satisfait aux conditions applicables au statut de réfugié au sens de la Convention. Tout au plus, dans la présente affaire, la lettre corrobore le récit du requérant. C'est en effet la preuve factuelle qui doit servir à établir si le requérant satisfait aux conditions d'obtention du statut de réfugié au sens de la Convention.

[8]         On trouve le même raisonnement sous la plume du juge MacKay, dans la décision Al-Kahtani c. Canada (M.C.I.), [1996] A.C.F. no 335 (1re inst.) (QL), au paragraphe 14 :

. . . je ne pense pas que la suite réservée par le tribunal au rapport soit déraisonnable. Mais à supposer même qu'elle le soit, ce rapport indique tout au plus que le requérant souffrait de syndrome de stress post-traumatique, mais ne corrobore pas les faits mêmes dont il dit qu'ils justifient sa crainte d'être persécuté. À mon avis, tel est le sens de la conclusion du tribunal au sujet du rapport, et on ne peut dire que cette conclusion soit déraisonnable ou erronée sur le plan juridique.


[9]         De plus, semblable rapport psychologique ne peut justifier une demande par ailleurs complètement déficiente sur le plan de la crédibilité. Ltat émotif de la demanderesse, bien visible d'après la transcription, aurait pu dans une certaine mesure faire pardonner certaines incohérences mineures, compte tenu de la preuve psychologique. Toutefois, en l'espèce, ce n'est pas seulement le témoignage qui nuit à la crédibilité. Les preuves documentaires en elles-mêmes sont contradictoires, témoins le parcours de la demanderesse pour arriver au Canada, l'absence de documents pour corroborer son mariage, ses enfants et les soins médicaux reçus au Pérou, ou les documents relatifs à la demande de visa qui font état de deux passeports péruviens émis en 1998 et de deux états civils déclarés (séparée, mariée). Un troisième état civil (célibataire) figure sur le carnet militaire et l'acte notarié qui constitue la compagnie dont la demanderese est actionnaire. De plus, le Formulaire sur les renseignements personnels aussi pose problème pour ce qui est d'incohérences et de contradictions.

[10]       La demanderesse ayant donc fait défaut dtablir que la CISR a porté atteinte à lquité de la procédure, pas plus qu'elle n'a réussi à démontrer que la décision de ce tribunal spécialisé est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7), l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée.

[11]       En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                     

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 2 novembre 2004


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