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Date : 20060329

Dossier : IMM‑3850‑05

Référence : 2006 CF 397

Toronto (Ontario), le 29 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE Tremblay‑Lamer

 

ENTRE :

MILLY CHRISTELLE GAPFASONI

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, une citoyenne du Burundi, sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), qui lui a refusé la qualité de réfugiée au sens de la Convention et la qualité de personne à protéger, au sens des définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi.

 

[2]               Au soutien de sa demande d’asile, elle allègue les faits suivants.

 

[3]               La nuit du 16 janvier 2003, des rebelles hutus ont fait irruption dans la maison familiale et ont assassiné son père, un Tutsi très en vue qui avait été conseiller du ministre de l’Intérieur depuis 1997. Il avait auparavant été colonel dans l’armée et avait aussi occupé la charge de gouverneur de certaines régions du Burundi. La demanderesse, ainsi que sa mère et sa sœur, ont pu s’échapper. Les trois femmes ont passé trois semaines auprès d’une autre sœur dans le village de Kinindo, puis sont allées vivre à Musaga, un petit village, après quoi la demanderesse a quitté le pays par crainte d’être persécutée par le même groupe rebelle qui avait tué son père et son cousin Édouard et qui, allègue‑t‑elle, avait l’intention d’assassiner le reste de sa famille.

 

[4]               Elle est arrivée au Canada le 8 juillet 2004. Le lendemain, elle demandait le statut de réfugiée au titre de sa race – elle est Tutsi – et de son appartenance à un groupe social, sa famille. Elle prétend aussi être exposée à la torture, à un risque pour sa vie ou à des traitements ou peines cruels et inusités.

 

[5]               La Commission a rejeté la demande d’asile de la demanderesse au motif que son témoignage n’était pas assez crédible.

 

[6]               La demanderesse fait d’abord valoir que la Commission a totalement laissé de côté un aspect important de sa revendication, à savoir sa crainte de persécution aux mains d’extrémistes tutsis.

 

[7]               Toutefois, un examen de la preuve révèle que ce n’était pas là un aspect important de sa demande d’asile. Quand la demanderesse a été priée de dire précisément ce qu’elle craint ou qui elle craint au Burundi, elle n’a parlé que des extrémistes hutus. Elle n’a jamais mentionné les extrémistes tutsis.

 

[8]               La demanderesse soutient aussi que la Commission a commis une erreur quand elle a dit que son témoignage n’était pas crédible.

 

[9]               La norme de contrôle applicable aux conclusions touchant la crédibilité est la décision manifestement déraisonnable : Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), N’Sungani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1759, [2004] A.C.F. n° 2142 (C.F.) (QL). Cela signifie que la décision doit être « clairement irrationnelle » ou « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir » : Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 52.

 

[10]           S’agissant d’abord de la conclusion de la Commission selon laquelle il y avait une contradiction entre, d’une part, le FRP de la demanderesse, où elle écrivait que son père était resté à l’intérieur de la maison pour chercher sa carabine et avait été abattu à l’intérieur, et, d’autre part, son témoignage au cours duquel elle a dit qu’il était allé à l’extérieur, je relève que la demanderesse a témoigné que son père « est allé dehors ». Il était donc loisible à la Commission de conclure comme elle l’a fait.

 

[11]           Il était loisible également à la Commission de voir d’un mauvais œil l’absence de toute couverture médiatique de l’assassinat d’une personne très haut placée, telle que son père, alors que les décès et disparitions de personnes anonymes bénéficient d’une telle couverture médiatique.

 

[12]           Quant au fait que la demanderesse n’a pas écrit dans son FRP que sa mère avait été blessée, puis hospitalisée, à la suite de la prétendue attaque menée par les rebelles hutus, je suis d’avis qu’il s’agirait là d’événements importants à mentionner dans le FRP. Il était donc loisible à la Commission d’invoquer leur absence du FRP pour mettre en doute la crédibilité de la demanderesse.

 

[13]           Pour ce qui est des relevés scolaires de la demanderesse, elle a donné un témoignage déroutant et incohérent. Par exemple, elle a dit qu’elle avait terminé tous ses examens et aussi qu’elle ne les avait pas terminés. La Commission était fondée à rejeter les explications de la demanderesse. Globalement, je suis convaincu que, en disant qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles au soutien de la revendication de la demanderesse, la Commission n’a pas commis d’erreur manifestement déraisonnable.

 

[14]           S’agissant de la question du certificat de décès, il est vrai que la Commission a écrit à tort que le certificat de décès n’avait pas été produit par la demanderesse. Pourtant, la Commission considère subsidiairement que, même si son père était mort, la demanderesse n’avait pas prouvé qu’il avait été froidement abattu par des rebelles hutus. Par ailleurs, le certificat de décès, tout en attestant le décès du père, ne précise pas la cause du décès et n’aurait donc pas pour effet de confirmer les allégations de la demanderesse concernant l’assassinat.

 

[15]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Danièle Tremblay‑Lamer »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                       IMM‑3850‑05

 

 

INTITULÉ :                                                      MILLY CHRISTELLE GAPFASONI

                                                                           c.

                                                                           LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                           ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              LE 28 MARS 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LA JUGE TREMBLAY‑LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 29 MARS 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Crane

 

         POUR LA DEMANDERESSE

Angela Marinos

 

         POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Crane

Toronto (Ontario)

 

         POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

         POUR LE DÉFENDEUR

 

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