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Date : 20000815


Dossier : IMM-5240-99



ENTRE

     DANIEL ESSEL QUAO,

     demandeur,

     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS


[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire concernant la décision de la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, datée du 5 octobre 1999, par laquelle la section d'appel rejetait l'appel du demandeur au sujet de la demande parrainée de résidence permanente présentée par son épouse.


LES FAITS

[2]          Le demandeur est un résident permanent au Canada. Il souhaite parrainer sa femme, qu'il a épousée par procuration au Ghana.

[3]          L'agente des visas n'était pas convaincue que le mariage avait eu lieu. En outre, l'agente des visas a estimé que, même s'il y avait eu mariage, celui-ci avait été contracté dans le but de faciliter l'obtention d'une autorisation de séjour au Canada à titre de parent puisque la personne parrainée n'était pas en mesure de fournir beaucoup de détails concernant le demandeur. L'agente des visas a refusé la demande aux termes du paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration.

LA DÉCISION DE LA SECTION D'APPEL

[4]          La section d'appel a souligné que le demandeur n'avait pas signé son certificat de mariage et qu'il ne savait pas quelle était la personne qui l'avait signé à sa place.

[5]          La section d'appel a également souligné le fait que la déclaration solennelle contenait deux erreurs graves. Tout d'abord, une personne du nom de Daniel Ayitey Botchway était mentionnée comme étant le chef de famille et l'oncle du demandeur alors que celui-ci a reconnu qu'il ne connaissait pas cette personne. Deuxièmement, la déclaration solennelle mentionnait que Samuel Essel Quao, le père du demandeur, avait assisté à la cérémonie, alors que, tant le demandeur que sa mère avaient déclaré que le père du demandeur était déjà revenu au Canada au moment du mariage.

[6]          La section d'appel a refusé d'infirmer la décision de l'agente des visas et a rejeté l'appel pour défaut de compétence.

LA THÈSE DU DEMANDEUR

[7]          Le demandeur soutient que cette affaire reflète un problème très grave de partialité institutionnelle.

[8]          Le demandeur affirme que, lorsqu'il est arrivé au Canada en 1995, il a déclaré à ses parents qu'il souhaitait épouser une amie de jeunesse. Son père s'est rendu au Ghana pour organiser le mariage.

[9]          Le demandeur affirme qu'un oncle de sa mère, qu'il ne connaît pas, l'a représenté au mariage et a signé en son nom. Le demandeur soutient que c'est là la façon habituelle et légale de se marier au Ghana.

[10]          Par la suite, la mère du demandeur s'est rendue auprès de la famille de son épouse et il soutient que, selon le droit ghanéen, cela suffit à valider le mariage, comme il l'a expliqué à la Commission.

[11]          Le demandeur soutient avoir produit des lettres, ainsi que des photographies de la cérémonie du mariage, en plus d'un certain nombre de factures de téléphone.

[12]          Le demandeur soutient que le mariage par procuration est légal au Ghana. Il affirme qu'il serait discriminatoire que la Commission exige de tous les Ghanéens d'établir la nature du droit ghanéen et de prétendre ignorer ce droit.

[13]          Le demandeur affirme que la famille est une valeur fondamentale en droit international et qu'il faut la protéger.

[14]          Le demandeur soutient que son épouse et lui sont victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale et ethnique, ce qui est interdit par la loi.

LA THÈSE DU DÉFENDEUR

[15]          Le défendeur déclare que le demandeur est arrivé en 1995 à Montréal pour vivre avec ses parents. Contrairement à sa déclaration selon laquelle il a toujours travaillé, le demandeur, note le défendeur, a travaillé pendant deux ans comme opérateur de machine et a été ensuite licencié. Il a touché de l'assurance-chômage et a ensuite étudié.

[16]          Le défendeur souligne le fait que le père affirme s'être rendu au Ghana pour préparer le mariage coutumier mais qu'il est revenu au Canada avant que celui-ci ne soit célébré.

[17]          Le défendeur note que le mariage a apparemment eu lieu le 18 septembre 1996 mais que le demandeur n'y a pas assisté et ne se souvient pas de cette date.

[18]          Le défendeur souligne le fait que l'épouse n'a pas vécu avec la famille du demandeur après le mariage, comme l'exige la tradition locale.

[19]          Le défendeur note qu'en 1997, le demandeur a déménagé à la suite d'un incendie mais qu'il n'a pas communiqué sa nouvelle adresse à la femme avec laquelle il était donc apparemment marié depuis huit mois.

[20]          Le défendeur rappelle à la Cour qu'une déclaration solennelle et signée atteste que le père du demandeur et Daniel Ayitey Botchway ont assisté au mariage coutumier. Cependant, le père du demandeur n'a pas assisté au mariage et le demandeur a reconnu qu'il ignorait qui était M. Botchway.

[21]          Le défendeur note que la déclaration solennelle signée par les parents de l'épouse parrainée énonce qu'ils ont été témoins du mariage coutumier et que le couple a été déclaré mari et femme. Cependant, le demandeur n'a pas assisté à la cérémonie.

[22]          Le défendeur souligne le fait que l'épouse parrainée a présenté une lettre et une carte datée de 1997, ainsi qu'une autre lettre de 1998, pour établir le mariage. Elle n'a pas apporté de photographies et ne portait pas d'alliance. Elle ignorait également où travaillait le demandeur.

[23]          Le défendeur note que le certificat de mariage est signé par le demandeur, bien que celui-ci n'ait pas assité à la cérémonie.

[24]          Le défendeur soutient que toutes les lettres envoyées au demandeur par l'épouse parrainée, ainsi que les factures de téléphone, ont été produites après que la demande de statut ait été rejetée.

[25]          Le défendeur soutient que, puisqu'aucune preuve concernant le droit du Ghana en matière de mariage coutumier n'a été présentée, la conclusion à laquelle la Commission en est arrivée au sujet du caractère suffisant des preuves concernant l'existence d'un mariage juridiquement valide est une pure question de fait.

[26]          Le défendeur soutient que les conditions de validité d'un mariage de ce type n'est pas un aspect dont la Commission peut prendre connaissance d'office. Le défendeur soutient que le demandeur ne s'est pas acquitté du fardeau de démontrer que les conditions de validité d'un mariage coutumier avaient été respectées.

[27]          Les seuls éléments de preuve nouveaux présentés à la Commission étaient les déclarations du demandeur, qui constituent une preuve intéressée émanant de personnes n'étant pas des experts. Quant aux photographies, factures de téléphone et lettres, ces éléments ne démontraient pas l'existence du prétendu mariage.

ANALYSE

[28]          L'article 77 de la Loi sur l'immigration définit de la façon suivante le droit d'appel du répondant :

77.(1) Where a person has sponsored an application for landing made by a member of the family class, an immigration officer or visa officer, as the case may be, may refuse to approve the application on the grounds that

(a) the person who sponsored the application does not meet the requirements of the regulations respecting persons who sponsor applications for landing, or

(b) the member of the family class does not meet the requirements of this Act or the regulations,

and the person who sponsored the application shall be informed of the reasons for the refusal.

[...]

    

(3) Subject to subsection (3.1), a Canadian citizen or permanent resident who has sponsored an application for landing that is refused pursuant to subsection (1) may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds:

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

(b) on the ground that there exist compassionate or humanitarian considerations that warrant the granting of special relief.



77. (1) L'agent d'immigration ou l'agent des visas, selon le cas, peut rejeter une demande parrainée d'établissement présentée par un parent pour l'un ou l'autre des motifs suivants -- dont doit être alors informé le répondant_:

a) le répondant ne remplit pas les conditions fixées par les règlements;




b) le parent ne remplit pas les conditions fixées par la présente loi et ses règlements.





[...]

(3) S'il est citoyen canadien ou résident permanent, le répondant peut, sous réserve des paragraphes (3.01) et (3.1), en appeler devant la section d'appel en invoquant les moyens suivants_:



a) question de droit, de fait ou mixte;



b) raisons d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'une mesure spéciale.

[29]          Le juge Reed a déclaré dans Rattan c. M.E.I. (1994), 73 F.T.R. 195 :

     Un appel sous le régime de l'article 77 n'est pas un contrôle judiciaire lorsque seulement l'exactitude de la décision de l'agent d'immigration est à l'examen. C'est ce qui se dégage du paragraphe 77(3), qui permet des appels pour des questions de fait, et de la procédure suivie qui permet au répondant, au Canada, d'appeler des témoins et de produire d'autres éléments de preuve [...]. Le rôle de la section d'appel consiste, non pas à déterminer si la décision de l'agent d'immigration a à juste titre été prise, mais à déterminer si la personne parrainée appartient à la catégorie des personnes exclues par le paragraphe 4(3) du Règlement : Mohammed c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 3 C.F. 90 (C.A.) à la p. 94, le juge en chef Thurlow. À cette fin, elle doit examiner le témoignage du répondant et les décisions de l'agent d'immigration pour se décider. Si le répondant peut convaincre le tribunal que les conclusions de l'agent d'immigration n'étaient pas fondées, son appel est accueilli.

[30]          Le demandeur était tenu de démontrer à la section d'appel que l'agente des visas avait commis une erreur lorsqu'elle a refusé d'accorder un visa de résident permanent à son épouse. L'agente des visas n'était pas convaincue qu'il y avait eu effectivement mariage. Devant la Commission, le demandeur a déclaré qu'il ne se souvenait pas de la date de son mariage. Il a prétendu que son père s'était rendu au Ghana pour organiser son mariage, ce qui ne l'a pas empêché de déclarer par la suite que son père avait quitté ce pays avant que le mariage ne soit célébré. Il a reconnu qu'il n'avait pas signé le certificat de mariage et ne connaissait pas la personne qui l'avait signé à sa place. J'estime que même s'il y avait eu mariage par procuration et que si le demandeur ne connaissait pas personnellement l'auteur de la signature, il aurait été néanmoins en mesure de découvrir qui avait signé à sa place. En outre, le demandeur aurait normalement dû connaître la date à laquelle il s'était marié avec son amie d'enfance.

[31]          Pour ce qui est des règles du mariage coutumier, il incombait au demandeur de fournir des éléments de preuve objectifs de ces règles et de les présenter à la Commission. Le droit international, national voire coutumier ne font pas partie des connaissances générales que doivent avoir les membres de la Commission. Ce n'est pas le genre d'élément que la Commission doit normalement connaître ou prendre connaissance d'office.

[32]          Je ne suis pas convaincu que la Commission ait commis une erreur lorsqu'elle a rejeté l'appel. Le demandeur n'a pas démontré que le mariage avait eu lieu. Au contraire, son témoignage et les documents qu'il a présentés laissent planer un doute grave sur l'existence de ce mariage.

[33]          Le demandeur a présenté des allégations graves de partialité mais n'a pas réussi à les établir. J'estime qu'elles ne sont pas fondées.

[34]          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         Pierre Blais

                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

15 août 2000

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DE GREFFE :              IMM-5240-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      DANIEL ESSEL QUAO

                     c.

                     MCI
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 4 AOÛT 2000
LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE BLAIS

EN DATE DU 15 AOÛT 2000


ONT COMPARU :

STEWART ISTVANFFY,              POUR LE DEMANDEUR
NORMAND LEMYRE,              POUR LE DÉFENDEUR
                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

STEWART ISTVANFFY

Montréal (Québec)                  POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada      POUR LE DÉFENDEUR
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